• Epargne: pauvre tu paieras, riche tu gagneras

    20/09/2017

    Christian Chavagneux   Éditorialiste
    https://www.alternatives-economiques.fr/

     

    La romancière ultralibérale Robin des Bois (https://www.alternatives-economiques.fr/greve-roman-de-lultraliberalisme/00079816)qui faisait « la charité avec des richesses qui ne lui appartenaient pas, en distribuant des biens qu’il n’avait pas produits ». L’auteure de La Grève aurait été satisfaite des annonces fiscales de notre gouvernement car, comme l’explique de manière très « aynrandienne » Bruno Lemaire, le ministre de l’Economie et des Finances dans Le Monde daté du 19 septembre, « c’est une rupture complète avec ce qui a été fait depuis trente ans, où l’on redistribuait de l’argent avant de créer des richesses ».

    Fini Robin des Bois ! Si le gouvernement, veut « alléger les prélèvements sur le capital », en clair supprimer des impôts sur l’épargne des riches, c’est pour favoriser les entrepreneurs, ces êtres supérieurs chez Ayn Rand, seuls à même de faire avancer le monde et qu’il faut favoriser fiscalement « pour financer notre économie, c’est-à-dire l’investissement et l’innovation, donc les emplois de demain » détaille le ministre. La baisse des impôts d’aujourd’hui fait les investissements de demain et les emplois d’après-demain, les présidences Chirac et Sarkozy nous ont déjà fait le coup : on a vu ce que ça a donné sur le chômage.

    Haro sur les pauvres

    Le projet de budget du gouvernement prévoit d’exonérer de l’impôt sur la fortune les patrimoines financiers, pour un coût budgétaire de 3 à 3,8 milliards d’euros de recettes perdues selon les estimations. Et de mettre en œuvre une taxation forfaitaire de l’ordre de 30 % des revenus des placements financiers (intérêts, dividendes, plus-values), une baisse drastique, pour un coût estimé entre 1,5 milliard (gouvernement) et 4 milliards (OFCE).

    Coût total, donc, de 4,5 à 8 milliards d’allégements d’impôt par an pour les plus fortunés puisque les deux tiers des ménages dont le patrimoine est supérieur à 2 millions d’euros détiennent des placements financiers contre 2 % seulement de ceux dont le patrimoine est inférieur à 7500 euros.

    Coût total : de 4,5 à 8 milliards d’allégements d’impôt par an pour les plus fortunés

    Pour ceux-là, l’essentiel de l’épargne est détenu sur leur livret A, les trois quarts en ont un. Le taux de rémunération du livret est fixé par une formule dont le résultat indiquait qu’il fallait le porter en août dernier de 0,75 % à 1 %. Mais le gouvernement a décidé de geler ce taux pour deux ans au moins. L’inflation sera sûrement plus élevée, ce qui signifie que la valeur des plus petites épargnes sera rognée. De combien ? Avec une inflation à 1 %, le manque à gagner sur les 250 milliards d’euros de Livret A, sur 2 ans, induit une perte de 1,2 milliard, minimum pour les Français du bas de l’échelle. Si, comme notre confrère de Mediapart Laurent Mauduit, vous prenez en compte tous les livrets dont le taux est indexé sur celui du livret A, vous arrivez à 2,3 milliards de perdus, par an !

    Micmac logement

    Mais c’est pour la bonne cause, explique le gouvernement. L’argent du livret A va à la Caisse des dépôts et consignations qui le prête pour financer le logement social dont les coûts de financements vont baisser. Donc les loyers réclamés seront moins chers et les moins favorisés retrouveront ainsi du pouvoir d’achat.

    Il est indéniable que les organismes HLM vont pouvoir emprunter moins cher pour construire des logements sociaux. Mais ces logements seront construits dans combien de temps ? Avec quelle baisse de loyers, sachant que la dette du logement social est remboursée grâce au paiement des loyers ? Coût immédiat, bénéfices lointains et aléatoires.

    Pour les moins fortunés : un coût immédiat, des bénéfices lointains et aléatoires

    De plus, seules 60 % des sommes collectées vont vers le logement social, le reste demeure dans les mains des banques qui vont y gagner avec un taux d’intérêt plus faible à servir à leurs clients. Un gain, selon Laurent Mauduit, de 1,7 milliard d’euros.

    Bilan provisoire de la réforme de la fiscalité de l’épargne financière des Français : 4 à 8 milliards de pouvoir d’achat en plus pour les plus fortunés (qui l’épargnent en majorité), un peu plus de 2 milliards de perdus pour le bas de l’échelle, un gain important pour les banques. Ce que Bruno Le Maire appelle « faire entrer le pays dans le XXIe siècle ». Ce serait plutôt « retour vers le XIXe »


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