• La nouvelle société du coût marginal zéro (Jeremy RIFKIN)

    2014    512 p.  26 €

        Les règles du grand jeu de l'économie mondiale sont en train de changer. Le capitalisme se meurt et un nouveau paradigme qui va tout bousculer est en train de s'installer : les communaux collaboratifs. 
      C'est une nouvelle économie collaborative qui se développe où la valeur d'usage prime sur la propriété déjà très implantés avec l'auto-partage, le crowfunding, les A.M.A.P., le couchsurfing, les producteurs contributifs, d énergie verte ou même d'objets avec les imprimantes 3D offrent un espace où des milliards de personnes s engagent dans les aspects profondément sociaux de la vie. Un espace fait de millions (au sens littéral du terme) d'organisations autogérées qui créent le capital social de la société. Ce qui les rend plus pertinents aujourd hui qu'à tout autre époque, c'est que le développement de l'internet des objets optimise comme jamais les valeurs et les principes qui animent cette forme d'autogestion institutionnalisée.
       Sans même que nous en ayons conscience, l'internet des objets est déjà omniprésent dans notre quotidien. Il se matérialise par ces milliards de capteurs disposés sur les ressources naturelles, les chaînes de production, implantées dans les maisons, les bureaux et même les êtres humains, alimentant en Big Data un réseau mondial intégré, sorte de système nerveux planétaire. 
       En parallèle, le capitalisme, miné par sa logique interne de productivité extrême, rend le coût marginal qui est le coût de production d'une unité supplémentaire d'un bien ou d'un service quasi nul. Si produire chacune de ces unités supplémentaires ne coûte rien, le produit devient donc quasiment gratuit et le profit, la sève qui fait vivre le capitalisme, se tarit. Avec l'émergence d'une vaste classe de « prossomateurs » - consommateurs devenus des producteurs contributifs c'est pour Jeremy Rifkin, les premiers signes que l'ère capitaliste d'abondance dans laquelle nous vivons arrive à sa fin...
      Certes, rien n'est joué. Le capitalisme tente d'étouffer les communaux en multipliant les nouvelles barrières en brevetant tout, du vivant à la manipulation des atomes. Le changement climatique menace. Ce livre est aussi un appel à l'action individuelle et collective.

      Jeremy Rifkin montre ici la force et la cohérence de sa pensée et dessine ce nouveau paradigme collaboratif qui mènera à une société intelligente et durable ...
       

       "Dans La Nouvelle Société du coût marginal

     zéro, vous prophétisez la mutation du capitalisme vers une économie horizontale du partage, de la gratuité et de l’abondance, dans laquelle les consommateurs deviendront aussi producteurs de biens (“prosommateurs“). Quand on entend nos politiques, qui parlent toujours de croissance, de PIB ou de déficit, n’est-on pas très loin de ce que vous décrivez ?

    rifkin  Jeremy Rifkin Cette mutation est en marche, mais on ne l’a pas remarqué. On le voit mieux en Allemagne, où le cycle de l’énergie charbon-pétrole touche à sa fin. En France, on ne parle que d’austérité, de réduction des déficits, de réformes du travail ou de la fiscalité. Il faut sans doute faire tout cela, mais ça ne suffit pas ! Le cycle du charbon-pétrole a déjà atteint son pic et redescend. Une économie basée sur ce type d’énergie ne peut plus croître. Presque tous les produits sont faits à partir du pétrole. La raréfaction du pétrole va faire grimper les prix de toutes les marchandises, ce qui va ralentir encore plus l’économie. On touche aux dernières années de ce cycle, et c’est convulsif, comme le montrent les diverses crises.

      Quand va-t-on passer au nouveau cycle des énergies durables et de l’économie d’échange ?

    D’ici 25 à 30 ans je crois. L’économie de l’échange est encore embryonnaire, mais c’est le premier changement de paradigme depuis la révolution industrielle, ce qui est historique. Pour l’instant, l’économie de l’échange coexiste avec l’économie capitaliste traditionnelle. Mon hypothèse, c’est que vers le milieu du XXIe siècle, le capitalisme traditionnel partagera la scène avec l’économie de l’échange et du partage. L’économie mondiale sera hybride.

      Selon vous, dans cette nouvelle économie, le coût marginal disparaîtra, les produits seront gratuits, échangés.

    Dans l’histoire, les nouvelles technologies sont toujours apparues en même temps que les nouvelles sources énergétiques et les nouveaux moyens de transport. Et les nouveaux moyens de transport et nouvelles énergies ont toujours produit de nouvelles ères de l’économie. Au XIXe siècle, révolution industrielle : on est passé des presses manuelles aux presses à vapeur, on a inventé le télégraphe, la production de charbon a augmenté, les prix du charbon ont baissé. Charbon, vapeur, ont amené la création des chemins de fer. On est passé d’une économie locale à une économie nationale. Ensuite sont venus dans la foulée les Etats-nations, les grosses firmes, les sociétés anonymes, parce que les réseaux de chemin de fer ou de télégraphie demandaient de gros investissements. Ce capitalisme industriel était structuré par de grosses entités verticales afin de gérer ces nouvelles énergies et nouveaux transports à l’échelle nationale. Puis au XXe siècle, on a inventé le téléphone, la télévision, le pétrole, tout cela a amené la voiture, les camions, l’infrastructure routière, etc. Que se passe-t-il maintenant, en Chine, en Allemagne ? La troisième révolution industrielle. La nouvelle technologie de la communication, internet, va bientôt devenir l’internet des objets. L’internet bouleverse les communications : téléphones mobiles, GPS, voitures intelligentes, etc. Les grandes sociétés comme IBM, Cisco, GEC, sont en train de créer l’infrastructure informatique en installant des capteurs partout : champs, usines, routes intelligentes, boutiques, maisons intelligentes, etc. Si on part de l’hypothèse que les grosses multinationales vont rester neutres et ne pas s’arroger un monopole (et je suis conscient que cette hypothèse est fragile), ce réseau informatique va permettre des choses immenses. Aujourd’hui, 40 % de l’humanité est connectée à internet. Dans vingt ans, presque toute l’humanité sera connectée. Chacun d’entre nous aura la possibilité d’aller vers l’internet des objets, chacun d’entre nous pourra potentiellement devenir producteur d’information, de culture, d’objets… Chacun pourra devenir prosommateur, à la fois consommateur et producteur.

     Votre vision est-elle réaliste ou utopiste ? Parfois, on dirait de la science-fiction… Par exemple, j’ai du mal à concevoir que n’importe qui va pouvoir produire des objets chez lui avec une imprimante 3D ?

    Ça existe déjà ! Les gens ne fabriqueront pas des objets hyper sophistiqués mais des objets simples. L’économie de partage gratuite a déjà bousculé de grosses multinationales de la musique, elle est en train de modifier le paysage de la presse et de l’édition. Napster, Youtube, Wikipedia incarnent cette nouvelle économie de l’échange. Avec internet, on a démocratisé les communications, l’information, la musique, beaucoup d’individus ont créé leur blog, leur musique, leur vidéo, tout cela pour un coût marginal zéro. L’industrie classique s’est dit qu’elle était protégée de cela, parce que la musique ou l’actu sont des biens virtuels, abstraits. Il y a comme un mur protecteur qui protège les industries de biens concrets, solides. Mais ce mur est en train de tomber. La communication gratuite d’internet va se combiner avec l’énergie gratuite et la production d’objets grâce aux imprimantes 3D pour un coût marginal nul. Prenez l’Allemagne : de nombreuses maisons et immeubles produisent leur propre énergie avec coût marginal zéro. Bien sûr, il y a des coûts de démarrage, il faut installer les panneaux solaires, etc, mais une fois ce premier investissement fait, les coûts baissent. C’est comme avec l’informatique, les premiers ordinateurs coûtaient cher puis les prix ont considérablement baissé. Un watt solaire coûte aujourd’hui 66 cents, ce n’est rien. Bref, une fois payés les coûts fixes d’installation, l’énergie solaire ne coûte rien. Je vais vous livrer un scoop : le soleil, le vent, la géothermie n’envoient pas de facture ! Les grandes compagnies allemandes de l’énergie ont connu la même situation que les multinationales du disque ou de l’édition, elles ont perdu des parts de marchés au profit des individus qui produisent et échangent leur énergie. Qui aurait cru cela possible ? Pourtant, c’est en marche. L’Allemagne n’est pas seule, la Californie s’y met aussi. Les choses sont en train de bouger.

    Et la production d’objets en 3D, ça se passe comment ?

    Le software est gratuit, les jeunes échangent les logiciels, ainsi que diverses infos par Youtube, Wikipedia, etc. Pour produire des objets, ils utilisent du papier recyclé, du plastique recyclé, bref, des déchets gratuits. Des individus et des associations à but non lucratif commencent à produire des biens par le système internet et imprimante 3D. En Chine, on vient de fabriquer dix maisons par ces moyens-là. Chaque bâtiment a coûté 4 000 dollars. On est en train d’inventer la voiture intelligente sans conducteur. D’ici dix ans, ces voitures intelligentes seront fabriquées par imprimantes 3D. Le président Obama veut que chaque école américaine soit équipée d’une imprimante 3D. D’ici dix ans, tous les gosses auront cette imprimante. Ils viendront à l’école avec leur imprimante, leurs matériaux recyclés et fabriqueront des produits. Les meilleurs d’entre eux fabriqueront des objets de plus en plus sophistiqués, ils fabriqueront eux-mêmes des smartphones par exemple, qu’ils vendront ou échangeront sur les réseaux communs. A moins d’interdire les imprimantes 3D, cela se passera comme ça. Le secteur le plus représentatif de cette évolution vers une nouvelle énergie et une nouvelle économie de l’échange, c’est l’auto. Dans ma génération, le rêve consistait à acheter sa voiture. Les jeunes d’aujourd’hui se fichent de posséder une voiture, ce qu’ils veulent, c’est l’accès à la mobilité. Pour chaque voiture partagée, quinze voitures sont éliminés de la production. Un ancien dirigeant de General Motors est maintenant prof à l’université du Michigan : selon lui, si l’internet et la culture du partage continuent à se développer, on pourra réduire de 80 % la production de voitures dans le monde. Il y a un milliard de véhicules sur terre, on pourra en supprimer 800 millions, les 200 millions restants seront électriques et partagés, comme avec autolib."

      Interview pour Les Inrocks  par Serge Kaganski  ( 11 octobre 2014 )


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