• Au-delà du marché... (Bernard PERRET)

    2015 96 p. 10 €

      La croissance est désormais structurellement faible en Europe. Est-ce dû à des politiques économiques inadéquates ? A une panne de l'innovation ? En partie sans doute, mais cette langueur renvoie surtout à un problème plus fondamental : l'épuisement du «coeur du réacteur» de l'économie capitaliste, à savoir le mécanisme de transformation des besoins en marchandises.

    De nouvelles pratiques sociales émergent : troc, réparation, jardins partagés, échange de logement, crowdfunding, fab-labs, économie collaborative, qui sont autant de réponses spontanées à cette situation de blocage.

    Mais il y a plus : au sein même du monde productif s'affirment des logiques de coproduction, de coopération, de responsabilité écologique et de symbiose avec la société qui s'éloignent des schémas de rationalité typiques du capitalisme. Fort diverses à tous égards, ces innovations sont porteuses de valeurs démocratiques et d'une aspiration à contribuer activement au bien commun. Elles devraient être favorisées par des politiques publiques imaginatives et ambitieuses. Car, à l'heure où le pouvoir d'achat stagne et où les impératifs écologiques se font sentir, une amélioration de la qualité de vie est possible si l'on produit et consomme autrement.

    Bernard Perret est ingénieur et socio-économiste. Il travaille au ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie.

    "Sur la trace d'un Karl Polanyi, Bernard Perret tente de dessiner les contours d'une alternative à la société de consommation et à la logique de croissance infinie sur laquelle elle est bâtie. Il n'est bien sûr pas le seul, et c'est heureux : citons par exemple Jean Gadrey, Jean-Pierre Dupuy, Dominique Bourg et bien d'autres, qui s'efforcent de sortir des ornières de notre société et d'imaginer d'autres possibles que ceux d'un "toujours plus".

     Ce petit livre, d'un accès facile, est un pas de plus dans cette direction. Un pas d'autant plus important qu'il s'attache à avancer des propositions concrètes, réalisables et réalistes. Et qu'il refuse de s'inscrire dans la décroissance, dont on voit bien que, malgré les affirmations de ses partisans, elle "n'a rien d'une perspective réjouissante et ne peut être un idéal en soi". Mais, ajoute-t-il aussitôt, "le potentiel de développement des pays riches se trouve désormais dans les marges de l'économie de marché".

    Utilité sociale

       Voilà qui, pour le moins, demande des explications. Bernard Perret les puise notamment dans l'univers informatique. Grâce à lui, nous sommes désormais potentiellement mieux soignés, mieux informés et mieux conseillés, mais ces améliorations ont deux caractéristiques communes : elles résultent d'avancées technologiques issues, pour une part, de mutualisations non marchandes (du fait de la libre diffusion des données et des codes sources) et donnent naissance à une utilité sociale (ne pas faire la queue à un guichet de gare, savoir le temps qu'il fera demain à tel endroit…) qui ne se traduit pas dans le produit intérieur brut (PIB).

       Plus généralement, la recherche exclusive de gains économiques tend à dégrader le sentiment de bien-être (du fait de la précarité de l'emploi ou des inégalités qui l'accompagnent), tandis que "gagner une année d'espérance de vie n'améliore pas la compétitivité de l'économie". Bref, si le marché et le monétaire sont sans doute irremplaçables, ce n'est plus en développant leur terrain de jeu que l'on peut espérer améliorer l'utilité sociale des habitants.

    Coopération

       Parmi les formes d'organisation actuelles en essor, nombre d'entre elles ne reposent pas sur la concurrence, mais sur la coopération, comme l'économie circulaire ou la consommation collaborative (covoiturage, échanges de résidences pour les vacances…). L'essor et l'invention de ces "activités hybrides" - partiellement intéressées, partiellement relationnelles - changent la nature d'une partie de notre modèle de société et tendent à réduire la part du marchand dans la vie sociale. Il en est de même des monnaies locales complémentaires, de l'autoconstruction accompagnée (pour l'accès au logement des personnes défavorisées) et de bien d'autres pistes que l'auteur rassemble à la fin de son ouvrage dans une sorte de dictionnaire du non-marchand.

    Il ne s'agit pas, écrit-il, "de remplacer le capitalisme par un autre système, mais de le transformer par hybridation". On ne bannira pas l'argent, parce qu'il est aussi "à la fois une liberté d'action et un passeport pour le rêve". Mais on peut le cantonner et l'empêcher ainsi d'envahir, comme un cancer, toute la vie sociale."

      Denis Clerc
    Alternatives Economiques n° 348 - juillet 2015   


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