• Changemnt climatique, quels défis pour le sud ( Edmond DOUNIAS, Cath. AUBERTIN))

                                                                                            
     
                                     2015    268 p.   28 €
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Pour mieux appréhender la complexité de ces phénomènes, les recherches menées par l’IRD et ses partenaires apportent des connaissances essentielles. Cet ouvrage en donne un aperçu synthétique décliné en trois temps : observer et comprendre le changement climatique, analyser ses principaux impacts en fonction des milieux, remettre les sociétés et les politiques publiques nationales au cœur du défi climatique.

    En insistant sur les capacités de résilience des populations et des écosystèmes face à l’évolution du climat, l’ouvrage explore les solutions conciliant atténuation du changement climatique et adaptation, préservation de l’environnement et réduction des inégalités. Accessible à un large public, il fait le point sur les travaux et résultats d’une recherche résolument engagée, interdisciplinaire, qui associe étroitement partenaires du Sud et du Nord.

      Catherine Aubertin est directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Économiste,elle dirige le groupe “ Politiques de l’environnement ” de l’UR 168 et coordonne plusieurs groupes de recherche sur les questions du développement durable et de la biodiversité.  Elle directrice de recherche à l' ORSTOM (L'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération).

    Elle a coordonné l’ouvrage 

       -Représenter la nature ? ONG et biodiversité (Ed.de l’IRD, 2005) et publié, avec F-D.Vivien,

      -Le développement durable, enjeux politiques économiques et sociaux (La Documentation française, Ed de l’IRD, 2006).

    Elle est membre du comité de rédaction de la revue Natures, Sciences, Sociétés. 

    Ce que ne disent pas les dénonciations de biopiraterie...

    Les dénonciations de "biopiraterie" suivent la même rhétorique simple qui se résume en une phrase : des savoirs traditionnels ont été confisqués par les chercheurs à leur profit. On peut s'étonner légitimement que les relais médiatiques ne s'interrogent que très rarement sur la version de "l'autre partie", celle des chercheurs, pas plus que sur les conséquences de ces procès en biopiraterie.

    Ethique, légalité, illégitimité...

    Replaçons les faits dans leur contexte : les chercheurs mis en cause ont longtemps pratiqué leur métier en l'absence de procédures et de législations établies. Leurs accusateurs ne mobilisent d'ailleurs pas des infractions aux lois locales ou nationales pour fonder leurs accusations. Ils se posent avant tout en défenseurs de l'éthique, les chercheurs étant supposés, dans ce jeu de rôle des bons contre les méchants, n'en avoir aucune. Pourtant, les chercheurs n'ont attendu ni les législateurs ni les accusateurs pour être à l'initiative de nombre de codes de bonne conduite et de pratiques innovantes, appuyés par leur comité d'étique et soumis de surcroit à de nombreuses règles déontologiques.

    La loi française pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, adoptée ce 20 juillet 2016, après plusieurs années de discussions parlementaires, vient enfin de ratifier le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable découlant de leur utilisation (voir l'encadré sous le texte). Elle exclut pourtant de son champ d'application "les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ne pouvant être attribuées à plusieurs communautés d'habitants" et "les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont bien connues et ont été utilisées de longue date et de façon répétée". Ce qui est bien le cas des ressources concernées par les récentes accusations de biopiraterie, dont le Quassia amara, ou couachi, en Guyane et l'Argusai argentea, ou faux tabac, en Nouvelle Calédonie évoqués récemment sur ce site par E. Poilâne et T. Burelli (référence). Le respect de la loi ne prémunira donc pas contre une accusation de biopiraterie. La loi française serait-elle une loi pour des biopirates sans éthique ?

    Les conséquences des accusations de biopiraterie

    Force est de constater que les accusations de biopiraterie n'émanent pas des personnes directement concernées. Elles viennent de personnes ou d'associations qui, de l'extérieur, se posent en porte-voix des communautés autochtones. Ces dernières n'apparaissent d'ailleurs pas comme co-auteurs des oppositions aux brevets et sont rarement associées dans les articles de presse, à l'instar du blog cité plus haut. Sont-elles d'ailleurs consultées ? Si elles l'étaient, les conséquences de ces accusations seraient probablement davantage considérées, que cela soit sur les chercheurs eux-mêmes, sur l'aboutissement positif de leurs recherches, sur le lien de confiance entre chercheurs et communautés autochtones et locales et sur les conflits de pouvoir locaux.

    Au-delà des impacts individuels et collectifs de ces mises en accusations, qui peuvent tourner comme cela a été le cas en Guyane à un "massacre psychologique" des chercheurs concernés et à une grave suspicion sur l'ensemble de la recherche nationale, ces accusations reprises par la presse dénotent une méconnaissance de la recherche. Elles donnent l'impression qu'à partir d'un recueil de savoirs, les chercheurs peuvent presque immédiatement traduire celui-ci par un dépôt de brevet sur les principes actifs d'une plante afin d'en tirer des retours financiers importants. Cela ne se passe évidemment pas comme cela : c'est un processus de recherche publique et de valorisation coûteux, très long et complexe, qui peut durer des décennies pour une nouvelle molécule, qui dans le meilleur des cas, après un développement industriel, aboutira à un traitement médical efficace.

    Les instrumentalisations politiques des oppositions aux brevets mettent un coup d'arrêt à ce processus, aux espoirs de voir aboutir les recherches, leur valorisation et, bien évidemment, le partage des avantages des résultats de la recherche, car les industriels se détournent de ces brevets attaqués, trop risqués pour eux.

    Pourtant, les recherches menées, lorsqu'elles le sont en partenariat avec les communautés scientifiques et les acteurs économiques et politiques locaux, sont un facteur de dynamisme et de reconnaissance scientifique nationale et internationale incontestables. Nombre de chercheurs travaillent depuis longtemps avec les communautés locales, ont soutenu des initiatives de recensement participatif de patrimoines locaux, de création de circuits de commercialisation de produits artisanaux à forte valeur culturelle, d'intégration de plantes aux pharmacopées européennes avec un souci de pérennisation des savoirs, avec des filières de valorisation des ressources biologiques... Tout ce travail de valorisation des savoir locaux en partenariat, ne débouchant que dans des cas exceptionnels sur des brevets, semble ignoré par les accusateurs.

    Le sujet de la biopiraterie n'est pas nouveau pour les scientifiques. A l'IRD, nous avons travaillé depuis des années sur ces questions, économistes, anthropologues, juristes, ethnobotanistes, biochimistes... Parmi les organismes de recherche publics français, l'IRD a été pionnier en matière de recherche sur la mise en application de l'accès et du partage des avantages (APA) défendue par la convention sur la diversité biologique, bien avant Nagoya. Ce travail de recherche et cette initiative de divulgation des implications de Nagoya se poursuivent afin d'impliquer les acteurs locaux dès l'origine de la démarche de recherche, de leur permettre de s'exprimer sur le processus de valorisation et sa méthode dans une logique de science participative et d'innovation conjointe.

    Nous avons montré dans nos travaux que la question des savoirs locaux était indissociable des revendications politiques et identitaires, et d'autant plus sensibles dans la situation guyanaise, département d'Outre-mer comportant des communautés autochtones non reconnues comme telles par la Constitution française et, par ailleurs, non représentées dans les instances dirigeantes au sein de la collectivité territoriale après les dernières élections. Les dénonciations de biopiraterie ne peuvent se comprendre que dans ce contexte international où les connaissances traditionnelles servent d'outils de lutte politique, bien au-delà d'un savoir sur une plante. Les chercheurs en sont bien conscients.

    Aujourd'hui, la recherche sur la biodiversité affronte de nouveaux défis. La recherche scientifique sur le vivant, les enjeux commerciaux et de contrôle démocratique ne reposent plus sur la bioprospection de substances naturelles, mais sur l'accès à des banques de gènes informatisées, sur les nouvelles méthodes de caractérisation génétique et sur les nouvelles techniques de manipulation du génome. Toutes avancées scientifiques qui échappent à l'APA et n'apparaissent pas dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Le mythe de "l'or vert", où l'on pensait que les ressources génétiques ouvriraient sur une nouvelle ère industrielle est bien révolu et l'on sait maintenant qu'il n'y a jamais eu beaucoup d'avantages à partager. Plus que jamais, l'alliance entre chercheurs et communautés est nécessaire pour valoriser et pérenniser les savoirs locaux. Prenons les chercheurs pour ce qu'ils sont le plus souvent : des alliés.

      http://www.huffingtonpost.fr/catherine-aubertin/ce-que-ne-disent-pas-les-denonciations-de-biopiraterie/


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