Comment est née cette idée? Pourquoi avoir choisi cette thématique de l’économie circulaire?
Raphaël: Déjà, à Sciences Po, un cours sur l’entrepreneuriat social m’avait enthousiasmé et l’idée d’un voyage d’études sur une période longue -un an- autour de ce thème avait germé dans mon esprit. Au Brésil, j’ai été particulièrement intéressé par l’exemple des "catadores", ces gens qui, pour gagner leur vie ramassent les ordures, les trient pour être recyclées. Ils ont créé un véritable mouvement, avec des coopératives. C’est à la fois social et environnemental, puisque sur les canettes par exemple, le taux de recyclage brésilien est de 97%, supérieur à des pays comme le Danemark ou la Suisse.
Nous sommes donc partis sur cette idée de la valorisation. Puis, chemin faisant, en rencontrant par exemple l’Institut de l’économie circulaire, nous avons élargi le concept du projet.
Justement, quelle est votre définition de l’économie circulaire?
Jules: Pour nous, c’est un changement de modèle qui oblige à intégrer la fin de vie du produit dès sa conception afin qu’il ne produise pas de déchets. Il faut sortir du modèle économique actuel, linéaire, qui produit énormément de déchets et qui était basé sur l’idée de ressources infinies. L’économie circulaire est une solution à l’énorme problème de la gestion des déchets dans les sociétés industrielles et à l’épuisement des ressources.
Dites-nous en un peu plus sur votre projet…
Raphaël: Circul’R est une association loi 1901 créée en septembre 2014. Dans le cadre du passage de l’économie dite "linéaire" à l’économie dite "circulaire", notre projet consiste à identifier les meilleurs pratiques dans le monde, à permettre une connexion entre les acteurs de quelque origine qu’ils soient (nationalité, type d’organisation…) et à sensibiliser le grand public.
Jules: Nous partons pour un périple de 17 mois, pour découvrir 100 initiatives dans 22 pays. Nous avons déjà, grâce à des partenaires comme Ashoka, l’Institut de l’économie circulaire et à notre veille sur Internet, identifié deux initiatives par pays visité. Nous en trouverons trois autres, à chaque fois, sur place. Nous avons quatre critères pour sélectionner ces initiatives: le degré d’innovation; la "réplicabilité"; la diversité des acteurs (de l’ONG à la multinationale); la couverture de l’ensemble des secteurs économiques.
Vous dites avoir repéré des initiatives. Parlez-nous de celles qui vous ont le plus marquées?
Jules: Kuadro, une start-up mexicaine dont le business model est basé sur la vente de maisons low-cost (moins de 5000 dollars) fabriquées à partir de plaques en plastique recyclé.
Raphaël: Ou encore Mud Jeans, une entreprise hollandaise qui loue des jeans. Quand vous voulez changer votre jean, vous leur rapportez. S’il n’est pas trop usé, il est remis en location (moins cher) et sinon, il sera recyclé pour refaire des jeans.
Vous partez donc 17 mois dans 22 pays différents, c’est un sacré périple! Combien de temps faut-il pour monter un projet comme le vôtre?
Raphaël: Cela nous a pris près d’un an au Mexique, entre recherches sur Internet pour l’identification des projets, et prises de contact. Certains jours, on allait au Starbucks à 5h du mat' pour "skyper" avec la France. À notre retour en France, cela nous a pris six mois de travail à plein temps: recherche de partenaires financiers, signature de conventions, logistique…
C’est un sacré périple et ça doit être également un sacré budget…
Jules: Notre budget total est de 90.000 euros, dont 75.000 euros déjà levés. Pour les 15.000 euros restants, nous allons lancer une opération de crowdfunding sur la plateforme Ulule. Nos partenaires financiers principaux sont Accor, Air France, Generali, GRDF, Patagonia, SNCF, Suez Environnement, Toulouse Business School et Vinci.
Raphaël: Nous avons également des partenaires de second rang comme Entrepreneurs d’avenir, le cabinet AJC-RH et Lagunak [bar à tapas, NDLR]. Nos partenaires institutionnels sont Ashoka, le Beeotop, l’Institut de l’économie circulaire, Orée, le groupe économie sociale et solidaire de Sciences Po. Nous avons également le soutien bénévole de l’agence Batida&Co, d’un graphiste, d’un webmaster, et également d’un médecin…
Comment avez-vous réussi à les convaincre?
Jules: Par le sérieux de notre projet et de notre approche. Mais nous avons été aussi grandement aidés par les contacts et le réseau de certains de nos partenaires institutionnels comme Ashoka et l’Institut de l’économie circulaire. Leur parrainage, et leurs introductions auprès de grandes entreprises ont été décisifs pour notre recherche de financement.
Qu’avez-vous prévu pour faire connaître votre tour du monde?
Raphaël: Nous avons créé un site Internet, Circul’R.com, sur lequel nous posterons un à deux articles sur les initiatives visitées dans chaque pays, ainsi que des reportages vidéo d’1min30. Nous sommes présents sur Twitter et Facebook. Nos partenaires vont également nous relayer sur leurs sites et réseaux. Dans chaque pays visité, nous donnerons également des conférences dans les universités partenaires pour partager notre expérience.
Avez-vous songé à ce que vous ferez à votre retour?
Raphaël: Nous sommes en contact avec un éditeur pour publier un livre. Et bien sûr, nous aimerions rester dans l’économie circulaire, en montant soit un incubateur pour start-up, soit un fonds d’ancrage.