• Comment j'ai sauvé la planète (Sophie CAILLAT)

    Comment j'ai sauvé la planète (Sophie CAILLAT)

    2014     232 p.    17 ,95 €

        Comme moi, vous redoutez les conséquences du réchauffement climatique tout en rêvant de sauter d'un avion à l'autre ? Vous défendez de nobles idéaux mais votre vie ressemble plutôt à Sex and the City ? En clair, vous aimeriez sauver la planète sans changer vos habitudes ? Pour résoudre ces contradictions, j'ai expérimenté tous les possibles.
      J'ai adopté des vers mangeurs de déchets, passé mes soirées dans des Disco Soupes, chassé le gaspi électrique, participé à la vélorution... J'en ai évalué le rapport plaisir-efficacité-économies pour vous éviter les pièges du marketing vert.
       L'écologie appliquée au quotidien ne doit pas être une punition. Entre grandes joies et petits moments de solitude, ce récit se veut un guide pour une vie plus zen.
          Sophie Caillat est journaliste à Rue89 en charge des rubriques Planète et Santé. Elle y anime une communauté de contributeurs sur l'environnement. En 2012, elle a coécrit un livre d'entretiens avec Pierre Rabhi,
       -Il ne suffit pas de manger bio pour changer le monde (Rue89/Versilio).
      

      Voici un extrait du chapitre sur le lombricompostage, une activité dans laquelle elle s’est plongée après son reportage chez les amis de Pierre Rabhi. Si j’ai bien pigé, il s’agit d’élever des vers et d’exploiter leur caca. Pascal Riché (Rue 89)

    Un jour, je commence à ne plus supporter de jeter mes épluchures avec le reste de mes ordures. Je visualise mes trognons de pomme en train de brûler à grandes flammes dans l’incinérateur d’Ivry après un trajet en camion, alors qu’elles auraient pu se décomposer chez moi. Je décide de lutter contre cette absurdité de refuser d’alimenter plus avant ce double gâchis, qui coûte à la collectivité et me prive de ressources.

    Pour être cohérente, je m’équipe dans le même temps d’un minuscule potager de 70 x 70 cm où j’ai mis en terre trois plants de tomates et des herbes aromatiques.

    Ce carré et les trois plantes de mon balcon, rhododendron, osier et bambou seront mes cobayes : il faut bien un destinataire pour mon engrais. Et si j’en ai trop, je redistribuerai.

    Chaque Français « produit 354 kilos d’ordures ménagères par an », dit-on pour faire simple. En réalité, cette somme correspond au ramassage global des ordures divisé par le nombre d’habitants, sans compter les déchets occasionnels comme les encombrants, la déchetterie, etc., qui portent le vrai chiffre global à 587 kilos par habitant.

    Mes premiers animaux de compagnie

    Nous n’avons ni raton laveur, ni poisson rouge, des enfants à mi-temps, et décidons de cohabiter avec des vers… faut-il être dingues ! Voilà ce que pense mon entourage, à commencer par ma mère, qui jure de ne plus mettre les pieds dans ma cuisine. Elle a beau m’avoir répété toute mon enfance que « les petites bêtes ne mangent pas les grosses », elle ressent une aversion absolue pour tout ce qui est moucheron de cuisine.

    Victime des moustiques qui raffolent de mon sang sucré et de l’allergie aux poils de chien, je n’avais pas, moi non plus, vocation à cohabiter avec des Eisenia. Ce seront mes premiers animaux de compagnie. Car, oui, je le découvrirai plus tard, les vers sont des bébêtes attachantes. Il n’y a qu’à voir comment en parle Helder, un ami qui en a installé dans son bureau :

    « Ne t’inquiète pas, ils vont vivre leur vie, construire leur territoire, développer leur colonie, créer leur écosystème.

    ‒ Une colonie ? Tu veux dire qu’ils vont coloniser mon appartement ?

    ‒ Si la boîte est bien fermée, non. Ils n’aiment pas la lumière et préfèrent rester au chaud.

    ‒ Mais quand je l’ouvre, aucun risque qu’ils ne soient tentés de s’échapper ?

    ‒ Non, ils ne sont pas très intelligents mais ils savent que leur intérêt est de rester là où il y a à manger. Tant que tu leur donnes à bouffer, ils seront heureux.

    ‒ Ok, je vais éplucher plein de fruits et légumes et tout ira bien. Mais le compost que je récolte, c’est du terreau ou bien quoi ?

    ‒ Non c’est du caca de vers.

    ‒ Ah ! bon, je vais garder cette info pour moi. Histoire que ma fille ait envie de manger les tomates du potager (où j’étalerai, à terme, le compost). »

    L’assistance téléphonique « Allô mes vers »

    Je passe commande sur le site Internet qui répond au doux nom de « Vers la Terre » et dont le slogan est « le lombricompostage facile ». Le modèle « Mini Worms » semble avoir toutes les qualités requises. Dépassant mes rêves les plus fous, cette échoppe virtuelle propose une assistance téléphonique gratuite, « Allô mes vers ». Ma boîte est, paraît-il, en plastique « 100% recyclé et 100% recyclable », et le produit, « garanti vingt ans ». Je ne projette pas si loin ma colonie de vers, à vrai dire.

    Le fabriquant, que je commence à maudire en silence, est un littéraire : il m’a fourni un livre de 200 pages intitulé « Les Vers mangent mes déchets ». Cadeau dans mon colis, avec le guide d’utilisation simplifié compliqué. Sur la couverture orange de ce pavé dont les auteurs semblent avoir fumé beaucoup de cannabis aux riches heures de Woodstock, un troupeau de vers souriants est dessiné. Ils sont debout et portent des lunettes, signe de leur intelligence. Sur le marque-page, une citation (de Lao-Tseu) annonce la couleur :

    « Accepter toutes les immondices du royaume, c’est être le seigneur du sol et des récoltes ».

    Ses auteurs, deux Américaines, décédées depuis, sont les sommités mondiales du lombricompostage et prennent la chose très au sérieux. Elles décrivent tout sur la fabrication maison de la caisse (en bois si l’on veut bien faire), sur les habitudes de vie des vers et de toutes les bestioles qui peuvent se développer dans ma colonie (collemboles, cloportes et autres acariens) et sur la sexualité des vers.

    Je vous épargne les détails de l’accouplement de ces hermaphrodites, mais cette remarque me met la puce à l’oreille :

    « Vu leur potentiel reproductif, se pose la question de savoir pourquoi les vers ne conquièrent pas le monde entier. »

    Par moments, le livre veut nous dégoûter (« Certains vers mourront de vieillesse… heureusement eux aussi se décomposeront »), nous faire douter (« on peut décomposer avec succès viande et os s’ils sont suffisamment recouverts »), et par d’autres il rassure (« Ce sont mes besoins et pas ceux des vers qui guident la fréquence à laquelle je les nourris »).

    Il est évident qu’il y a des terrains où je ne glisserai pas, comme la récolte des vers, que l’illustratrice considère comme « un moment de méditation ». Perso, je suis, à ce stade, incapable de me projeter au-delà de l’expérimentation et ne me vois pas redistribuer la surpopulation de vers à des voisins ou des amis amateurs de pêche à la ligne.

    Ma première récolte de thé de compost

    Au bout de deux semaines, les premières bestioles indésirables apparaissent : de minuscules pucerons rouges. Ils vont parfois se balader jusque sur le plan de travail. Les premiers jours, je passe l’éponge rapidement pour les faire disparaître et évite de parler de ces nouveaux colocs. Mais, lorsque trois semaines plus tard, je pars en week-end, je reviens un peu inquiète de savoir s’ils ont eu assez à manger. L’effet animal domestique, j’étais prévenue : on s’attache.

    Au bout d’un mois, je rappelle Helder pour des conseils sur ma récolte de thé de compost. Il me dit – ce qui n’est indiqué nulle part sur la notice – que l’engrais naturel issu du compost est si puissant qu’il faut le diluer avec neuf volumes d’eau. Très zen, il n’a qu’un conseil :

    « Oublie-les, vérifie juste qu’ils sont vivants. »

    En dix ans de compost, lui n’a vécu qu’une mésaventure : après Noël, il avait provoqué par mégarde un assassinat de vers en leur donnant tous ses restes de houx d’un coup.

    Au bout d’un mois et demi, le cycle est enfin en place et je pense être durablement rassurée : j’en retrouve dans le troisième bac, jusque dans le tapis en chanvre où ils se fourrent et qu’ils grignotent peu à peu, ce qui veut dire qu’ils sont en pleine santé.

    Agiles, les bestioles ont tenu leur promesse : elles mangent, dans le noir de la boîte, n’en sortent pas, et les quelques kilos d’épluchures que j’ai mis sont réduits à peau de chagrin.

    Pas plus dégoûtant qu’une poubelle de McDo

    Au bout de deux mois, je trouve les vers inéquitablement répartis entre les différents étages et entreprends de faire un grand ménage de printemps. Dans un compost de jardin, on remue le tout avec une grande fourche, mais dans mon appartement, tout mélange entre les bacs dégoulinant de jus et pouvant laisser s’échapper un ver vire à Mimi Cracra.

    Mieux vaut être seule pour cette opération. Accroupie devant mes trois bacs, me voilà mélangeant mes mixtures d’âges différents, le sol de la cuisine recouvert de papier journal. Devant cette belle matière organique, je me demande ce qui est le plus dégoûtant : ça ou une poubelle de McDo, arrosée au vinaigre (technique couramment utilisée par les employés afin qu’aucun SDF ne se serve avant le passage des éboueurs) ? Dénué de viande, poisson, fromage, sauce, plastique, médicament… mon compost est finalement bien plus « propre ».

    Avant de partir en grandes vacances, je vais purger le bac du bas, celui où s’est répandu tout le jus issu de la décomposition et distribuer mon surplus d’engrais. Je récupère une ancienne bouteille de limoncello, que mon homme manque de confondre avec une liqueur de châtaigne, (à cause de la couleur Coca), et l’offre en cadeau à des amis pourvus d’un grand jardin. (....)


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