• Comment le changement climatique exacerbe la menace terroriste

       En Syrie, en Afghanistan, au Darfour ou encore au Nigéria, le changement climatique a agi comme un multiplicateur de menaces dans l’émergence des conflits, selon plusieurs rapports récents. Et son rôle pourrait être de plus en plus déterminant à l’avenir. Pour en mesurer tous les effets, la France s’est dotée d’un observatoire hébergé au sein de l’Iris, l’Institut de relations internationales et stratégiques.

        Par conception Alvarez   © 2017 Novethic - Tous droits réservés (04 mai 2017)

        "Le changement climatique ne crée pas de terroristes, mais il aide à instaurer un environnement dans lequel les terroristes peuvent opérer plus librement"
    iStock - Zabelin

     

     Le changement climatique contribue à créer des conditions favorables au terrorisme et au crime organisé. C’est la conclusion d’un récent rapport (https://www.climate-diplomacy.org/publications/insurgency-terrorism-and-organised-crime-warming-climate) mené par un think tank allemand, Adelphi, avec le soutien du ministère des Affaires étrangères allemand. Intitulé "Insurgence, terrorisme et criminalité organisée dans un monde réchauffé", il montre comment le réchauffement agit comme un "multiplicateur de menaces" et "converge avec d’autres risques (pénurie de ressources, croissance démographique…)" pour accroitre l’éclatement d’une crise, voire d’un conflit armé.  

    "Le changement climatique ne crée pas de terroristes, mais il aide à instaurer un environnement dans lequel les terroristes peuvent opérer plus librement", notent les auteurs de l’étude. "Il augmente la pression sur des gouvernements fragilisés permettant aux groupes terroristes de prospérer et détruit les moyens de subsistance rendant les personnes plus vulnérables au recrutement", précisent-ils.

    L’eau utilisée comme une arme de guerre

    Le rapport revient sur quatre cas : Boko Haram dans la région du lac Tchad, l’État islamique en Syrie, les Talibans en Afghanistan et le crime organisé au Guatemala. Dans la région du lac Tchad, de sévères sécheresses ont provoqué un rétrécissement du lac - il est passé de 25 000 km² avant 1973 à 2 000 km² aujourd’hui - privant les populations locales d’une ressource essentielle. Ajouté à la surexploitation des sols et à la croissance démographique, ce phénomène a plongé les populations dans une extrême pauvreté, facilitant ainsi le contrôle de la région et le recrutement par le groupe terroriste Boko Haram. 

    "Les groupes terroristes utilisent de plus en plus les ressources naturelles comme une arme de guerre, en contrôlant leur accès et en exacerbant leurs pénuries. Plus les ressources sont rares, plus le pouvoir est donné à ceux qui les contrôlent", expliquent les auteurs. Le 31 mars dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a d'ailleurs adopté une résolution

     (http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2349(2017)&referer=/english/&Lang=E)

    sur la région du lac Tchad. Il reconnaît le rôle du changement climatique sur l’instabilité de la région et la nécessité d'évaluer de façon adéquate la gestion de ces risques.

      Instrumentalisation politique

      Si le Pentagone s'intéresse depuis les début des années 2000 au lien entre changement climatique et sécurité, la France vient tout juste de lancer son Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense (http://www.iris-france.org/communique-de-presse/liris-lance-lobservatoire-geopolitique-des-enjeux-des-changements-climatiques)

    en janvier dernier. Hébergé au sein de l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), il est financé par le ministère de la Défense pour une durée de quatre ans. L’objectif est d’élaborer, par région, une typologie des crises susceptibles d’émerger en fonction des différents scénarios de réchauffement climatique .

      Le premier rapport (http://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/02/OBS-Climat-et-defense_RE1_02-17.pdf)  de cet observatoire, paru en février, dresse un état des lieux. "Le changement climatique est un facteur parmi d’autres à prendre en compte, il ne faut ni le négliger, ni le sur-estimer", relativise Alice Baillat, une des co-auteures. "Pour l’heure, ce sont les décisions politiques qui restent déterminantes dans le déclenchement de certaines crises. Il faut donc faire attention à l’instrumentalisation qui peut être faite du facteur climatique par certains gouvernements."

    De l’urgence d’agir

    Elle cite ainsi l’exemple de la Syrie pour lequel il a beaucoup été dit que le manque d'eau avaient contribué au pourrissement du conflit. Le pays a effectivement connu un épisode de sécheresse sans précédent entre 2006 et 2010 affectant les trois quarts de la population, provoquant un important exode rural et une forte paupérisation. Dans ce cas, si le changement climatique a effectivement servi de "catalyseur" dans la crise, "il ne faut pas déresponsabiliser les politiques" prévient Alice Baillat. "Si d’autres choix politiques avaient été pris, comme par exemple ne pas supprimer les subventions agricoles à ce moment-là, les populations auraient sans doute mieux absorbé les impacts du changement climatique et la crise aurait peut-être pu être moindre", précise la chercheuse.

    En novembre dernier, lors de la COP22 (http://www.novethic.fr/climat/cop22-les-negociations.html), 27 personnalités de haut rang avaient signé une déclaration commune (https://climateandsecurity.files.wordpress.com/2014/01/cswg-i-international-climate-and-security-consensus-statement_2016) pour affirmer que le changement climatique constitue un "risque pour la paix et la stabilité internationales."


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