Revenir à soi pour mettre notre cohérence au service de l'essentiel. La cohérence est un précieux outil de vie car le fait d'agir en accord avec ce que nous vivons constitue un gage de succès. Il est donc important de discerner au service de quelles intentions nous utilisons notre cohérence. Agissons-nous sous la pression des peurs de notre ego ou bien sommes-nous motivés par les intentions apaisées de notre moi profond ? A travers son témoignage personnel, Thierry Janssen nous rappelle combien il est difficile de rester cohérent par rapport à ce que l'on appelle l'Essence ou le Soi. C est pourtant la seule quête qui vaille vraiment la peine d'être menée au cours de notre existence.
Un mot de l'auteur
En 2009, quelques mois après la parution de "La maladie a-t-elle un sens ?", je suis tombé malade. J'étais épuisé par trop de consultations, de cours, de conférences et d'apparition dans les médias. Une brève introspection (dans le journal intime où j'écris quotidiennement depuis une quinzaine d'années) a suffi pour me faire comprendre que je m'étais laissé entraîner dans les délires de mon ego. L'ego : cette partie de nous-même qui se construit en réponse à nos peurs. Peur de ne pas être reconnu et accepté, peur d'être rejeté, trahi ou abandonné, peur de ne pas être aimé. Je croyais pourtant me connaître suffisamment pour ne plus tomber dans les pièges de ce Moi névrotique. J'étais persuadé d'avoir une assez bonne conscience de mes besoins essentiels pour éviter de m'épuiser à la tâche. Douze ans auparavant, j'avais mis un terme à ma carrière de chirurgien afin de répondre à cet essentiel. J'avais apprivoisé mes peurs, appris à m'écouter, à me faire confiance, à faire confiance à la vie. Et, comme par magie, la vie avait conspiré à mon épanouissement. Car, lorsque l'on est en contact avec le Soi apaisé, on reconnaît ce qui est vraiment bon pour nous et nous attirons à nous ce qui est vraiment nécessaire à notre bonheur. Encore faut-il rester réveillé, ne pas s'endormir sur ses lauriers. Ce n'est facile pour personne, même pour ceux qui, comme moi, écrivent des livres, accompagnent des personnes en souffrance et prennent la parole en public à propos des conditions de notre bonne santé mentale et physique. Lorsqu'il s'agit de faire passer un message, je crois que rien n'est plus fort qu'un témoignage. J'ai donc décidé de rédiger ces "Confidences", en Égypte (un pays dont la civilisation pharaonique me fascine depuis l'enfance), quelques semaines avant mon cinquantième anniversaire. J'espère que vous y trouverez une source de réflexion pour votre propre existence. Je vous souhaite une "bonne vie".
Extrait
Le 16 mars 2009, je suis tombé malade. Disons plutôt que j'ai eu un problème de santé, car, dans les faits, je ne me suis pas senti «malade». Simplement, le temps d'un trajet en train entre Bruxelles et Paris, je constatai qu'une moitié de mon visage était devenue inerte. Je ne pouvais plus lever le sourcil droit ni bouger les lèvres de ce côté. Sur le moment, j'eus très peur. En tant que médecin, je me mis à imaginer le pire. Le pire, dans ce genre de paralysie faciale, c'est une tumeur au cerveau ou un accident vasculaire cérébral. D'emblée, le diagnostic d'une tumeur me parut peu plausible : les symptômes se seraient probablement installés d'une manière progressive. En revanche, j'angoissai à l'idée d'un accident vasculaire. Puis, dans le taxi qui m'emmenait à l'hôpital, je m'apaisai et me souvins que, le plus souvent, les paralysies du visage surviennent à la suite d'une atteinte virale du nerf facial. Lorsque cette hypothèse se confirme, il faut instaurer sans délai un traitement anti-inflammatoire à base de cortisone pour diminuer le risque de séquelles à long terme. C'est ce qui a été fait. Tandis que je recevais les premières doses du traitement par voie intraveineuse, je pris conscience de ma fragilité. C'était la première fois que j'éprouvais à ce point le sentiment de ma vulnérabilité. À presque quarante-sept ans, c'était sans doute le bon moment. En même temps, je pensai que ce «petit problème de santé» ne s'était pas produit par hasard. Si je voulais être honnête avec moi-même, je devais reconnaître que, depuis quelque temps, je vivais dans un état de grand épuisement. Après la parution de mon ouvrage La maladie a-t-elle un sens ? au mois d'octobre 2008, j'avais enchaîné les interviews, les émissions de radio et de télévision, ainsi que les conférences au rythme d'une ou deux par jour, durant six mois d'affilée, en France, en Suisse, en Belgique et au Québec. De longs trajets en avion, en train ou en voiture, chaque soir dans une ville différente, logé dans des hôtels souvent peu confortables, obligé de faire bonne figure en acceptant de dîner avec les organisateurs à des heures tardives, après d'interminables séances de dédicace. C'était trop pour moi, beaucoup trop. D'autant que j'ai toujours eu besoin de calme et de lenteur. Enfant déjà, je percevais un décalage entre mon rythme intérieur et la course du monde. Je savais qu'il me faudrait inventer une vie paisible. Je m'en voulais donc de m'être imposé un programme aussi chargé. Quel délire ! Deux jours avant la survenue de ma paralysie faciale, à peine rentré à Bruxelles après un long déplacement en France, j'avais pris la route pour Arlon, dans le sud de la Belgique. J'y étais attendu pour donner une conférence de plus. À mi-chemin, sur l'autoroute, je constatai un brusque changement dans la conduite de ma voiture. Le pneu avant droit venait de crever. Je continuai sur quelques kilomètres jusqu'à une station-service et, là, effondré sur mon volant, je m'entendis affirmer à haute voix que je préférais être mort plutôt qu'avoir à vivre cet incident. Ce n'étaient pas des paroles en l'air. Bien sûr, il y a des événements beaucoup plus graves qu'un pneu crevé. Pourtant, je n'ai pas honte de confier ici le désespoir que j'éprouvai alors. Ce n'était pas la crevaison d'un pneu qui était à l'origine de ma détresse, mais plutôt le contexte de trop-plein d'activités dans lequel cet incident s'était produit. Cette surcharge allait à rencontre de mes besoins de calme et de lenteur. (...)