Pourtant, les économistes hétérodoxes, ceux du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) ou de l'Institut européen d'administration des affaires (Insead), à Fontainebleau, ont beau multiplier les études sérieuses quantifiant cette dérive* - dans le monde, les dividendes ont dépassé la barre symbolique des 1 000 milliards de dollars en 2013 ! -, impossible d'ouvrir ce débat décisif que réclament les syndicats, tout particulièrement la CGT.
«Le gouvernement qui a taxé plus fortement les dividendes ne s'y refuse pas, assure Benoît Hamon, le ministre de l'Economie sociale et solidaire, qui jugeait dès cet automne, dans Marianne, inacceptable que les marchés prélèvent un écot de plus en plus élevé sur les entreprises. Mais, lorsque je cherche à lancer ces discussions, notamment dans le cadre du pacte de responsabilité, mes interlocuteurs extérieurs tentent de m'engluer dans des débats comptables techniques.»
Raisonnement filandreux
«Le monde entier fonctionne comme ça. Les Chinois, les Indiens, les Coréens, les Allemands, les Anglais...» a même énuméré le président du Medef. Or, nombre d'experts contestent ce raisonnement filandreux.
«Les cadors du CAC 40 comme les entreprises de taille intermédiaire [ETI] n'ont aucun problème pour se financer à bas coût sur les marchés financiers, confie l'un d'eux. Seules les petites acquittent une dîme trop élevée au profit de leurs banquiers. Or, elles versent peu de dividendes !» En revanche, lorsqu'elles émettent massivement des actions sur des marchés instables, les multinationales et les ETI gaspillent une montagne d'argent pour soutenir leur cours de Bourse en rachetant leurs titres : plus de 6,6 milliards d'euros en 2013 en France pour le seul CAC 40, un montant en hausse de 44 % !
Il est donc grand temps, comme le propose Benoît Hamon, d'en finir avec cette idéologie néfaste de la création de valeur pour l'actionnaire, héritée du thatchérisme, pour discuter enfin du coût du capital et des investissements des entreprises !
* Maximising shareholder value : a new ideology for corporate governance, de William Lazonick et Mary O'Sullivan, University of Massachusetts-Insead.