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Demain, seuls au monde? (Emmanuelle GRUNDMANN)
2010 330 p. 19,80 €
À l’heure où l’homme, émerveillé, prend conscience de la diversité quasi infinie du vivant, il s’aperçoit également, peut-être trop tard, qu’il en est l’ennemi mortel et que, paradoxalement, il ne pourra survivre sans elle.
La sixième extinction de masse est en cours, mais cette fois-ci, le principal responsable de cette hécatombe se nomme homo sapiens. Devenus sédentaires au néolithique, nous avons commencé à modeler la nature suivant nos besoins.En a découlé une prolifération d’espèces nouvelles nées de l’élevage et des pratiques agricoles, et en même temps une destruction de plus en plus intense de l’habitat naturel des espèces sauvages.
Tout s’accéléra aux xixe et xxe siècles, lorsque surgirent la révolution industrielle, la colonisation, la poussée démographique et pour finir la mondialisation, avec leur maux désormais bien connus : surpopulation, pollution, déforestation, réchauffement climatique, au profit d’une économie devenue l’unique chef d’orchestre de notre existence.
Mais la mort de la nature, c’est la mort de l’Homme : sans les abeilles, qui pollinisera nos fleurs, prémisse indispensable à la production des céréales, fruits et légumes ? Sans les poissons et les crustacés, où des millions d’hommes trouveront-ils les protéines animales nécessaires à leur survie ? Sans les micro-organismes, qui recyclera nos déchets organiques ? Sans les plantes tropicales et le savoir botanique des peuples forestiers, où trouverons-nous les médicaments pour soigner nos maladies ?
Emmanuelle Grundmann, dans cet essai passionnant et passionné, didactique et poétique à la fois, plaide la cause de la biodiversité et nous met en garde : au rythme où nous la détruisons, en 2100 nous serons seuls au monde. Dès lors, c’est notre propre extinction qui sera programmée. Une vieille utopie se muera en cauchemar, sauf si, comprenant enfin la véritable valeur de la biodiversité, nous parvenons à inverser le cours des choses…Emmanuelle Grundmann est biologiste, naturaliste et primatologue. Elle a publié de nombreux livres sur l’interaction entre les animaux et les hommes, dont
-Ces forêts qu’on assassine (2007) chez Calmann-Lévy.
----------LE MONDE | 09.04.2010 Par Catherine Vincen www.lemonde.fr
Oui, mais pas seulement.
Car cet essai passionné est aussi un plaidoyer pour la biodiversité. Un récit de multiples missions effectuées aux quatre coins de la planète. Un exercice réussi de vulgarisation scientifique. L'occasion, enfin, de collecter mille et une informations étonnantes sur le règne du vivant.
Prenez les eiders, par exemple. Ces grands canards migrateurs au duvet sans pareil font la fortune de quelques familles islandaises : parce que leurs plumes valent de l'or, les hommes veillent sur leur environnement naturel comme sur la prunelle de leurs yeux. Une exception qui confirme la règle. Et qui illustre ce que pourrait être l'usage raisonné du monde naturel.
Après avoir mené dans Ces forêts qu'on assassine (2007) un réquisitoire sévère contre les forces politiques et économiques concourant à l'appauvrissement de notre couvert végétal, c'est au chevet de la nature tout entière que se penche la primatologue et environnementaliste Emmanuelle Grundmann.
Car la biodiversité, synonyme pour la plupart d'entre nous du nombre d'espèces vivant en un lieu donné, recouvre en fait une réalité bien plus large. "La diversité se niche non seulement au niveau de l'espèce, mais aussi sur deux autres niveaux, celui des gènes, c'est-à-dire des différences individuelles au sein d'une même espèce, et celui de l'écosystème et des relations entre espèces", précise-t-elle.
Trois niveaux qui entretiennent des relations très étroites, et qui, par là même, peuvent s'effondrer tel un château de cartes. Comme cette forêt de Malaisie apparemment en pleine santé, qui mourra demain faute d'animaux frugivores capables de disséminer ses graines.
Résumons : la sixième extinction massive d'espèces est en cours, et l'homme, qui pratique depuis la révolution industrielle une destruction de plus en plus intense de leur habitat naturel, en est cette fois le premier responsable.
Le constat est connu ; l'originalité de l'ouvrage, comme l'indique son titre, est de le dépasser. Avec une vraie connaissance de la science écologique, son auteure s'emploie à imaginer ce que sera "l'anthropocène", cette ère métaphorique peut-être toute proche où forêts, savanes, zones humides, déserts, lacs, estuaires et prairies seront sur le point de disparaître.
Que ferons-nous alors ? Appel à la science, pour sauver ce qui peut encore l'être ? Sans doute. Mais, pour Emmanuelle Grundmann comme pour un nombre croissant de scientifiques, de philosophes et d'économistes, l'avenir est écrit : si nous ne redressons pas la barre avant ce stade, les problèmes environnementaux entraîneront une injustice sociale de plus en plus criante, avec son cortège de famines, d'émeutes, d'épidémies et de guerres...
Au risque, un jour, de rejoindre à notre tour l'interminable liste des espèces disparues. A moins que nous ne décidions à temps de voir le monde d'une nouvelle façon, de faire de la nature une alliée, de s'en inspirer plutôt que de la piller. Non par sentimentalisme, mais par pragmatisme : sauver le vivant, c'est cotiser à une assurance-vie pour le futur.
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