• Entretien Alexandre Jardin “Une révolution solidaire est en marche”

      CLES démarre avec Alexandre Jardin une série de grands entretiens autour de nos raisons d’espérer. L’écrivain français nous explique son optimisme : les bienveillances se réveillent, dit-il, et les initiatives bouillonnent, dont les siennes. Aux actes, citoyens !   par Valérie Urman

      [EXTRAIT] Il n’a pas perdu son gros rire sonore, ni sa faconde d’écrivain populaire, ni ce goût joyeux de ciseler des formules frappantes. Mais depuis des mois, Alexandre Jardin en martèle une : « Je veux que le pays se prenne en main. Un pays dépressif, c’est un pays qui espère tout dans l’action des autres. » Le romancier met son énergie vibrionnante au service d’une France enlisée qu’il sillonne en tous sens pour fédérer des légions d’entrepreneurs et d’associations, ces « zèbres » capables de trouver hors cadre des solutions efficaces, de pallier les échecs publics, de contourner la crise des systèmes classiques et l’impuissance du politique. L’ambition est immense, rien moins qu’inventer le « peuple providentiel ». Avec de puissantes raisons d’espérer : la société civile française, constate-­t-il, ne peut compter que sur ­elle-même, mais elle est capable de prodiges. La plateforme numérique Bleu Blanc Zèbre qu’il a lancée en mars dernier avec, tout d’abord, une petite poignée de « faiseurs », gagne des renforts avec un seul mot d’ordre : « Aux actes, citoyens ! ».

    Quelles raisons voyez-vous, en France, de retrouver l’espoir ?

    Mon premier motif d’espoir, c’est le réveil des bienveillances. Les crispations identitaires, les extrémismes politiques ou religieux en expansion, la glissade de la société française vers le Front national… toutes ces logiques de rejet poussent aujourd’hui beaucoup de personnes à sortir du bois pour allumer des contre-feux bienfaisants. Des individus de toutes sortes, innombrables, y compris d’ailleurs des râleurs radicaux, des enragés qui, dans la réalité, ne ressemblent pas à leur caricature dans les médias.

    J’ai passé de longues heures avec les Bonnets rouges, et j’ai découvert des bâtisseurs, au chevet d’une société en déroute. Ces personnes que l’on voit brûler des préfectures ont une soif incroyable de construire, elles sont prêtes. Allez les rencontrer, vous verrez que les légumiers ont pris des parts majoritaires dans Brittany Ferries ; que le monde paysan breton a fondé une compagnie ferroviaire pour réduire les coûts… Ces gens-là sont issus de la culture des coopératives agricoles, ils sont attachés à l’efficacité sociale de l’économie.

    A vous entendre, il ne manquerait pas grand-chose pour que l’exaspération et la déprime basculent en une dynamique positive ?
    On est à ce moment charnière. Ou bien on fonce tête baissée dans nos peurs, ou bien les bienveillants l’emportent. Ce qui me frappe, c’est que ce sont souvent les mêmes personnes. Derrière les révoltes, on découvre des Français qui ont envie de prendre soin de leur région, du pays, des autres. Il y a un altruisme latent proprement vertigineux dans notre société. Cela ne se perçoit pas à travers le prisme médiatique, structuré et obsédé par les logiques conflictuelles, la casse. Or, le pays est très exactement en train de réveiller l’inverse : des logiques de coopération, une vague de bienveillance. On reste un très grand peuple.

       CLES démarre avec Alexandre Jardin une série de grands entretiens autour de nos raisons d’espérer. L’écrivain français nous explique son optimisme : les bienveillances se réveillent, dit-il, et les initiatives bouillonnent, dont les siennes. Aux actes, citoyens !   par Valérie Urman

      [EXTRAIT] Il n’a pas perdu son gros rire sonore, ni sa faconde d’écrivain populaire, ni ce goût joyeux de ciseler des formules frappantes. Mais depuis des mois, Alexandre Jardin en martèle une : « Je veux que le pays se prenne en main. Un pays dépressif, c’est un pays qui espère tout dans l’action des autres. » Le romancier met son énergie vibrionnante au service d’une France enlisée qu’il sillonne en tous sens pour fédérer des légions d’entrepreneurs et d’associations, ces « zèbres » capables de trouver hors cadre des solutions efficaces, de pallier les échecs publics, de contourner la crise des systèmes classiques et l’impuissance du politique. L’ambition est immense, rien moins qu’inventer le « peuple providentiel ». Avec de puissantes raisons d’espérer : la société civile française, constate-­t-il, ne peut compter que sur ­elle-même, mais elle est capable de prodiges. La plateforme numérique Bleu Blanc Zèbre qu’il a lancée en mars dernier avec, tout d’abord, une petite poignée de « faiseurs », gagne des renforts avec un seul mot d’ordre : « Aux actes, citoyens ! ».

    Quelles raisons voyez-vous, en France, de retrouver l’espoir ?

    Mon premier motif d’espoir, c’est le réveil des bienveillances. Les crispations identitaires, les extrémismes politiques ou religieux en expansion, la glissade de la société française vers le Front national… toutes ces logiques de rejet poussent aujourd’hui beaucoup de personnes à sortir du bois pour allumer des contre-feux bienfaisants. Des individus de toutes sortes, innombrables, y compris d’ailleurs des râleurs radicaux, des enragés qui, dans la réalité, ne ressemblent pas à leur caricature dans les médias.
    J’ai passé de longues heures avec les Bonnets rouges, et j’ai découvert des bâtisseurs, au chevet d’une société en déroute. Ces personnes que l’on voit brûler des préfectures ont une soif incroyable de construire, elles sont prêtes. Allez les rencontrer, vous verrez que les légumiers ont pris des parts majoritaires dans Brittany Ferries ; que le monde paysan breton a fondé une compagnie ferroviaire pour réduire les coûts… Ces gens-là sont issus de la culture des coopératives agricoles, ils sont attachés à l’efficacité sociale de l’économie.

    A vous entendre, il ne manquerait pas grand-chose pour que l’exaspération et la déprime basculent en une dynamique positive ?
    On est à ce moment charnière. Ou bien on fonce tête baissée dans nos peurs, ou bien les bienveillants l’emportent. Ce qui me frappe, c’est que ce sont souvent les mêmes personnes. Derrière les révoltes, on découvre des Français qui ont envie de prendre soin de leur région, du pays, des autres. Il y a un altruisme latent proprement vertigineux dans notre société. Cela ne se perçoit pas à travers le prisme médiatique, structuré et obsédé par les logiques conflictuelles, la casse. Or, le pays est très exactement en train de réveiller l’inverse : des logiques de coopération, une vague de bienveillance. On reste un très grand peuple.

      L’économiste Claudia Senik a évalué notre disposition singulière au pessimisme, établissant qu’être français réduit de 20 % la probabilité d’être heureux…

    Ce genre de constat fataliste me rend fou. A contrario, j’observe un deuxième grand motif d’espoir : les Français, devant l’immense blocage au sommet de leur société, de leurs élites politiques, de leurs partis, se mettent à faire eux-mêmes, à produire des solutions. Loin de se coucher devant la fatalité, ils amplifient ou créent un nombre hallucinant d’initiatives destinées à prendre le pays en main. C’est comme si nous avions collectivement renoncé à papa et maman ! L’émiettement du politique, dans un contexte où le marché de la promesse est carbonisé, est en train de fabriquer une nation d’adultes, une société civile autonome, qui met le verbe « faire » au centre.
     

    L’essor de l’économie collaborative, l’innovation communautaire des makers, les espaces de coworking…toutes ces stratégies créatives de contournement -alimentent-elles cette vague ?
    Tout ce bouillonnement enfante une nouvelle société du partage. C’est sur cette énergie qu’avec un petit groupe de « faiseurs », j’ai fondé la plateforme numérique Bleu Blanc Zèbre qui, depuis mars dernier, fédère des initiatives capables de régler très concrètement des problèmes de société. Pas un think tank, un do tank. Nous n’avons plus d’homme politique providentiel ? Tant mieux, on invente le peuple providentiel capable de gouverner le réel.

    Vous placez le sens civique exclusivement sur le terrain social et économique ?
    C’est plutôt le politique qui a déserté le sens civique… Nous sommes partis à quatre il y a seulement quelques mois, nous sommes déjà 80 associations, start-up, entreprises mutualistes. Le critère essentiel, c’est le passage à l’acte. Je ne veux regrouper que des gens qui produisent du résultat, dans tous les domaines possibles. Ce sont eux qui réhabilitent l’idée d’efficacité, qui gardent de la crédibilité, du crédit moral. A l’association Lire et faire lire, nous n’avons jamais eu autant de bénévoles qu’aujourd’hui : 16 000 retraités prennent en charge 400 000 enfants dans 100 départements, dont 80 % n’avaient pas d’engagement antérieur. On nous dit que le vieillissement de la société est un problème alors que les retraités recèlent des trésors d’énergie et sont parfaitement aptes au changement. Quand on propose des outils à une nation qui a envie de se prendre en charge, elle s’en saisit.
        Quid de tous ceux, les plus nombreux, qui ont de l’énergie, une valeur, une compétence, mais pas nécessairement de capacité directe d’entreprendre ? Quand on fournit une multitude d’outils, tout le monde s’y retrouve. Ceux qui ne « font » pas directement, ou pas encore, peuvent s’accrocher au wagon d’un autre. Récemment à Bourges, lors d’un « Café zèbre » (une présentation de notre plateforme), les buralistes du département sont venus rencontrer Hugues Le Bret, créateur du Compte-Nickel proposé aux 2,5 millions de Français virés par leur banque : avec 20 euros, vous allez chez le buraliste ouvrir un compte bancaire et, en cinq minutes, vous avez une carte de paiement et un RIB. Sans RIB, vous ne pouvez pas vous rendre dans une agence d’intérim. Ces buralistes sont très fiers de s’engager dans un dispositif qui a du sens, tout en contribuant à revitaliser leur commerce. Tout le monde peut avoir un rôle. Sur notre plateforme, nous proposons à n’importe qui de donner une minute, une heure ou une journée, pour faire connaître une action ou s’y associer.

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