• Esclavage contemporain

      L’esclavage contemporain : une réalité souvent cachée mais encore très répandue…

     

    Le 1er mai, le Pape François a stigmatisé le travail d’esclave où l’homme perd sa dignité. Ce que dénonçait au même moment un colloque international tenu en R.D. Congo.

    Il y a 125 ans, le cardinal Charles Lavigerie, fondateur de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) et de la congrégation des Sœur Missionnaires N.D. d’Afrique (Sœurs Blanches) réussit à mobiliser plusieurs capitales européennes en vue d’éradiquer la traite des noires en Afrique. Malgré son âge et son état de santé, faisant preuve d’une grande maîtrise de la communication et de convictions indéracinables, il ameuta catholiques, protestants et autres Européens de bonne volonté en vue d’en finir avec la « traite des nègres ». Ce fut le début d’une campagne qui arrivera à éradiquer le commerce des esclavages organisé par des marchands arabes avec la complicité de chefs africains locaux et d’hommes d’affaire occidentaux. Le cardinal aimait citer le philosophe stoïcien Térence : « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».

    Cet anniversaire est l’occasion pour les membres des deux congrégations qu’il a fondées non seulement d’évoquer cette époque historique et les résultats laborieux de ses efforts, mais aussi de rappeler qu’aujourd’hui encore l’Afrique – et non seulement elle – est le théâtre de nombreuses formes d’esclavage, allant des conditions inhumaines de travail jusqu’au trafic d’’être humains à grande échelle.

    Esclavage contemporainA Bukavu (R.D. Congo) s’est tenu un colloque organisé par la Province d’Afrique centrale des Pères Blancs et des Soeurs blanques, du 28 au 30 avril sur le thème des nouvelles formes d’esclavage dans l’Est du Congo. La région des Grands Lacs n’est pas seulement ravagée par les groupes armés qui pillent et violent en toute impunité depuis plus de 15 ans. La succession de trois conflits armés durant cette période a appauvri la population congolaise dans des proportions inimaginables. Nombre de familles ne peuvent envoyer leurs enfants à l’école et ne mangent pas un repas par jour. Pas de soins médicaux ni parfois de logement capable de résister aux pluies diluviennes propres à la région. Par ailleurs, la richesse inouïe du sous-sol permet à d’autres citoyens bien placés, avec la complicité des pays voisins, d’accumuler des richesses colossales. Ils peuvent tout se permettre et exploitent les structures de désordre et de violence du pays pour employer leurs concitoyens dans des conditions inhumaines, profitant de leur combat pour la survie.

    Les domaines d’exploitation des petits sont innombrables : travaux lourds de construction pour des femmes et des enfants, femmes porte-faix qui transportent plus que leur poids sur plusieurs kilomètres, personnels domestiques exploités et abusés, maisons closes avec des mineures, esclavage sexuel de femmes et jeunes filles emmenées par des groupes armés, agents de société de gardiennage sous-payés, prisonniers sous-nourris réduits au combat pour la survie, pygmées chassés de leurs réserves naturelles, etc. Toutes ces catégories sociales ont été présentées durant le colloque.

    L’approche sociologique a permis de pointer les paramètres qui expliquent cette déliquescence sociale et le fonctionnement de ces structures de violence et d’injustice. Mais elle est évidemment beaucoup trop courte pour aborder les causes profondes. Il ne suffit pas d’expliquer le comment, il faut aller jusqu’au pourquoi. Ayant opté pour une approche relevant de la théologie morale, j’ai cherché à démontrer que derrières tous ces esclavages matériels et psychologiques se cache le vrai ressort de l’esclavage : l’âpreté au gain de ceux et celles qui réduisent les autres à des comportements déshumanisants. Le premier esclavage est celui de l’esclavagiste qui est trop attaché au profit à tout prix, à la réussite individuelle, à la domination sociale, politique et économique. Pour ces personnes la réussite individuelle rend tout permis et la fin justifie les moyens.
    Or, ces nouvelles formes d’esclavage sont très répandues dans des régions qui ont été christianisées depuis plus d’un siècle. Les Grands Lacs sont connus pour leur haut degré d’évangélisation et par le pourcentage élevé de baptisés (je ne dirai pas : de chrétiens) qui forment la majorité de la population. C’est le cas de la plupart des politiciens, des hommes d’affaire et des personnes en responsabilité à différents niveaux.

    Au moment où, au niveau mondial, un combat est entamé pour moraliser l’économie et les finances, on peut s’interroger sur la gravité de cette exploitation dans des pays qui comptent autant de baptisés, et même de chrétiens convaincus. Or, il apparaît que c’est en partie le résultat d’une compréhension de la vie chrétienne limitée à la sacramentalisation, à des dévotions et de rites pieux qui semblent dispenser de la justice sociale. Messe dominicale, chapelet, adoration, chemin de croix, processions, pèlerinages, groupes de prière, réceptions pour le baptême d’un enfant, une première communion ou un mariage… est-ce suffisant pour être chrétien ? Peut-être que dans le passé, les premiers missionnaires ont trop mis l’accent sur les sacrements et les dévotions lors de la première évangélisation et oublié l’engagement du chrétien pour la justice et le droit, au nom de l’Evangile, …dans un contexte d’exploitation coloniale.

    Depuis lors, l’Eglise revient avec insistance sur les droits de l’homme, la justice et la paix. Ce fut l’objet du second synode mondial pour l’Afrique qui avait pour thème « réconciliation, justice et paix ». Les propositions des Pères du Synode ainsi que l’exhortation apostolique que Benoît XVI (Africae Munus) publiée en 2011 promeuvent la connaissance de l’enseignement social de l’Eglise comme une clé pour l’instauration de la justice, spécialement de la part des laïcs (mais les clercs en ont aussi bien besoin !) Le Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise est cité comme la référence obligée pour toute forme de catéchèse et pour l’ensemble de la formation des laïcs et du clergé. On y trouve effectivement un enseignement assez complet sur les nouvelles formes d’esclavage et la justice sociale. Cet enseignement est inconnu ou ignoré par la plupart des catholiques en responsabilité (pour ne parler que de l’Afrique), mais il mérité d’être diffusé, parfois critiqué et surtout appliqué !


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