• Flexibilité et rentabilité?

     Flexibilité : ce rapport de l'OCDE qu'ils ne voulaient pas lire. 

      Juan S. le Vendredi 16 Août 2013 (Marianne)

    L'enquête est discrètement sortie, peu commentée. Le 16 juillet dernier, l'OCDE a publié ses "Perspectives de l'Emploi 2013".

    Où l'on découvre que la rigidité ou la flexibilité des législations du travail au sein de ses Etats membres n'a absolument aucune corrélation avec leur niveau de chômage.

    Absolument aucune.

    L'OCDE s'est livrée à une analyse des taux de chômage de ses différents membres (total, longue durée, jeunes, senior, etc), mais aussi des différentes protections de l'emploi dans ses Etats-membres .

    Silence médiatique
    Le silence médiatique sur ces résultats décisifs fut assourdissant. Aucun commentaire à trouver, pas même une allusion, dans nos sacro-saints journaux télévisés petits ou grands. Pas davantage de tribunes enflammées de nos éditocrates préférés. Pour ceux qui se sont faits l'écho de la publication, ils n'ont retenu que la première composante, les perspectives de l'emploi.

    La raison en est simple. L'étude sortait deux jours après l'interview de François Hollande. Nos médias et éditocrates tous ensemble restaient obnubilés par l'optimisme présidentiel sur le retour de la croissance et sa persistante prévision que le chômage allait interrompre sa progression à la fin de l'année. Car l'organisation, par ailleurs, affichait de sombres prévisions pour le chômage: près de 48 millions de chômeurs dans l'oCDE en 2013, et une augmentation qui ne devrait pas s'interrompre avant le second semestre de 2014 !

    Cette "nouvelle" - qui n'était pourtant qu'une prévision de plus parmi d'autres - occulta l'essentiel : la comparaison précise des législations du travail parmi les économies considérées comme les plus développées du globe.

    Il n'y eut que le Canard Enchaîné, un mois plus tard, ce 14 août 2013, pour lui consacrer un peu de place et attirer notre attention. L'hebdomadaire satirique cherchait sans doute une autre actualité que les noyades, les Roms, ou le sempiternel décryptage des petites phrases estivales.

    Dans son éditorial, Stefano Scarpetta , Directeur à la Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE, a un message sans équivoque: il faut "traiter la dimension sociale de la crise avec des mesures d’aide au revenu adéquates et des politiques d’activation efficaces." Quel affreux gauchiste ! Certes, écrit-il, il faut apprendre à "faire plus avec moins", à cause de la crise des finances publiques, tout aussi générale que la crise économique. Mais il s'inquiète: depuis le début de la crise, les dépenses consacrées aux chômeurs ont diminué de près de 20 % en moyenne par chômeur !

    Il pointe trois recommandations: (1) maintenir les allocations chômage pour qu'elles contribuent à jouer leurs rôles de "stabilisateurs économiques", (2) prévoir un "soutien adéquat aux familles en difficulté" et "renforcer les systèmes de revenu minimum garanti, en particulier là où le chômage de longue durée reste très élevé", et (3) favoriser "l'activation" de l'emploi, via "un ensemble de mesures qui facilitent la recherche d’emploi et l’appariement, tout en réduisant les obstacles à l’emploi".

    Flexibilité et chômage.
    L'OCDE a aussi établi quatre indicateurs pour évaluer la protection de l'emploi par les législations du travail. Chaque indicateur est noté de 0 (le moins restrictif) à 6 (le plus restrictif). En d'autres termes, un pays noté 4 sur l'un de ces items a un protection deux fois plus forte qu'un pays noté 2.
    • Protection des travailleurs permanents contre les licenciements individuels et collectifs (moyenne OCDE: 2,29)
    • Protection des travailleurs permanents contre les licenciements individuels (moyenne OCDE: 2,04)
    • Réglementations additionnelles applicables aux licenciements collectifs (moyenne OCDE: 2,91)
    • Réglementation des contrats temporaires (moyenne OCDE: 2,08)
    Nous sommes amusés, puisque l'OCDE ne fournissait pas le tableau clé en main, à mettre en parallèle ces indicateurs de protection avec les derniers taux de chômage publiés par l'OCDE (2012).

    Pour mémoire, la moyenne OCDE du chômage est de 8% en 2012.

    Le résultat est édifiant.

       Certes, la France apparaît plus protectrice, et de loin, sur tous les items. Avec davantage de chômage aussi (10% vers 8% en moyenne OCDE). Mais le tableau général révèle une décorrélation quasi-systématique entre les indices de protection et les performances en matière d'emploi.

    Ainsi,

    Sur les 5 pays au taux chômage le plus bas dans l'OCDE, l'Autriche (4,35% de chômage) est plus protectrice que la moyenne OCDE sur les 4 critères; la Norvège (3,2%) est plus protectrice que la moyenne OCDE sur 3 des 4 critères; et la Corée du Sud (3,2%) est plus protectrice que la moyenne OCDE sur 2 des 4 critères (sur les licenciements individuels et le travail temporaire). Seuls la Suisse (4,2%) et le Japon (4,35%) sont plus souples que la moyenne.

    La Norvège, qui est en situation de plein-emploi, a l'un des niveaux les plus élevés de réglementation contre le travail temporaire (après la France, le Luxembourg et la Turquie).

    L'Allemagne figure parmi les pays les plus protecteurs de l'emploi (*); elle est même plus protectrice que la France contre les licenciements collectifs ou individuels ! Le tout avec un taux de chômage plus bas (5,5% contre 10,3%) !



    En matière de protection des travailleurs contre les licenciements individuels ou collectifs, les pays les plus "flexibles" sont anglo-saxons, avec pourtant des résultats en matière de chômage à peine meilleurs que la moyenne ! Nouvelle Zélande (chômage à 6,9%); Etats-Unis (chômage à 8,1%); Canada (chômage à 7,2%); Royaume Uni (chômage à 7,9%).


    A bon entendeur...


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