• Globalisation des marchés par Jean Ziegler

       La globalisation des marchés produit sa propre idéologie : l'idéologie néo-libérale. Le mouvement qui la met au monde étant potentiellement tout-puissant, cette idéologie se donne à voir comme une pensée unique, comme l'idéologie de la "fin de l'Histoire". Elle légitime la globalisation et l'autonomisation des capitaux. Elle poursuit sa voie triomphante de bradage du bien public sous le couvert de quelques slogans tels que "privatisation", "dérégulation", "flexibilité", "épuration des structures ".

    Idéologie noble ! Elle opère en se servant du mot "liberté". Foin des barrières, des séparations entre les peuples, les pays et les hommes ! Liberté totale pour tous, égalité des chances et perspectives de bonheur pour chacun. Qui n'y adhérerait? qui ne serait séduit par d'aussi heureuses perspectives ?

    Or, l'idéologie néo-libérale est l'ennemie jurée de l'Etat et de la règle commune. Elle diffame la loi et glorifie la liberté sans entraves. Liberté meurtrière quand il s'agit des relations entre les peuples dominateurs du nord et les peuples prolétaires du sud de la planète. Liberté génératrice d'injustices, d'inégalités et de nouvelles pauvretés à l'intérieur même des sociétés industrielles du Nord. Dramatique augmentation de l'inégalité dans le Sud .

    La justice sociale, la fraternité, la liberté, la complémentarité des êtres ? Le lien universel entre les peuples, le bien public, l'ordre librement accepté, la loi qui libère , les volontés impures transfigurées par la règle commune? Des vieilles lunes ! D'archaïques balbutiements qui font sourire avec condescendance les jeunes et efficaces managers des banques multinationales et entreprises globalisées et les spécialistes en dérivés en tout genre !

    Le despotisme le plus féroce est celui qui remet au jeu du libre marché le souci de régler les rapports entre les hommes et entre les peuples .

    Jean-Jacques ROUSSEAU, dans Du contrat social, résume mon propos: "Entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui libère ". Dans nos sociétés d'Occident, une conviction avait surgi avec la Révolution française: la libre décision de la volonté collective est en mesure de résoudre toutes les questions existentielles se posant aux hommes. Un seul héros: le peuple. Un seul sujet de l'Histoire: l'homme devenu propriétaire de sa libre raison. Une seule légitimité : celle qui découle du contrat social. ( ....... )

    Qui ne sourit aujourd'hui en relisant cette proclamation de foi en la capacité de l'homme à façonner son propre destin ?

    Jean ZIEGLER Les seigneurs du crime p. 37-38 ed. du Seuil (Points Essais ) (publié en 1 998 ! )


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