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Hypercapitalisme... (Larry GONICK, Tim KASSER)
Seuil – Delcourt, 2018, 240 p., 23,95 €
La bande dessinée s’est emparée des questions économiques et c’est tant mieux ! Elle contribue à rendre lisible et même passionnante une matière austère, comme le démontre ce nouvel album très réussi. On y plonge dans les ressorts de ce que les auteurs ont baptisé d’hypercapitalisme, ce qui correspond à leurs yeux au capitalisme contemporain mais que l’on assimilerait plutôt en Europe au capitalisme libéral le plus débridé. Ils nous décrivent ses mécanismes mais aussi les valeurs sociales qu’il porte et qui s’insinuent dans la vie quotidienne. Une approche critique et pédagogique.
Avant de se préoccuper de sa version hyper, les auteurs posent les bases de l’innovation économique et sociale qu’a représentée le capitalisme. On rencontre ainsi l’entrepreneur, le salarié, le consommateur et l’Etat, acteur utile et nécessaire au développement du libéralisme. On entre ensuite dans la dynamique de la gouvernance d’entreprise, du petit entrepreneur à la multinationale obéissant aux règles de maximisation de la valeur actionnariale. Sans oublier un premier constat : le capitalisme porte de valeurs matérialistes qui dominent celles de solidarité ou de société.
La suite est consacrée aux tables de la loi du capitalisme libéral. Il pousse à a consommation, y compris par le crédit au risque du surendettement. A la mondialisation, dont les conséquences négatives sur l’environnement et l’alimentation sont analysées, la partie sur le développement du libre-échange étant un peu simpliste et la mondialisation financière traitée à minima. A la déréglementation, à la course au moins-disant social, en attaquant les syndicats et le salaire minimum et à la privatisation et au démantèlement des services publics.
Quelles sont les valeurs sociales primordiales dans les pays où règne l’hypercapitalisme ? La hiérarchie (monétaire, statut social…) y est plus forte que l’harmonie (justice, égalité, paix….). Présentant une synthèse de nombreuses études, les deux auteurs expliquent comment les individus hypercapitalistes sont adeptes de la consommation compulsives, plutôt anxieux, sont plus enclins à s’endetter et paraissent également plus menteurs et susceptibles de manipuler les autres. En bref, ils connaissent une vie moins heureuse.
La dernière partie met sur la table les solutions possibles pour éviter de bâtir ce genre de sociétés malades. La première chose à faire est d’obéir au principe des achats raisonnés : ai-je vraiment besoin de ce que je vais acheter ? Et sinon, de boycotter les produits qui ne correspondent pas à nos valeurs et de privilégier les bio et les filières courtes. Les deux auteurs appellent à une vie plus sobre, en proposant de retenir la méthode proposée par l’écrivain américain Henry David Thoreau : à chaque fois que l’on veut quelque chose, se demander quelle est la quantité de temps de sa vie fini qu’il faut donner en échange ? Ils soutiennent l’économie du partage, la défense des communs, le recyclage, l’investissement responsable, les Scop et le salaire minimum, les syndicats et les congés payés. Sans oublier la recommandation finale : si les valeurs de l’hypercapitalisme ne vous conviennent pas, protestez !
Larry Gonick est un dessinateur de roman graphique spécialisé dans la "non-fiction".
Tim Kasser est professeur de psychologie à l'université de Knox en Illinois. Ses sujets de recherches portent sur le matérialisme, le consumérisme, le capitalisme, le bien-être et l'environnement...
Tags : valeur, capitalisme, auteurs, social, vie
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