• L'année sans été ( Gillen D'Arcy Wood)

                                                                  2016    304 p.   22 €

        Un an après Waterloo, en 1816, le monde est frappé par une catastrophe restée dans les mémoires comme l'" année sans été " ou l'" année du mendiant "...

      Une misère effroyable s'abat sur l'Europe. Des flots de paysans faméliques, en haillons, abandonnent leurs champs, où les pommes de terre pourrissent, où le blé ne pousse plus.
       Que s'est-il passé ? En avril 1815, près de Java, l'éruption cataclysmique du volcan Tambora a projeté dans la stratosphère un voile de poussière qui va filtrer le rayonnement solaire plusieurs années durant. Ignoré des livres d'histoire, ce bouleversement climatique fait des millions de morts. On lui doit aussi de profondes mutations culturelles, dont témoignent les ciels peints par Turner, chargés de poussière volcanique, ou le Frankenstein de Mary Shelley.
      L'auteur nous invite à un véritable tour du monde. Au Yunnan, les paysans meurent de faim, vendent leurs enfants et se lancent dans la culture du pavot à opium, moins sensible que le riz aux variations climatiques.
       Dans le golfe du Bengale, l'absence de mousson entraîne une mutation redoutable du germe du choléra, dont l'épidémie gagne Moscou, Paris et la Nouvelle-Angleterre.

      L'Irlande connaît une effroyable famine, suivie d'une épidémie de typhus, qui laisse de marbre le gouvernement britannique. En Suisse, des glaciers avancent avant de fondre brutalement, détruisant des vallées entières. Aux États-Unis, des récoltes misérables provoquent la première grande crise économique, etc.
       Ce livre, qui fait le tour d'un événement à l'échelle planétaire, sonne aussi comme un avertissement : ce changement climatique meurtrier n'a pourtant été que de 2° C...

      Gillen D'Arcy Wood est professeur à l'université de l'Illinois. Il est spécialiste de l'art et de la littérature du XIXe siècle.

     Commentaires:

     https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2016/10/18/zaman-hujan-au-le-temps-de-la-pluie-de-cendres/  

      En premier lieu, je souligne la forme d’écriture choisie. Un quadruple voyage. Dans des œuvres littéraires et picturales, comme illustration des vues et des sensations ; dans des contrées à travers le monde pour décrire cette « année sans été » et ses effets socio-économiques ; dans le temps pour contextualiser l’événement et permettre des comparaisons ; enfin, dans la construction de la science climatologique. Comme un « chemin de traverse », un roman noir avec un coupable « naturel » et des « complices » sociaux d’un changement climatique de 2 degrés durant quelques années. 

    Dans son introduction, « Une météo à la Frankenstein », Gillen D’Arcy Wood présente la « plus grande éruption du millénaire », les premières spéculations météorologiques éparses et décousues, l’importance de la latitude dans l’expansion des effets, des observations de ciel comme « au coucher du soleil une teinte rougeâtre rayée de croisements rouges et bleus », l’hypothèse d’un lien géophysique entre volcanisme et climat…

    « Ce livre tente de relever un incroyable et formidable défi : reconstituer les événements cataclysmiques mondiaux dont les témoins historiques ignoraient les causes ». Le Tambora fut, sauf pour les populations locales, invisible et impensable, le lien entre cause et conséquences insaisissable, le changement climatique aussi difficile à percevoir qu’à imaginer.

    Le Tambora, une caldeira1 béante de 6 km de diamètre, des aérosols stratosphériques et leurs parcours, des changements soudains et radicaux des températures et des régimes de précipitations et leurs effets sur les communautés humaines (dont les récoltes agricoles, les famines, les épidémies…)

    « C’est le premier livre à traiter l’événement non pas comme un désastre naturel affectant une seule année, 1816, mais comme une période de changement climatique de trois ans, dont les conséquences souterraines seront présentes tout au long du XIXe siècle. » Une histoire d’interdépendance entre « systèmes naturels » et êtres humains, une histoire d’une crise climatique.

    Avril 1815, ile de Sumbawa, Tambora, des colonnes de feu, un ouragan volcanique, des jours sans soleil, « En 1831, soit seize ans après l’éruption, le nord-est de Sumbawa ressemblait toujours à une zone de guerre, comme si la catastrophe venait d’avoir lieu ». Un désastre naturel et des changements à l’échelle mondiale. Comme le choisit Gillen D’Arcy Wood, un « récit épique bien au-delà des souvenirs glacés d’un été appartenant au passé ».

    L’auteur parle de « petit âge glaciaire (volcanique) », de l’imaginaire du volcanisme au XIXe siècle, des études des dépôts de sulfate dans les glaces polaires, de « prendre la mesure du Tambora », de stratosphère et d’océans…

    Gillen D’Arcy Wood mêle descriptions et actuelles élaborations scientifiques, perceptions écrites (romancées ou poétiques) de certain-e-s, traductions imaginatives dans une œuvre comme Frankenstein, expressions picturales des ciels contemplés dans les années 1810…

    Genève, les Alpes, Russie, partie trans-appalachienne des USA (comme nous dirions maintenant), Grande-Bretagne, Ecosse, l’« enchainement ininterrompu de conditions extrêmes », les famines, les migrations d’européen-ne-s vers l’Amérique du nord…

    Les relevés d’hier et les modèles informatiques d’aujourd’hui renseignent sur les baisses de température, les pluies diluviennes. Entre données et réflexions scientifiques, l’auteur souligne le changement des idées et les aléas de la construction de la climatologie, « Un bouleversement climatique catastrophique a provoqué un changement dans les idées à l’échelle du monde autant qu’un traumatisme global ».

    Des écrits permettent de retracer des événements dans certaines régions du monde.

    La « mort bleue au Bengale », le choléra (une « maladie sociale ») et les chemins des épidémies (en « coïncidence avec le réseau commercial mondial »), l’année sans mousson.

    Le Yunnan, des années sans été, des températures inférieures à 3 degrés aux moyennes saisonnières, riz et rizières, la famine, les fragilités des écosystèmes « industrialisés », la gestion étatique des greniers, les connections historiques avec l’opium et sa culture, les transformations de l’économie agricole.

    Le pole nord, une mère polaire sans glace, des conceptions développées des causes et quelques idées météorologiques, la circulation des eaux, la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), les eaux et les vents.

    Les Alpes, « tsunami de glace », les évolutions des glaciers, l’exemple de Val de Bagnes et du glacier Giétro en 1818, transports de blocs rocheux et moraines, la « logique de la glaciation », les très anciens phénomènes et leur puissance, la possibilité d’une science du changement climatique.

    L’autre famine irlandaise, le climat très humide et venteux de 1816, la « terrible année 1917 », la monoculture de la pomme de terre, les poux et le typhus, les ruptures alimentaires, la terrible destruction des cultures, la « désagrégation sociale de de la Grande Famine », le mildiou de la pomme de terre, le désastre des années 1840, « l’importante diaspora irlandaise entretient le souvenir du scandale de ce quasi-génocide » et l’oubli de que fut la colonisation anglaise dans ce pays, « l’indifférence toute particulière du gouvernement vis-à-vis du sort des Irlandais pauvres ».

    De l’Indonésie à l’Inde, de la Chine aux Alpes, des cercles de l’Arctique aux villages d’Irlande… et en Amérique du Nord, l’année-où-il-a-gelé-à-en-mourir, la neige en juin, la destruction des cultures vivrières et fruitières dans les Etats atlantiques, du sud du Maine aux Caroline, l’effondrement du cycle de floraison, les controverses sur le climat, la première dépression « américaine » de 1819-1922, les migrations et la colonisation au delà des Appalaches…

    Contre les simplification et les pensées locales, Gillen D’Arcy Wood souligne « une relation causale complexe relie des événements géographiques et climatiques apparemment disparates tout autour du globe », les effets sur plusieurs décennie d’une crise écologique de l’ampleur de celle du Tambora, les souffrances humaines, les bouleversements induits… Que dire alors des possibles de « l’urgence climatique de longue durée que nous connaîtrons au cours de l’Anthropocène » et donc de l’urgence à engager immédiatement la transition énergétique…

    Traduit de l’anglais par Philippe Pignarre

    Didier Epsztajn

       Pour passer à la postérité, une catastrophe naturelle doit bien sûr faire de nombreuses victimes, mais aussi tomber au bon moment. L’éruption du Tambora, dans l’île, aujourd’hui indonésienne, de Sumbawa, en avril 1815, n’a pas eu cette chance. Samuel Morse n’a pas encore mis au point le télégraphe qui permettra, en 1883, de mesurer en temps réel les conséquences mondiales d’une autre éruption dans la même région, celle du Krakatoa. Surtout, le drame climatique est resté dans l’ombre d’un autre ­cataclysme, militaire celui-là : les guerres napoléoniennes. Hors d’Indonésie, il n’y a sans doute qu’aux Etats-Unis où l’histoire a bien voulu lui faire une place majeure, consacrant 1816 comme « l’année sans été », avec ses épi­sodes de gels estivaux, sa crise ­agricole sans précédent et sa première ruée vers l’Ouest.

    Pourtant, l’éruption du géant asiatique a fait beaucoup plus que ça. Elle a changé le visage du monde. « Invisible et impensable, le Tambora a été le bombardier furtif du début du XIXsiècle », avertit l’historien américain et professeur de littérature Gillen D’Arcy Wood. Deux cents ans plus tard, il s’emploie donc à le faire sortir du brouillard en se fixant pour « défi » de « reconstituer les événements cataclysmiques mondiaux dont les témoins historiques ignoraient les causes ».

    Difficile, en effet, pour le groupe de jeunes Anglais fortunés venus profiter, en cette année 1816, de la douceur de l’été suisse, d’imaginer que le temps exécrable qu’ils subissent sur les hauteurs du Léman est la conséquence d’un volcan qui, à l’autre bout du monde, a craché ses particules soufrées à 40 km dans l’atmosphère. Evidemment,...

    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2016/08/25/le-volcan-qui-mit-la-planete-sens-dessus-dessous_4987683_3260.html#KS6LmH8KhHw4gGy6.99

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