• La bioéconomie

       La bioéconomie : définitions et limites

    11 octobre 2013,

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    On connaissait la biologie, la biodiversité, l'agriculture biologique et voici que (même) l'économie se met au bio avec la « bioéconomie ». Que recouvre ce néologisme peu connu ? Un nouveau concept ? Une nouvelle astuce de communication, voire de greenwashing ? Tentative d'éclairage suite à une conférence donnée par le club des bio-économistes.

    Bioéconomie : définitions

    Il règne une certaine confusion autour de ce terme qui est repris dans différents contextes :

    Académiquement, la bioéconomie est une théorie économique développée par Nicholas Georgescu-Roegen au début des années 1970. La bioéconomie de Georgescu-Roegen met en valeur la base biologique ou « Naturelle » de tous les processus économiques et donc des problèmes humains associés à la déplétion de nos ressources naturelles. La bioéconomie serait l'ancêtre d'une discipline à part entière qui est en plein développement : l'économie écologique (« ecological economics »).

    Institutionnellement, la Commission Européenne et l'OCDE se réfèrent à la bioéconomie comme à « un ensemble d'activités économiques liées à l'innovation, au développement, à la production et à l'utilisation de produits et de procédés biologiques ». À travers cette nouvelle stratégie, les institutions souhaitent utiliser la recherche et l'innovation pour faire la transition de notre économie basée sur le carbone et les énergies fossiles vers une économie verte, décarbonnée et durable.

    A ce jour il existe une autre définition de la bioéconomie, celle du club des bio-économistes : créée en 2012, et encore peu connu, c'est une association dont l'objectif est de « sensibiliser et informer sur les enjeux et la nécessité d'une agriculture et d'une sylviculture véritablement durables, assez productives et efficaces pour garantir la diversité et la compétitivité de leur filières aval de transformation face aux besoins planétaires croissants ».

    La « bio-économie » du club des bio-économistes

    Claude Roy, le président du club des bio-économistes prétend que seulement trois options durables s'offrent à nous :

    1. la sobriété (une réduction volontaire de nos consommations et de l'impact environnemental de celles-ci),
    2. une économie basée sur le renouvelable et le zéro carbone,
    3. les puits de carbone

    Ils affirment que « la terre, la forêt et le soleil, moyennant des précautions et certaines limites, peuvent en effet nous fournir en toute sobriété de l'alimentation (une forme d'énergie renouvelable) mais aussi des énergies, des matériaux et des molécules "sans carbone… noir", ainsi que des fertilisants organiques pour nourrir les sols et les plantes ».

    Face à la croissance démographie, le club de bio-économistes veut augmenter notre capacité à constituer de la biomasse (aliments naturels sur lesquels se baserait cette nouvelle économie) à travers les activités qui ont un rendement important, telles l'agriculture, la sylviculture, la production forestière ou l'aquaculture, qui produiraient, en outre, jusqu'à « un emploi supplémentaire par 1000T de biomasse ».

    Jusque-là rien de nouveau. Cependant, le club des bio-économistes affirme – probablement avec raison – que « nous ne sommes pas capables d'assurer la pérennité de notre développement » dans les conditions actuelles. Les adhérents proposent une solution :

    « Il faudra bien se résoudre à gérer la forêt et la terre comme de véritables "pourvoyeuses d'avenir" productives et non pas, comme certains en rêvent, en imaginant d'en faire de quelconques réserves bucoliques ! » Mais n'est-ce aps déjà le cas ? En France, toutes les forêts domaniales sont gérées pour l'exploitation du bois, les loisirs, la chasse, etc. En France, l'écosystème impénétrable et sanctuarisé n'existe plus depuis des milliers d'années.

    Ce qui est vrai, c'est que dans le reste du monde, les citoyens, certains gouvernements et la société civile se battent pour préserver des bouts de terre qui n'ont pas encore été trop dérangés par l'être humain, et ceux-ci le sont car, en général, ils sont justement difficilement accessibles… Cependant, d'après le club des bio-économistes, il faudrait cultiver… tout : les forêts, la savane et la steppe et cesser de s'acharner à préserver la biodiversité à travers ces réserves « bucoliques » qui sont, sinon inutiles, au moins non-productives. Une grave erreur d'appréciation sur les services rendus par la biodiversité et les écosystèmes "naturels".

    En effet, nos écosystèmes sont déjà stressés par l'activité humaine et beaucoup sont en déclin. Des espèces qui sont des mailles importantes du cycle de vie, et donc vitaux à l'équilibre planétaire, disparaissent tous les jours (les abeilles et autres insectes pollinisateurs en sont des témoins).

    La solution du club des bio-économistes serait malheureusement irrévocable à l'échelle humaine. Après avoir déséquilibré les écosystèmes de manière insoutenable, il serait impossible de retourner en arrière et de recréer des écosystèmes stables avec sa biodiversité et ses services écosystémiques qui sont vitaux à la survie de toutes les espèces, y compris et surtout l'espèce humaine.

    Force est de constater que l'économie ne peut toujours se conjuguer avec la "bio" et que malgré tous les discours rassurants sur une prétendue complémentarité profitable à tous, l'économie verte déclinée ici en bio-économie souffre de ses contradictions inhérentes, au regard de la présentation (orale) qui en a été faite récemment par ce club, davantage en recherche de financements que de sens.

    L'avenir de l'Homme ne se trouve certainement pas dans l'exploitation industrielle du vivant au service d'une civilisation productiviste et consumériste sans valeur, sans saveur et sans intérêt.

    Sources

    • Les dossiers du Ministère du Développement Durable sur la bio-économieavatar
    • Le club des bio-économistes, 2012, Les "triples A" de la bio-économie: efficacité, sobriété et diversité de la croissance verte, Editions L'Harmattan
    • Mayumi, K., 2002, The Origins of Ecological Economics: The Bioeconomics of Georgescu-Roegen, Routledge
    • La Bioéconomie à l'horizon 2030 : quel programme d'action ? - OCDE ; 2009 
    • European Bioeconomy
    • Innover pour une Croissance Durable : une Bio-économie pour l'Europe - Commission Européenne ; 2012

    Auteur      Elodie GT / notre-planete.info - Tous droits réservés


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