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La grande régression (Jacques GENEREUX )
2011 278 p. 8,50 €
« Durant les vingt premières années de ma vie, j’ai grandi dans un monde où le destin des enfants semblait naturellement devoir être plus heureux que celui de leurs parents ; au cours des trente suivantes, j’ai vu mourir la promesse d’un monde meilleur. En une génération, la quasi-certitude d’un progrès s’est peu à peu effacée devant l’évidence d’une régression sociale, écologique, morale et politique, la « Grande Régression » qu’il est temps de nommer et de se représenter pour pouvoir la combattre.Car la première force des malades et des prédateurs qui orchestrent cette tragédie est leur capacité à présenter celle-ci comme le nouveau visage du progrès. Et leur première alliée, c’est la perméabilité des esprits stressés. À l’âge de la démocratie d’opinion, les réactionnaires ne peuvent se contenter de démolir l’acquis des luttes passées en faveur d’une vie meilleure pour tous ; il leur faut aussi anesthésier les résistances, susciter l’adhésion ou la résignation de leurs victimes ; ils doivent remporter une bataille culturelle dont l’enjeu est de nous faire aimer la décadence. […]
En dépit des apparences et de son titre, ce livre n’est pas pessimiste ! Il dit au fond que la voie du progrès humain est connue et possible. Il annonce que nous sommes allés à peu près au bout de toutes les impasses des temps modernes. Tant et si bien, qu’au bout de la Grande Régression où nous voilà bientôt rendus, l’humanité devra bien d’une manière ou d’une autre prendre un autre chemin. La seule question est de savoir s’il nous faudra, pour cela, endurer la régression jusqu’à l’effondrement, ou s’il se trouvera des responsables politiques pour offrir enfin une Grande Transformation démocratique et des citoyens mobilisés pour les soutenir. » Jacques Généreux
Avec une rare clarté, Généreux, explique d'abord en quoi la crise mondiale en cours est l'effet inéluctable des politiques qui, depuis trente ans, ont promu un système vraiment capitaliste et l'essor mondial d'une véritable économie de marché, à l'exact opposé du mouvement engagé par les deux générations précédentes. Toutefois, la crise économique n'est qu'un avatar d'un plus vaste mouvement de régression de la civilisation moderne. Au terme d'une quête perpétuelle d'émancipation des individus, s'est installé un hyperindividualisme qui efface les repères moraux, détruit les liens sociaux et limite l'épanouissement personnel à la compétition permanente pour l'accumulation des biens. Il s'ensuit une mutation culturelle qui a d'abord favorisé le culte fou du marché et la fuite en avant consumériste qui détruit l'écosystème. Mais ensuite, la violence comme le désordre social et international exacerbés par l'hyperlibéralisme nourrissent la peur de l'autre, de l'étranger et du vide moral, d'où de multiples pulsions régressives: obscurantisme, replis communautaires ou nationalistes, politiques liberticides au nom de la sécurité. Pour sortir de cette régression, l'auteur montre comment on peut, sans révolution, en une simple législature démocratique, sortir de la société de marché capitaliste qui nous y a entraînés. Mais nous risquons d'être durablement empêché de renouer ainsi avec le progrès par les dysfonctionnements d'une démocratie où les classes populaires ne vont plus voter et par l'imbécillité d'une gauche " moderne " qui a fini de se convertir au modèle libéral au moment même ou celui-ci s'effondre.
Jacques Généreux, professeur à Sciences Po., a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages. Il poursuit ici son travail de refondation de l’analyse politique, économique ou sociale à la lumière de ce que nous savons aujourd’hui sur le fonctionnement des êtres humains, après- La Dissociété (Seuil, 2006), et
- Le Socialisme néomoderne (Seuil, 2009).
Le présent ouvrage, plus léger et plus accessible, outre le fait qu’il éclaire le moment charnière où se trouve notre civilisation, constitue aussi une bonne introduction à la pensée originale de l’auteur. Jacques Généreux est également Secrétaire national à l’économie du Parti de Gauche.
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