• La société civile: le 3e pouvoir (Nicanor PERLAS).

    La société civile: le 3e pouvoir (Nicanor PERLAS).

    2003     320 p.      22 €

       Ce livre est le fruit de plusieurs décennies d’un travail intense sur le terrain, où l’auteur a forgé ses concepts au fil de son action sur le plan local, national et international. Loin de dicter le chemin, ce livre est un outil de compréhension du processus mondial en cours. Car tout reste encore à inventer...

        Dans notre monde dominé par les pouvoirs économiques et politiques, un troisième pouvoir est en train de s’affirmer et de contrebalancer les deux premiers : celui de la société civile. C’est cette composante de l’organisme social qui trouve sa raison d’être dans la culture, au sens très large que lui donne l’auteur, et qui englobe les notions de "spirituel, humain, social, culturel et écologique".

        Si la société civile devient capable d’affirmer son identité et de s’organiser, les sphères de l’économie et de la politique seront progressivement contraintes de prendre en compte les valeurs qu’elle exprimera, dans une démarche de respect mutuel, et l’on s’acheminera, via une triarticulation sociale, vers une autre mondialisation, véritablement au service de tous. C’est un défi formidable !

                   Nicanor Perlas, « prix Nobel alternatif »  (Ouest France du 11/10/ 2003) 

        "Animateur d'un mouvement qui provoqua la chute d'un président corrompu (Estrada), le Philippin Nicanor Perlas est aussi une figure connue dans les milieux altermondialistes. En France pour présenter son dernier livre (« La société civile, le troisième pouvoir »), il participait vendredi soir à une table ronde au salon Ille-et-Bio de Guichen.

     

     Nicanor Perlas pourrait être une sorte de « José Bové philippin ». Cinquante-trois ans, agriculteur bio à l'origine, aujourd'hui président d'un Centre d'initiative pour le développement alternatif, Nicanor Perlas est un altermondialiste actif qui a derrière lui de longues années de militantisme au point qu'il est présenté « comme le pionnier d'un développement durable authentique ». Dans son pays, il symbolise le combat contre une mondialisation économique facteur de pauvreté. Il y a vingt ans, il prenait la tête d'un combat (gagné) contre les pesticides aux Philippines. Aujourd'hui, il sillonne le monde pour témoigner de sa lutte. Sa méthode a des résultats : Nicanor Perlas a été l'un des animateurs d'une révolte populaire non violente qui a contribué, grâce à la société civile, à la chute du président philippin Estrada, en 2001. Nicano Perlas est lauréat d'un prix Nobel alternatif qui lui sera décerné à Stockholm en décembre.

                                      Société civile

        L'importance de la société civile, Nicanor Perlas la développe dans son dernier livre où il la qualifie de « 3e pouvoir » (1). Cette troisième force a émergé à Seattle en 1999 mettant en échec un accord au sein de l'OMC (organisation mondiale du commerce). L'une des thèses du livre est que la société civile qui se démarque de l'État (politique) et du marché (instances économiques) peut tirer son épingle du jeu en faisant appel au champ culturel. Un aspect fédérateur, touchant à la fois le collectif et l'individuel.

        Selon Nicanor Perlas« la culture est fondamentalement l'espace social où s'élaborent l'identité et le sens ». Dans la sphère culturelle de la société civile, Nicanor Perlas englobe « les ONG, les organisations populaires, les universités, les médias, les groupes religieux ». L'usage de la culture peut être subversif et participer à la « déconstruction des symboles de la société marchande ». Faire passer par exemple auprès des jeunes une grande marque « jeune et dynamique » par ses produits comme le symbole du travail des enfants.

        Après avoir présenté son ouvrage à Paris, jeudi, le leader altermondialiste philippin a participé vendredi soir à une table ronde au Salon Ille-et-Bio de Guichen en compagnie deFrançois Dufour, agriculteur bio, vice-président d'Attac, ancien porte-parole de la Confédération paysanne et Jean-Claude Pierre, fondateur d'Eaux et rivières. PourFrédéric Vanpoulle, militant de Guichen et vice-président de l'association Culture et bio, le témoignage de Nicano Perlas est capital : « Il s'appuie sur des actions concrètes. Derrière les paroles, il y a des actes. Nicano Perlas offre vraiment des perspectives nouvelles au combat altermondialiste »."

                                Éric CHOPIN.    Ouest-France du 11/10/2003

                                          Préface du livre.

        La fin du XXe siècle a vu s’effondrer les dogmes dont s’enchantaient les élites dirigeantes pour gouverner le monde. L’histoire retiendra probablement que cette époque fut "monomaniaque". Elle a subi les sectarismes contraires professés par les élites, celui de la toute Puissance de l’État au nom de l’égalité, celui du totalitarisme du Marché au nom de la liberté. La chute du mur de Berlin, les dysfonctionnements croissants de la société mondiale, l’accroissement du nombre de pauvres et de l’écart entre riches et pauvres témoignent de la vanité de ces dogmes qui font fi de la complexité des sociétés humaines.
        Face à ces échecs, le discours des décideurs en appellent de plus en plus à la "société civile", concept qui, trop souvent, relève plus de l’incantation verbale que d¹une nouvelle analyse du fonctionnement social. De même que Marx voyait dans la religion un opium du peuple au service de l’homme accablé, de même on pourrait penser que la "société civile" constitue pour des dirigeants décidés à ne rien changer, un "supplément d’âme" dans la jungle financière qu’ils contrôlent de moins en moins. L’intérêt principal de l’ouvrage qu’on va lire consiste à sortir le concept de "société civile" de son flou pour l’articuler sur l’ensemble du fonctionnement de nos sociétés. Nicanor Perlas analyse la "bataille de Seattle" contre l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), comme l¹entrée en scène de la "société civile" dans l’histoire, à côté des Gouvernements et des Marchés. La chute du mur de Berlin a fait croire un instant que l’un des deux sectarismes avait définitivement gagné et que, désormais, suivant l’ouvrage célèbre de Francis Fukuyama, nous étions entré dans la "fin de l’histoire" conçu comme le triomphe généralisé du capitalisme néo-libéral. Or, nous dit Nicanor Perlas : "Lors de la bataille de Seattle, la société civile du monde entier brisa le monopole du discours capitaliste sur la mondialisation. Dans un acte de rébellion culturelle, elle recadra tout le débat sur la mondialisation, en posant la question des valeurs et du sens et en se démarquant du discours élitaire dominant qui croyait asseoir sa légitimité en rationalisant un désir de pouvoir sans borne et une avidité immodérée pour l’argent. Par cet acte de défi qui couronnait des années de résistance, la société civile du monde entier marquait solennellement l’entrée dans un monde tripolaire et la naissance d¹une nouvelle histoire".
        Loin de vouloir, après les cultes successifs de l’État et du Marché, nous amener à vénérer une nouvelle idole qui serait la société civile, Nicanor Perlas, en introduisant l’idée de triarticulation, vise à promouvoir un nouveau processus, et non pas un produit social fini. Il nous montre, non seulement en théoricien, mais en praticien engagé dans des programmes de développement dans son pays, les Philippines, notamment « l’Agenda 21 », que c’est à travers conflits, dialogues et partenariats entre les trois instances que sont le pouvoir politique, le pouvoir économique et la société civile que s¹élabore un développement humain. Alors que le système politique et économique sont des constructions qui vivent de la concurrence, « la société civile est fondamentalement auto-organistarice et essentiellement coopérative, comme tout système vivant en bonne santé » Sa sphère est celle des valeurs, de la culture et de la spiritualité, elle ne sépare pas la transformation de la société du travail sur soi. Dès lors, elle ne peut qu’entrer en conflit avec l’unilatéralisme du rouleau compresseur néo-darwinien de la mondialisation "élitaire" qui, selon l’auteur, est "sans scrupules, sans emploi, sans avenir, sans racines et sans voix".
        Face à l’importance grandissante de la société civile, notamment à travers les ONG, la tentation est grande, pour la sphère politique et économique, de les instrumentaliser.Nicanor Perlas invite donc les acteurs, ceux qu’il appelle les "créatifs culturels" à une grande vigilance sinon, "les aspirations politiques, humaines, culturelles, sociales, écologiques et spirituelles seront réduites à l’état de marchandise pour servir les intérêts de l’économie mondiale, sous couvert de vouloir répondre aux besoins humains, sociaux et écologiques".
        Au début du XXIe siècle, nous dit l’auteur, les gouvernements partagent la scène avec deux acteurs non étatiques : la communauté économique et la société civile, de mieux en mieux organisée et capable d’expression. Cet état de fait constitue un défi sans précédent pour la gouvernance mondiale.

        Dans la langue traditionnelle, le mot "civil" s’oppose à "militaire" et à "ecclésiastique". Il désigne une sphère de la société qui n’est ni celle des gestionnaires de la force, ni celle des clercs des pensées uniques.
    Dès lors, la société civile ne saurait se réduire à un vivier pour tous ceux qui "veulent être calife à la place du calife" ! ou à un troupeau sur lequel se pencheraient les élites mondiales. Nicanor Perlas renverse ce rapport entre la société civile et les dirigeants. Celle-ci lui apparaît comme le creuset où peuvent s¹inventer de nouvelles pratiques économiques et sociétales : "La société civile est actuellement ce pouvoir qui pousse les forces dominantes de la société à réaliser l’équivalent d’un "rite de passage". Les pouvoirs dominants doivent être rendus humbles. De cette humilité, "de nouvelles possibilités éclosent pour la société. Ainsi, la société civile devient le lieu de l’"initiation" de la prochaine génération de dirigeants de la société au sens large ­ des dirigeants qui tiendront mieux compte des besoins réels de tous les citoyens".
        L’ouvrage de Nicanor Perlas touche le coeur de la crise de nos sociétés. Il contribue à nous arracher au face à face meurtrier et stérile du tout État et du tout Marché. Il introduit dans ce jeu la société civile, non pas réduite à un gisement d’électeurs ou de consommateurs, mais en acteur partenaire, porteur de la fraternité universelle des citoyens sans laquelle les combats pour l’égalité et la liberté virent au cauchemar. Bien loin de chercher à vendre une nouvelle pensée unique, Nicanor Perlas nous invite à élargir le champ de la dynamique sociale, convaincu que la culture, la spiritualité et la fraternité seront décisives dans ce qu’il appelle "le commencement de la Nouvelle Histoire".

                       Bernard Ginisty 


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