• Le dernier homme (Antonio PAGNOTTA)

    Le dernier homme (Antonio PAGNOTTA)

    2013    280 p.  17,90 €

      Ce récit est l'histoire vraie d'un homme exceptionnel, d'un personnage de légende. Naoto Matsumura, tel un samouraï sans maître, a refusé en mars 2011 d'évacuer la zone interdite autour de la centrale explosée de Fukushima. Malgré le tsunami et l'apocalypse nucléaire, malgré les réacteurs qui, deux ans après, continuent de cracher de la radioactivité, il a choisi de rester sur la terre de ses ancêtres, dans sa ferme, auprès des quelques animaux encore vivants. Il est aujourd'hui le dernier habitant de Fukushima.

      Par cet acte de résistance, le fermier manifeste sa colère face à Tepco, le géant de l'industrie nucléaire, mais préserve aussi son honneur en refusant le sort des habitants évacués des zones contaminées, condamnés à l'errance aujourd'hui et demain aux maladies certaines, pour finir tels des parias. Dans son combat, Matsumura porte toute l'humanité de celui qui refuse de se soumettre à la bureaucratie, à la finance et au lobby nucléaire, dont les choix sont d'abord économiques : sauver le pays de la faillite à n'importe quel coût humain, y compris le sacrifice des enfants.

      À travers le lien qu'il maintient entre l'homme et la nature, le respect et le soin qu'il doit aux pierres, aux plantes et aux bêtes, il incarne la lutte de la terre contre le nucléaire, le jour après l'apocalypse. Matsumura est bien plus qu'un militant écologiste ; pour trouver la force de survivre, et sauver sa ville, il puise dans le Japon de la religion et des philosophies ancestrales.

      Antonio Pagnotta, photoreporter pour des news français et étrangers, est un habitué des zones interdites. A partir d'avril 2011, il est entré à plusieurs reprises dans la zone rouge de Fukushima. Sans parler des risques liés aux radiations, toute personne qui pénètre la zone risque une amende ou un mois de prison, ou les deux.

    Un mot de l'auteur

      Voici presque deux ans, en avril 2011 je débutais une série de reportages photo sur les conséquences des catastrophes nucléaires de Fukushima. Autour de la centrale explosée, une zone vidée de ses habitants était devenue un désert humain où le journaliste était indésirable. Pour mon travail, j'y entrerais souvent, toujours illégalement. J'imaginais que mon travail serait centré sur le désastre technologique et ses secrets à dévoiler. Homme d'images, j'étais confronté avec un danger impossible à photographier parce qu'invisible ; pourtant au fil des mois, je prenais conscience que la tragédie primordiale était au coeur de tout être vivant par nature humaine. En esprit, je pénétrais dans une zone interdite où l'homme et la compassion n'étaient plus les bienvenus. Pour cette raison, j'ai fait appel aux mots pour raconter ce que mes yeux ne pouvaient capturer. Les enjeux du drame englobaient toute la nation japonaise et d'une certaine façon, telle une parabole, la planète toute entière. Dans cet espace radioactif, où les villes étaient devenues fantômes et où les animaux furent abandonnés à l'agonie, j'y ai trouvé contre toute attente, un homme debout. Ses leçons de survie sont aussi précieuses que son exemple de vie. Le dernier homme de Fukushima m'a appris le sens profond du mot humain. Il est pour moi, le premier juste de Fukushima.         Antonio Pagnotta

    Extrait             Je suis Matsumura !


      1er juin 2011. Le rendez-vous avait été pris à l'intérieur de la zone interdite, où le temps s'est arrêté au lendemain du séisme. Il y vivait depuis plus de deux mois dans un désert humain et une atmosphère toxique. Il est le dernier habitant de Fukushima. Pour des raisons d'honneur, il a refusé d'évacuer la zone rouge et défie Tepco, le géant de l'industrie nucléaire et opérateur des centrales accidentées. Dans un acte insensé de résistance, motivé par une légitime colère, il a choisi les radiations plutôt que la soumission. Il est devenu malgré lui l'ermite de Fukushima, le porte-drapeau de la résistance japonaise face au désastre nucléaire, et une icône mondiale. Son nom est Naoto Matsumura. J'avais donc rendez-vous avec le dernier homme debout.
      Dans certains journaux étrangers, on parlait de ces rares fermiers qui refusaient l'évacuation des lieux, malgré l'air malsain que l'on y respire. Loin de considérer que seules les causes naturelles avaient provoqué la catastrophe, Naoto Matsumura pointait la responsabilité de Tepco et affirmait son refus d'abandonner sa terre. Sa détermination et son courage avaient été rapportés par une dépêche de l'agence Associated Press. Naoto Matsumura, parmi d'autres agriculteurs aux propos plus mesurés, y exprimait ouvertement son courroux à l'encontre de la compagnie d'électricité. «Tepco disait : Il n'y aura aucun accident, jamais ! Tout le monde a été trompé. Alors, je me suis rendu au siège de Tepco, à Tokyo, pour exiger des comptes. Tout ce que les dirigeants ont su dire, c'était répéter à l'infini "sumimasen, je suis désolé".» De l'avis de Matsumura, la compagnie mortifère ne devait pas l'emporter à moindres frais ni enfouir ses fautes dans un lieu déserté, à l'abri du regard des hommes. Son refus d'obéir aux autorités et de se soumettre au silence était un choix humain - un choix pour l'humanité.
      «Dans le shinto [la religion née il y a des millénaires au Japon], aucune espèce n'est supérieure à une autre. Toutes les choses, tous les êtres sont égaux parce que la nature contient une dimension sacrée qui mérite notre déférence et respect. Nous devrions tous posséder l'intuition, et comprendre que nous sommes une humble partie de ce délicat tissu de relations que l'on appelle la vie, et au grand jamais son exploiteur ni son destructeur», disait Naoto Matsumura.
      Dans l'histoire du Japon et par-delà sa Constitution démocratique, son choix s'inscrit dans une tradition profonde du sacrifice. À chaque grande crise, certains Japonais font preuve d'abnégation, comme ce fut le cas des kamikazes durant la Seconde Guerre mondiale. À la teneur des propos de Matsumura, je compris que son combat le plaçait dans la catégorie bien particulière de ceux qui pensent par eux-mêmes. Dans ce pays où l'on ne prononce jamais un mot plus haut que l'autre, ses propos tranchants m'avaient convaincu de braver la radioactivité et, un moindre mal, la police nippone.

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