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Le dernier qui s'en va.... (Paul JORION )
2016 288 p. 19€
Le genre humain se découvre, à sa très grande surprise, au bord de l’extinction. A cette menace, il ne réagit que mollement, en tentant de manière dérisoire de dégager un bénéfice commercial de toute tentative de réponse. Sommes-nous outillés pour empêcher notre propre extinction ? Notre constitution psychique et notre histoire jusqu’ici suggèrent malheureusement que notre espèce n’est pas à la hauteur de la tâche : la découverte que chacun d’entre nous est mortel l’a plongée dans une stupeur profonde dont plusieurs milliers d’années de rumination ne sont pas parvenues à la faire émerger. Le dernier qui s’en va éteint la lumière propose une description réaliste et véridique de notre espèce, de ses grandes forces et de ses immenses faiblesses. Nous comprendre nous-mêmes est la condition pour renverser la tendance qui nous conduit, si nous ne réagissons pas immédiatement avec la plus extrême vigueur, droit vers l’extinction.
Anthropologue, expert en intelligence artificielle et spécialiste de la formation des prix, Paul Jorion jette depuis plusieurs années un autre regard sur l’économie ; il annonçait ainsi dès 2005 ce qui allait devenir la crise des subprimes.
Commentaire. Sommes-nous dans une vision apocalyptique ou sommes-nous simplement réalistes ?
Nous vous communiquons cet article de Paul Jorion.
L’ARTICLE :
Paul Jorion n’est pas de ceux qui vous redonnent foi en l’avenir. Dans son dernier ouvrage Le dernier qui s’en va éteint la lumière, l’anthropologue estime qu’il ne reste que deux ou trois générations à l’humanité avant de disparaître. Pour Nom de Zeus, il explique pourquoi la fin est si proche. Entretien pré-apocalypse.
Paul Jorion est de ces personnages inclassables. Chercheur en sciences sociales, anthropologue (un temps élève de Claude Levi-Strauss) il a également enseigné à Cambridge dans les années 1980 une matière que l’on n’appelait pas encore intelligence artificielle, avant de travailler dix ans dans l’antre du diable : le milieu financier des subprimes au début des années 2000. Décrit tantôt comme un prophète de malheur, tantôt comme celui-qui-avait-annoncé-la-crise-mais-qu’on-n’a-pas-écouté, l’homme emprunte autant à Jacques Attali qu’à Frédéric Lordon ou Thomas Piketty. Dans son dernier ouvrage, il n’annonce pas moins que « l’extinction de l’espèce humaine d’ici deux ou trois générations. »
S’il utilisait les canaux politiques et idéologiques habituels, on pourrait dire que Le dernier qui s’en va éteint la lumière est un ouvrage férocement anti-capitaliste. Mais la charge est plus subtile. Et ne laisse aucune chance. À l’homme, à la Terre, à l’économie. Selon l’auteur, « il y a trois domaines dans lesquels on peut constater une totale perte de contrôle de l’humain: la crise environnementale, ce système financier au bord de l’implosion et notre incapacité à faire face à la complexité robotisation de la société ». Les cavaliers de l’apocalypse opèrent désormais en trio.
Trahis par notre environnement
L’environnement, en premier lieu. « Les scientifiques et climatologues, même les plus optimistes, estiment que même si nous maintenons une hausse de 2° d’ici la fin du siècle, ce sera une vraie catastrophe. Or nous semblons plutôt nous orienter vers une hausse de 3° ou 4°. Même en considérant qu’on tienne nos engagements, ce que l’on n’a jamais réussi à faire, les catastrophes semblent inévitables, et les prochaines générations connaitront des ouragans dans l’Atlantique , El Nino pourrait s’arrêter, le niveau des mers augmentera, etc. »
« L’environnement nous trahi, car nous l’avons colonisé de façon brutale et non durable. J’ai l’habitude de dire que nous utilisons 1,6 planète par an. Pas besoin d’être très doué en maths pour voir que nous allons rapidement être confrontés à une limite ». Pour certaines études, la limite pourrait être encore plus proche. L’ONG Global Footprint Network estime ainsi que si nous conservons notre rythme de consommation, nous aurons besoin de deux planètes en 2030.
Après la relative euphorie de la COP21, c’est la douche froide. « L’exemple de la COP 21 est symptomatique. Nous nous moquons des traités. Nous sommes très doués pour les faire, mais jamais pour les mettre en œuvre ». Alors, comment éviter l’inévitable ? « Je ne crois pas beaucoup aux initiatives individuelles. Les « survivalistes égoïstes », qui pensent que tout ira mieux s’ils se mettent au vélo et entretiennent leur potager sont dans le déni, tranche l’anthropologue. La solution ne pourra être que collective et économique. Il faudrait investir massivement et mettre tout le monde au travail au service d’un objectif mondial ».
Finance: un système au bout du rouleau
Notre système financier est incapable de gérer cette crise. Et pire, il l’aggrave. « Notre modèle économique est tel, que nous sommes obligés de faire de la croissance. Sauf que cette croissance ne tient absolument pas compte de ce que l’on appelle externalités négatives, comme par exemple la pollution ou la crise environnementale. Par-dessus le marché, nous tenons à notre État-providence, mais nous l’avons fait reposer uniquement sur cette même croissance ». Pour l’auteur, seule la décroissance permettrait donc d’éviter le cataclysme environnemental.
Pour Paul Jorion, notre système s’est enfermé dans une vision court-termiste où l’économie s’est faite phagocyter par la spéculation et la recherche sans bornes de profits. « Une finance bien gérée, c’est le système sanguin de l’économie, c’est vital. Une seule de toutes les fonctions de la finance est véritablement létale, c’est la spéculation. Or le pêché originel est d’avoir fait entrer la spéculation dans l’économie en 1885. Pour filer la métaphore, la spéculation est une ponction sanguine. Fatalement, si vous ponctionnez trop, vous risquez de faire face à quelques problèmes ».
« Nous avons déjà eu plus qu’un avertissement en 2008 mais nous n’en tenons absolument pas compte. Le système financier actuel espère seulement revenir à une situation identique à celle d’avant 2008, ce qui est totalement absurde ». Et l’absurdité, Paul Jorion la pointe du doigt à travers ce chiffre qu’il aime répéter: « en 2012, les 1% les plus riches des États-Unis ont pris 120% des richesses ». Autrement dit, non contents de rafler la totalité de la mise, les plus gourmands tapent désormais dans la caisse de l’année suivante. Là encore, difficile d’envisager qu’un tel système puisse être pérenne.
Paradoxalement, le chercheur indique que « l’écoute la plus attentive de propos comme les miens est chez ces mêmes 1% ». Citant l’engagement de Bill Gates ou Warren Buffet, Paul Jorion estime « qu’il est indispensable que ces plus riches, ces décideurs, soient impliqués dans ce changement ».
Par ailleurs, l’ouvrage évoque longuement la robotisation de la société et son impact social, notamment sur le travail. « Si plus personne ne travaille, alors la richesse reviendra aux prêteurs et aux dirigeants, estime Paul Jorion. Or la robotisation doit profiter à tout le monde, d’où l’idée de Taxe Sismondi, que j’avais déjà évoqué auparavant. Il s’agit de taxer les entreprises de façon que tout individu remplacé par un robot reçoive à vie une rente perçue sur la richesse créée par ce robot ».
http://www.huffingtonpost.fr/pierre-belmont/nous-avons-lance-le-processus-de-deuil-de-notre-propre-espece_b_9603856.html
Article paru dans la Lettre Médecine du Sens n° 112
Tags : paul, jorion, dernier, plusieurs, decouvre
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