• Le désastre de l'école numérique (Ph. BIHOUIX, K. MAUVILLY )

                                                                  2016   230 p.    17 €
     
        Alors que les cadres de la Silicon Valley inscrivent leurs enfants dans des écoles sans écrans (la véritable fracture numérique qui vient c'est celle de l'exposition plus intense des couches populaires), cet essai lance l'alerte à propos des dangers d'une politique orchestrée par les sociétés d'informatique et le gouvernement. Une tablette par enfant, c'est le pillage de ressources rares et la mise en décharge sauvage, à l'autre bout de la planète, de déchets dangereux et polluants.
       L'école numérique, c'est la mise en contact hasardeuse de nos enfants avec des substances et des ondes électromagnétiques dangereuses. C'est l'aggravation du déficit commercial de la France et de l'Europe. C'est la mainmise des multinationales de l'internet et de l'informatique sur nos enfants.
       C'est, par fascination d'une nouveauté qui serait toujours meilleure, la confiscation de la notion d'innovation pédagogique par le numérique.
       C'est, en gestation, la destruction complète de l'école républicaine et de la relation entre enseignants et élèves, avec le développement des cours massifs en ligne qui se feront par l'intermédiaire d'écrans. Ce sont, à terme, les fondements même de la société, des conditions du vivre-ensemble, qui sont remis en question.
     
        Philippe Bihouix, 43 ans. Ingénieur centralien, il a travaillé, en France et à l'international, dans différents secteurs industriels comme ingénieur-conseil, chef de projet ou à des postes de direction. Il est l'auteur de
      -L'Age des low tech, vers une civilisation techniquement soutenable (Seuil, "Anthropocène", 2014 ; Prix de la Fondation d'Ecologie Politique 2014).
      Il a deux enfants.

       Karine Mauvilly, 37 ans. Diplômée de Sciences-po Paris, d'une maîtrise en droit privé et du CAPES d'histoire-géographie, elle est enseignante au collège public, d'où elle observe la mutation numérique en cours. Engagée dans la vie associative, tournée vers les modes de vie alternatifs, elle vit sans téléphone portable depuis quatre ans. Elle a trois enfants.   

    Favorable à l'enseignement au numérique, pas par le numérique!

     http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/outils-numeriques-colonisent-ecole-lancent-debat (Créé: 29.09.2016,)

    Un chercheur français craint un «désastre» du numérique. Il ferait perdre le goût de l’effort et menacerait le métier de maître

    Ingénieur et essayiste français, Philippe Bihouix a travaillé dans divers secteurs industriels. Il vient de publier avec une enseignante, Karine Mauvilly, l’essai «Le Désastre de l’école numérique». Il est favorable à l’enseignement au numérique mais pas par le numérique.

    En parlant de «désastre», vous peignez le diable sur la muraille…

    Je veux alerter sur la numérisation généralisée de l’école et ouvrir un débat qui n’a pas eu lieu. Sous prétexte de modernité, on numérise à grande échelle, on impose des outils comme les tablettes, avant de réfléchir à quoi ils pourraient servir. En ajoutant du temps devant les écrans et en légitimant leur utilisation, l’école numérique engendre des risques psychosociaux (comme l’addiction) et des effets négatifs sur le développement cognitif.

    Le numérique n’ouvre-t-il pas des perspectives d’optimisation de l’enseignement et de l’apprentissage?

    C’est un miroir aux alouettes! Ce n’est pas le numérique qui permet de mieux apprendre, c’est la pédagogique active, le fait que l’élève produise du contenu. On peut faire cela sans le numérique! Je ne suis pas contre l’utilisation ponctuelle de ressources numériques – une visite virtuelle de la pyramide de Gizeh est sans doute plus intéressante que de simples photos. Mais à doses homéopathiques et à partir d’un certain âge seulement, pour raisons sanitaires. Et on peut faire de la pédagogie différenciée sans le numérique, grâce à du personnel en plus! Il faut juste choisir entre plus de machines et plus d’humains…

    La technologie permettrait une pédagogie plus ludique. Plutôt positif, non?

    La dimension du jeu est importante, surtout chez les petits. Mais une pédagogie peut être ludique sans le numérique. Sous prétexte du manque de motivation des élèves, il faudrait tout rendre ludique, adapter les exercices. On perd la dimension de l’effort. Or, si tout est toujours divertissant, prémâché, quelle sorte de citoyens formons-nous? Le monde n’est pas tout rose. Face à un enseignement ennuyeux ou difficile, l’élève peut développer son sens critique, apprendre la patience, trouver du plaisir dans la réussite.

    Le numérique est omniprésent et le sera encore demain. L’élève ne doit-il pas apprendre à l’utiliser pour son futur métier?

    Il ne faut pas confondre éduquer au numérique et par le numérique. Le numérique doit être une matière parmi d’autres. Quant aux métiers de demain, quels seront-ils? La seule manière d’armer l’élève est de bétonner les fondamentaux, de lui apprendre d’où il vient. Non pas de lui enseigner à coder dès le primaire…

    Pour vous, l’école numérique est le signe d’un échec des réformes scolaires. Pourquoi?

    Le numérique est un cache-misère. On soutient qu’il va répondre à l’ensemble des problèmes de l’école, remotiver les décrocheurs, aider à focaliser l’attention alors que la crise de la concentration est en partie créée par la multiplicité des écrans en dehors de l’école… et on en rajoute encore? Le numérique a une capacité de sidération, ça ne signifie pas qu’il favorise l’apprentissage. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) indique d’ailleurs qu’il n’y a pas de corrélation entre le niveau de numérisation des écoles et les résultats des élèves. Il existe d’autres innovations, non numériques, à explorer, des pédagogies Montessori et Freinet, au mélange de plusieurs classes d’âges.

    Vous vous inquiétez de l’avenir des enseignants…

    Ces outils viennent perturber la relation enseignant-enseigné. Les maîtres ne sont plus les dépositaires du savoir, ils deviennent de simples accompagnateurs. A moyen-long terme, on parle déjà d’une évolution vers un «mode mixte», avec une partie des cours en «présentiel» (des vrais profs en classes) et le reste en «e-learning», en virtuel. On mettra les élèves seuls devant leurs ordinateurs et des logiciels «intelligents». Et on pourra couper dans les effectifs…

    Vous voulez quelle école, tableau noir et cours frontal?

    Non. Je veux une école où on découple la notion d’innovation et de numérique, où la ressource illimitée est le maître et non un logiciel, où on redonne de la place au travail manuel, où on reconnecte l’élève avec le milieu naturel.


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