• Le "toujours moins cher": à quel prix? (Vincent Le Coqq... )

    Le "toujours moins cher": à quel prix? (Vincent Le Coqq... )

    2013    232 p.   14,50 €

      Grande distribution, élus, État, Justice : une entente cordiale...

    La France a adopté en 1973 l'appareil législatif encadrant l'ouverture des grandes surfaces commerciales, le plus restrictif d Europe : la loi Royer. Le pays détient aujourd'hui le record européen de mètres carrés de grandes surfaces par habitant. Comment expliquer ce paradoxe ?

    En contrepartie du financement de la vie politique en général mais également de l'enrichissement personnel de certains décideurs en particulier, ces derniers n'ont pas hésité, avec l'appui de l'appareil d'État, à brader la France à la grande distribution. Les fortunes industrielles ou bancaires qui dominèrent la hiérarchie patrimoniale de notre pays jusqu'aux années 1970 ont aujourd'hui cédé la place à celles des distributeurs.

    Les villes ont été vidées de leurs aménités avec la disparition des petits commerces, les paysages périurbains saccagés, la désindustrialisation de la France accélérée, l'environnement détruit et la santé des Français désormais mise en péril.

    Il est plus qu'urgent de prendre conscience que seule la volonté en action des consommateurs est susceptible de stopper, peut-être de renverser ce processus déjà bien engagé de destruction de la France.

     Après avoir exercé la profession d'avocat pendant dix ans, Vincent Le Coq enseigne depuis 2000 le droit à l'Université Toulouse II Le Mirail.

      Anne-Sophie Poiroux exerce la profession d'avocate à Gap.

    Extrait        Chapitre I  

    La défense des commerçants et l'aménagement de l'espace

    La loi Royer s'assignait deux objectifs éminents avec la défense du petit commerce et l'aménagement harmonieux de l'espace. Il tombe sous le sens que le dispositif mis en place par la loi manque depuis son entrée en vigueur avec une belle constance chacun de ses deux buts.

    La défense alléguée des petits commerces

    En avril 1969, Gérard Nicoud, à la tête d'une violente manifestation d'artisans et de petits commerçants a été arrêté et incarcéré. À sa libération en septembre 1972, il déclare à ses partisans : «Mobilisation générale, maintenant c'est la guerre !»

    Antérieurement au développement de la grande distribution, le modèle économique assurant au petit commerçant sa retraite était assez rustique, mais efficace. Le commerçant retiré percevait une retraite très faible et complétait celle-ci par le capital tiré de la vente de son fonds de commerce. Dès la fin des années soixante, ce modèle n'a plus fonctionné en raison de la perte de valeur des fonds de commerce causée par l'apparition de la grande distribution. «La fermeture des commerces fut ressentie de façon dramatique. La libération des loyers commerciaux, l'effondrement de la valeur des fonds de commerce, l'élévation des cotisations d'assurance vieillesse due au déséquilibre démographique du régime ont conjugué leurs effets pour que la mutation de la profession se transforme en problème social aigu».

    Le gouvernement de Pierre Messmer devait prendre la mesure du danger et répondre à cette effervescence par la loi Royer visant dans un même temps à apaiser le mécontentement des petits commerçants, et à moderniser l'appareil commercial dont était dotée la France. La loi omettait toutefois de préciser que la modernisation de l'appareil commercial était subordonnée à la disparition des petits commerçants.

    Alors que la vie politique française est extrêmement clivée, cette loi est votée par l'Assemblée nationale à une écrasante majorité qui s'explique par cette règle d'airain qui veut que «dès que l'on rationne, le marché noir s'impose et règne».

    Il faut citer ici le mot prononcé devant une commission du Sénat des États-Unis par un représentant de l'Association nationale des pharmaciens : «Quand on dit à un homme ayant une capacité d'investissement de 3 000 dollars qu'il doit entrer en concurrence avec un autre homme dont cette même capacité est de 3 millions de dollars, on lui demande de réaliser l'impossible. La compétition sans règle (...) n'est rien d'autre qu'une mauvaise plaisanterie».

    C'est en effet une nouvelle interrogation qui devrait demeurer sans réponse. Plutôt que de prétendre protéger en l'état le commerce traditionnel, n'eût-il pas été préférable de la part des pouvoirs publics «de l'aider à se moderniser par des mesures positives dans les domaines du crédit, de la formation et des incitations aux groupements d'achats» ? Prétendre muséifier le petit commerce au coeur d'une société en mutation rapide emportait inévitablement à plus ou moins brève échéance sa disparition. (...) 
     

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