• Leila Janah, pionnière de l’impact sourcing

       Rédactrice:   Sarah Tadlaoui   08/10/2015

       http://www.youphil.com/fr/article/08063-leila-janah-pionniere-impact-sourcing-samasource-micro-work?

      Crédit photo: Silicon Prairie News/Flickr.

      Pour sortir des milliers de personnes de la pauvreté, l'entrepreneuse Leila Janah, fondatrice de Samasource, a misé sur le "micro travail". Entretien.

      Leila Janah a 33 ans et en 2008, cette ancienne étudiante d’Harvard a fondé une entreprise sociale qui a créé plus de 6000 emplois, notamment au Kenya, en Inde, au Pakistan et en Haïti. Son modèle: miser sur le "micro-travail" pour offrir aux personnes à la base de la pyramide (BoP) un emploi, en fournissant des services numériques à de grandes entreprises comme Google et Microsoft. Créée en 2008, Samasource, dont "sama" signifie "égal" en sanscrit, veut changer le monde par le micro-travail.

    Youphil.com: Comment avez-vous eu l’idée de créer Samasource?

       Leila Janah: Tout a commencé au Ghana lorsque j’avais 17 ans, alors que je travaillais comme professeure d’anglais auprès d’étudiants aveugles. Beaucoup d’entre eux connaissaient les noms de sénateurs américains, adoraient la poésie et la littérature mais n’avaient aucune opportunité en matière d’emploi. Au Kenya, 90% des moins de 30 ans parlent et écrivent l’anglais. J’ai alors compris que le talent était partout mais pas les opportunités.

       Plus tard, en tant que consultante sous-traitante (en anglais, outsourcing industry), j’ai rencontré un jeune homme, vivant dans un bidonville, qui passait des heures dans les transports pour rejoindre un "call center" de Bombay. J’ai alors compris que créer des emplois dignes était fondamental pour réduire la pauvreté. Plusieurs années après, cette idée a donné naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui l’impact sourcing, la création d’emplois où l’on confie aux populations vivant dans des régions marginalisées des tâches simples à effectuer sur Internet. Samasource a été un pionnier dans ce secteur et la première organisation à en faire en Afrique. Nous avons pour l’heure employé plus de 6000 personnes dans le monde, et nos projets ont permis de sortir 25.000 personnes de la pauvreté, notamment au Kenya, en Inde, au Pakistan et en Haïti.

    Pourquoi avoir choisi ce business model?

       C’est un modèle très direct. Nous négocions des contrats avec de grandes entreprises de la Silicon Valley comme Google, LinkedIn, eBay et Microsoft et nous divisons le travail en petites tâches appelées "micro-travail" (en anglais, microwork). Nous formons des personnes défavorisées pour effectuer ce travail et créons des centres informatiques dans des régions marginalisées, comme dans le camp de réfugiés de Dadaab à la frontière du Kenya et de la Somalie, ou près du fameux bidonville de Mathare, à Nairobi. Grâce à notre plateforme en ligne, les travailleurs peuvent exécuter des tâches simples et en rendre compte directement. Il peut s’agir d’ajouter une légende à des photos, rédiger une description ou une évaluation de produit. Ce genre de travail peut être appliqué à n’importe quel projet impliquant une grande quantité de données. En réalité, l’aspect le plus complexe de la technologie que nous avons développé concerne le suivi des employés, notamment à travers des systèmes d’enquête.

      L’impact sourcing est souvent comparé au crowdfunding, mais il s’agit en réalité d’un nouveau type d’outsourcing qui vise un impact social en investissant dans la formation et la création d’emplois pour les plus démunis. Il dispose d’un grand potentiel car il est lié à un secteur, le numérique, qui pèse plus de 100 milliards de dollars. En 2014, la fondation Rockefeller a décidé d’investir 80 millions de dollars dans le travail en ligne en Afrique à travers le programme "Digital Jobs Africa". Nous sommes les premiers à avoir bénéficié de leurs subventions dans ce domaine. C’est donc une vraie confirmation de la légitimité de notre business model.

    Quelles sont les perspectives d’évolution de vos employés?

       La plupart de nos employés continuent dans le secteur formel. Ils deviennent assistants administratifs dans de grandes entreprises, progressent dans le call center ou gravissent les échelons de la sous-traitance. Beaucoup d’entre eux développent leur carrière dans les services en ligne, trouvent du travail en indépendants sur des plateformes comme oDesk ou eLance, pour faire de la rédaction de contenu web, par exemple. Cette expérience est intéressante car la formation que nous proposons ne s’arrête pas à la réalisation du projet informatique en soi. Elle permet aux employés d’apprendre à utiliser Internet pour effectuer des recherches ou écrire de manière professionnelle.

    Quels sont vos projets?

       Nous avons créé SamaSchool, un programme de formation en ligne pour les jeunes Américains défavorisés qui leur permet aussi de gagner des revenus supplémentaires. Par exemple, nous aidons un artisan à développer son marketing et à commercialiser ses produits sur une plateforme en ligne. Notre plus grande réussite dans la région de San Francisco est d’avoir formé des étudiants défavorisés pour réaliser des petits boulots sur la plateforme TaskRabbit.

       Nous avons aussi lancé Samahope, la première plateforme de crowdfunding permettant de financer des interventions médicales urgentes dans les pays en développement. Enfin, nous sommes en train de travailler sur un projet d’impact sourcing dans le secteur de l’esthétique. Nous cherchons à nous positionner sur le créneau du luxe, afin de redistribuer les marges très élevées qui sont normalement affectées aux départements de marketing de groupes comme LVMH.

    Cet article a initialement été publié en septembre 2014 dans la Lettre professionnelle "Tendances de l'innovation sociétale". 

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