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« Les Imposteurs de l’économie » (Laurent MAUDUIT)
2012 320 p. 21,50 €
Une enquête dans la droite ligne du best-seller Les Intellectuels faussaires. Dans la tourmente de la crise économique grave qui secoue la planète, les économistes exercent un formidable magistère. Journaux, télévisions, gouvernements : oracles respectés d'un univers au bord du chaos, tout le monde les consulte. Pour comprendre les causes de la catastrophe. Pour trouver des remèdes. En France, ils sont ainsi une petite vingtaine à disposer d'un quasi monopole d'expression dans le débat public. Et à la veille de l'élection présidentielle de 2012, gauche et droite se les disputent pour donner du crédit à leurs projets. Mais qui a eu l'idée d'expertiser... ces experts ? Car en vérité, le petit microcosme des économistes français, s'il recèle de grands talents, souvent modestes et peu connus du grand public, comprend aussi des charlatans ou des imposteurs. C'est ce qu'établit ce livre, qui recense les invraisemblables bourdes commises par quelques uns de ces économistes de renom. Et aussi les formidables conflits d'intérêt dont certains d'entre eux se rendent coupables et qui jettent la suspicion sur l'honnêteté ou l'indépendance de leurs diagnostics et recommandations. Ils prétendent détenir les clefs d'une science qui explique la misère du monde. Mais ce qu'ils ne disent pas, c'est que trop souvent, ils en vivent, de ce système qui est devenu fou. Et ils en vivent même très bien. C'est aussi l'objet de cette enquête : lever le voile sur le petit business, pas toujours glorieux, des grands économistes.
Laurent Mauduit est journaliste. Après avoir été chef du service économique de Libération, il a rejoint Le Monde comme responsable de la politique économique et sociale française puis directeur adjoint de la rédaction. Il a quitté le quotidien pour fonder Médiapart avec Edwy Plenel.Les petits business des économistes médiatiques dévoilés dans un livre
Laurent Mauduit montre au fil de son livre comment le monde de la finance « a réussi son OPA sur celui des économistes », tissant de nombreux liens avec ces derniers, et minant, selon lui, leur indépendance. L’auteur y voit une des raisons de la permanence de la pensée libérale et un accroc à la démocratie.
Un riche bestiaire des « imposteurs »
Mauduit (avec qui j’ai travaillé à Libération dans les années 90) n’accuse pas seulement ces experts de s’être trompés dans l’analyse de la récente crise : il leur reproche de participer, à leur façon, à une version hard du « capitalisme de connivence » (qu’il appelle « capitalisme poutinien ») : un système corrompu par les passe-droits, des privilèges et des conflits d’intérêts.
Publié chez l’éditeur Jean-Claude Gawsewitch, son livre se présente donc comme une partie de chamboule-tout : chacun en prend pour son grade. Dans le bestiaire des « imposteurs », on trouve :
- l’expert, ou présenté comme tel, omniprésent sur les télévisions, qui dirige une société de Bourse pourtant sanctionnée à plusieurs reprises par l’Autorité des marchés financiers (AMF) (Marc Fiorentino, qui dirige Euroland Finance) ;
- l’universitaire-businessman : membre du conseil scientifique de l’AMF, il est aussi membre du conseil de Vivéris Management, société d’investissement épinglée par la même Autorité... Il est administrateur de la Caisse des dépôts, du Crédit municipal de Paris, et président du conseil d’administration d’une banque d’affaires tunisienne, IM Bank... (Olivier Pastré) ;
- l’économiste qui collectionne les jetons de présence dans les conseils d’administration ou de surveillance : Pages jaunes, EDF énergies nouvelles, Steria, etc. En 2010, il a touché, selon le calcul de Mauduit, 110 000 euros de jetons de présence, soit deux fois le salaire d’un prof en fin de carrière... (Elie Cohen) ;
- l’économiste d’influence, touche-à-tout, conseillant indifféremment la droite et la gauche, pilier de la compagnie financière Edmond de Rothschild, participant à de très nombreux conseils dans la banque et l’assurance (Jean-Hervé Lorenzi) ;
- le normalien brillant, essayiste à succès, pilier de l’école d’économie de Paris, qui, selon Mauduit, toucherait une rémunération située entre 1 et 2 millions d’euros par an pour ses conseils à la banque Lazard, notamment sur le traitement de la dette publique grecque (Daniel Cohen). Ce dernier dément la fourchette dans Le Nouvel Observateur : « Concernant mes rémunérations vous êtes dans un gros rapport de un à dix avec la réalité » ;
- l’économiste ancré à gauche, que Mauduit vénérait jadis, et qui a fini par conseiller le ministre Eric Besson et même le « Centre Barilla [les spaghettis, oui] pour la nourriture et l’alimentation » (Jean-Paul Fitoussi).
« Attaques personnelles », « inexactitudes »...
Bien d’autres sont passés au crible, avec deux mentions spéciales pour Alain Minc et Jacques Attali. La plupart de ces économistes se retrouvent dans les même clubs, notamment le Cercle des économistes dont les rencontres sont sponsorisées par de grands groupes. « Peut-on sereinement analyser les folies du monde quand on en est au pire un des agents, au mieux l’un de ses pions ? » s’interroge l’auteur du livre.
Plusieurs des économistes ainsi brocardés répondent à Laurent Mauduit dans Le Nouvel Observateur, non sans virulence : « attaques personnelles », « inexactitudes », « pseudo-révélations », « amalgames haineux », « agressivité », « fiction »...
Tous jurent ne jamais mélanger leurs différentes casquettes. Certains affirment qu’ils ont besoin de rester en contact avec l’économie réelle, ce qui les incite à accepter de telles activités privées. Mais personne, parmi eux, ne peut nier que Laurent Mauduit soulève une vraie question : celle qui touche aux règles déontologiques des économistes et à leur indépendance.
Signaler les activités à plus de 5 000 euros
Il ne suffit pourtant pas de se doter de « chartes ». Par exemple, l’Ecole d’économie de Toulouse s’est dotée d’un « statement on scientific integrity » qui oblige tous ses professeurs à rendre publiques, sur leur blog, les activités rémunérées dépassant 5 000 euros.
L’université n’est pourtant pas un modèle de vertu pour Laurent Mauduit : comme dans le cas de Dauphine, sa recherche effreinée de fonds privés l’a conduite à une privatisation de facto qui ne favorise pas, selon lui, l’indépendance de ses chercheurs...
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