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Les mains propres (Corinne LEPAGE )
2015 192 p. 12 €
Corinne Lepage a toujours refusé de choisir : pour elle, action citoyenne et engagement politique ne font qu'un. Tour à tour adjointe au maire de Cabourg, avocate engagée dans le procès de l'Erika, ministre du gouvernement Juppé, députée européenne, elle a vécu le monde politique de l'intérieur et en dévoile la face obscure : enrichissement personnel d'élus, évasion fiscale de ministres en vue, connivences politico-médiatiques.
Forte de ses années d'expérience et d'une foi inébranlable en l'avenir, Corinne Lepage appelle à la mise en place du référendum d'initiative populaire, d'un droit de pétition auprès du Parlement et d'une chambre représentant la société civile dotée de réels pouvoirs. Sa voix est reconnaissable entre mille parce qu'elle est libre, limpide et sans concession. Nécessaire.
La France a besoin d'une opération mains propres
Corinne LepageAvocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement
Publication Mis à jour: 01/09/2014 11h12 CESTLa France, dont la réputation des petits arrangements entre amis sur le plan politique, du copinage, des décisions politiciennes en contradiction flagrante avec le droit, n'est plus à faire, est-elle en train de changer?
Nos concitoyens ne supportent plus, et à juste titre, le hors droit(s) dans lequel la classe politique s'est enfermée, l'affaire Bygmalion n'étant que la quintessence d'un système dans lequel la partitocratie s'est installée pour mieux utiliser les fonds publics à l'abri des regards et assurer à ce petit monde une impunité qui permet tous les excès.
Or, l'affaire Cahuzac d'abord, puis les affaires multiples qui ont fleuri autour de Nicolas Sarkozy et de ses amis, l'affaire Bygmalion dans ses multiples facettes, sans parler des affaires anecdotiques de sous déclaration des patrimoines par les ministres, d'utilisation abusive de logements sociaux et autres anomalies, démontrent que les règles de droit commencent péniblement à s'imposer au personnel politique.
Il était plus que temps dans un pays où les affaires de corruption, de trafic d'influence, de dépenses somptuaires et d'utilisation abusive des fonds publics sont ravageuses sur le plan électoral. L'abstention et le vote lepéniste comme celui du Front de gauche (même si ces deux votes ne sont pas comparables) traduisent pour partie le dégoût que tout ceci inspire à des concitoyens confrontés au chômage, à l'absence de perspectives et au sentiment de déclin que traduit le recul de la France dans le classement des pays de l'OCDE pour le niveau de vie (18e). Seul le droit, c'est-à-dire la justice, peut faire la lumière sur les faits, donner une incrimination pénale à ces faits s'il y a lieu et sanctionner pénalement les responsables. Ce que l'on peut souhaiter est le fait que la justice passe, le plus rapidement possible, et qu'une fois pour toutes, toutes les écuries d'Augias soient nettoyées. En effet, les Français ne reprendront confiance dans leur système démocratique et dans ceux qui en sont issus, que lorsque la transparence sera assurée pour l'avenir et les responsabilités sanctionnées pour le passé.
Mais pour qu'il en soit ainsi, encore faut-il que la justice puisse s'intéresser, sans exclusive, à toutes les infractions potentielles. L'opération mains propres dont la France a impérativement besoin passe par un certain nombre de réformes juridiques dont il n'est de loin pas certain que le parlement accepte d'en voter les termes. En effet, si la création de la Haute Autorité de la transparence est incontestablement une "révolution", qui va progressivement porter ses fruits puisque des associations de luttes contre la corruption peuvent la saisir, si elles sont habilitées, ce qui est le cas par exemple de Transparency International France, il faut aller beaucoup plus loin en donnant en particulier à la commission nationale des comptes de campagne et de financement des partis des pouvoirs d'investigation et de sanction qu'elle n'a pas et un accès aux comptes des partis en temps réel.
L'usage de tout fond public par des élus doit être rendu public, qu'il s'agisse d'avantages en nature ou de moyens financiers. C'est aussi le financement des campagnes, leur plafonnement, le financement des partis politiques, l'interdiction des micro partis bénéficiant d'aide de l'Etat (via les déductions fiscales) qu'il faut revoir. Mais, quoi qu'il en soit, une véritable révolution est en marche qui va enfin soumettre les élus de la République au droit commun. "La révolution est comme une bicyclette: quand elle n'avance pas elle tombe" disait che Guevara. Et plus la révolution sera rapide, moins elle sera violente pour la société et plus ses effets seront salutaires.
Mais la révolution par le droit ne s'arrête pas là. En effet, sur les grands sujets de société, le droit précède ou prend position par rapport au politique. Ainsi, en l'espace d'une semaine, le juge a pris position sur des sujets extrêmement délicats. Le conseil d'État puis la Cour Européenne des Droits de l'Homme se sont prononcés ou sont saisis dans le cas de l'affaire Lambert sur la question de la fin de vie et du droit ou non d'un individu et ou de sa famille de disposer du droit de mourir. La Cour Européenne des Droits de l'Homme s'est prononcée sur la question du droit à l'identité d'enfants nés à l'étranger par GPA, contraignant ainsi le pouvoir politique à prendre position dans un domaine dans lequel la société française est extrêmement divisée. Mais il ne s'agit pas de l'obligation - et heureusement - pour la France de reconnaître la GPA, il s'agit de l'obligation d'offrir à un individu le droit minimal qui est le sien, celui de disposer d'une identité.
Enfin, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a validé la loi sur la Burka même si c'est du bout des lèvres permettant ainsi à la France d'appliquer comme elle l'entend les principes de la laïcité, même si cela est sous couvert du vivre ensemble et de la défense de l'ordre public. Ainsi, le droit conventionnel, comme du reste le droit communautaire, s'imposent dans notre société encadrant le pouvoir politique, ce qui constitue incontestablement une garantie pour les citoyens et une limitation pour le politique contraint de respecter les grands principes ou les règles auxquelles il a souscrit.
Progressivement, l'État de droit devient une réalité concrète et sort du domaine de la fiction dans laquelle nos "grands stratèges" ont cru pouvoir le cantonner. Les grands principes applicables, nous les devons soit à la Constitution, soit à la Charte Européenne des Droits de l'Homme, soit aux traités européens... qui sont autant de parades à une mauvaise gestion. Chaque politique doit s'y soumettre et tous ceux qui plaident contre ces grands principes ou veulent passer au-delà doivent expliquer quelle forme de dictature ils veulent mettre en place.
http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/et-si-le-droit-sauvait-la-politique_
Tags : droit, politique, france, affaire, europeens
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