• Loan Originations and Defaults in the Mortgage Crisis. The Role of the Middle Class,(Manuel Adelino, Antoinette Schoar et Felipe Severino

      NBER Working Paper n° 20848, janvier 2015, 5 $.

    La crise financière démarrée aux Etats-Unis en 2007 a rapidement été qualifiée de "crise des subprime". Parce qu'elle serait le fruit d'un dérapage des crédits "sous le prime", c'est-à-dire en dessous du score de crédit minimum, tel qu'on le calcule aux Etats-Unis, qui permet de penser que vous serez à même de rembourser votre emprunt sans problème. Une crise de pauvres donc. Une étude précise, publiée en janvier dernier mais passée inaperçue, remet en cause ce diagnostic.

    Rétablir les faits

    Les régulateurs financiers américains considèrent que vous entrez dans la catégorie des emprunteurs subprime lorsque votre dossier de crédit affiche un score inférieur à 660. Au-delà et jusqu'à 720, vous êtes un emprunteur de classe moyenne ; au-dessus de 720, un emprunteur aisé. L'étude regarde donc de près qui a bénéficié du boom du crédit immobilier au début des années 2000 : les emprunts subprime représentaient 17 % du total en 2003 et… 18 % en 2006. Pas vraiment une explosion.

    Encore plus intéressant : les trois économistes qui ont réalisé ce travail ont étudié l'ensemble des prêts rencontrant un problème de remboursement dans les trois ans suivant l'octroi du crédit. En 2003, 71 % des problèmes se trouvaient chez les emprunteurs subprime, mais en 2006, leur part était tombée à 39 %. A l'inverse, la part des emprunteurs à score élevé rencontrant un problème de remboursement dans les trois ans, donc en plein éclatement de la bulle immobilière, passe de 9 % en 2003 à 23 % en 2006. Et chez les emprunteurs de score intermédiaire, la proportion passe de 20 % en 2003 à 38 % en 2006.

    Mais peut-être que le score de crédit n'est pas un bon reflet du niveau de revenus des gens ? Certains pauvres auraient-ils menti sur leur capacité financière pour obtenir des prêts plus importants ? Et la technique des scores de crédit n'est peut-être pas toujours fiable ? Qu'à cela ne tienne. Nos trois économistes ont rapproché les données de revenus issues des déclarations fiscales avec celles des prêts ayant rencontré des problèmes de remboursement. Le résultat est le même que le précédent : une montée de la part des défauts de paiement chez les classes moyennes et à revenus plus aisés.

    Quartiers moyens et riches

    Aucune surprise, concluent les auteurs. Lorsqu'on croise ces informations avec les codes postaux, on obtient la localisation précise des emprunteurs en délicatesse. Et on les trouve dans les quartiers moyens et riches, là où les prix ont le plus grimpé durant la bulle et se sont le plus effondrés après son éclatement. Les Américains pauvres n'ont pas fait croître leurs emprunts de façon disproportionnée par rapport à leurs revenus. Les plus aisés non plus, ils ont juste nourri et pâti de la bulle, mais sur la base d'un volume de crédits plus élevé. La crise immobilière américaine qui a fait trembler le système bancaire mondial était une crise des personnes à revenus confortables. Une crise des surprimes.

       Christian Chavagneux
    Alternatives Economiques n° 349 - septembre 2015


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