• Nourrir la planète

     

    Faudra-t-il cultiver en ville pour nourrir la planète ?

    Publié le 03-07-2012

     
    Urban Farm Unit
    Urban Farm Unit
    Damien Chivialle

    La perspective d'une planète sans pétrole, habitée par neuf milliards d'habitants en 2050 pose la question des solutions pour nourrir une population qui sera concentrée dans les villes. Urbanistes, architectes et designers rivalisent d'imagination pour concevoir les fermes urbaines de demain.

    Tout a commencé en 2005, lorsque le cabinet d’architectes SOA répond à un concours d’idée pour concevoir une tour écologique. Leur projet de « Tour Vivante » dont les trente étages enchevêtrent bureaux et production agricole sur plus de cent mètres de hauteur gagne le concours. Cette vision futuriste incarne une préoccupation contemporaine exacerbée par la perspective du réchauffement climatique : et si un jour la campagne ne suffisait pas ou était trop éloignée des centres urbains pour les approvisionner en nourriture ? L’agriculture en ville est petit à petit devenue un sujet attisant les esprits créatifs. « La Tour vivante était un projet « manifeste » (…) nous considérons que l’agriculture maraîchère en milieu urbain permettrait de résoudre un besoin social des habitants », résume Océane Ragoucy, architecte et animatrice du Laboratoire d’urbanisme agricole (LUA). La création du LUA en avril 2012 incarne la vitalité des réflexions. L’association regroupe des architectes, mais aussi des urbanistes, designers, économistes, agronomes et tente de capitaliser l’ensemble du travail réalisé autour de l’agriculture en ville.

    Tours nourricières

    Ces images de tours nourricières, attirent l’œil et soulèvent des questions : d’ici à 2050 les besoins alimentaires devraient augmenter de 70 % et la tendance à consommation locale se confronte à la densification des populations dans des aires urbaines qui ne cessent de s’étaler. « La question se justifie car la coupure actuelle entre ville et campagne est inédite dans l’histoire. Il n’y a pas si longtemps, le maraîchage et des bergeries étaient beaucoup plus intégrés à la ville que maintenant. Or la ville va devoir s’adapter à l’après pétrole », souligne Genevière Savigny, membre de la Confédération paysanne.

    Si aucune de ces tours n’a été conçue pour voir le jour, les toits des immeubles, au Québec ou au Japon, accueillent de plus en plus de jardins suspendus, parfois sous serre, qui fournissent une production vivrière aux habitants. A Romainville (Seine-Saint-Denis), la ville a missionné une équipe pluridisciplinaire autour du cabinet SOA pour élaborer un projet de ferme en maraîchage faisant vivre deux paysans sur les toits de la cité Cachin qui fait l’objet d’un plan de rénovation. Le projet n’en est qu’à sa phase préparatoire, mais le cas est très concret et c’est le plus avancé en France.

    Aussi extravagant que sérieux, le concept de ferme verticale pose autant de problèmes qu’il n’en résout : renouer avec l’agriculture par le développement d’une production hors-sol relève du paradoxe, sans parler du caractère énergétivore du fait de la faible exposition au soleil d’une production en étage. Par ailleurs, si ces fermes urbaines rapprochent géographiquement le citadin du légume, leur dimension laisse entrevoir un besoin d’investissement réservé à des acteurs financiers et industriels qui reproduirait le hiatus entre l’agro-industrie et le consommateur d’aujourd’hui. « Il faudrait une dimension collective dans la gestion économique pour répondre réellement à la préoccupation de sécurité alimentaire », estime Geneviève Savigny. « Il faut réfléchir à des solutions adaptées à chaque contexte », répond Océane Ragoucy, qui met en avant le concept de mini ferme développé au sein du LUA : des serres maraîchères verticales mais de taille réduite, conçues comme un élément d’animation des rues et exploitées par des paysans, dans une gestion partagée avec les habitants d’un quartier.

    Ferme container

    Dans un autre genre, la ferme container du designer Damien Chivialle joue sur le détournement d’usage d’un des objets les plus emblématiques de la circulation des marchandises et renouvelle par la même occasion le concept du jardin ouvrier. Le bloc de métal, plus connu pour s’empiler sur les docks, est coiffé d’une serre pour cultiver hors sol quelques légumes selon la technique de l’aquaponie. Le concept inspiré d’applications réelles dans les secteurs rizicoles, associe l’hydroponie (la culture hors-sol où les racines reposent dans une canalisation où circule une eau dotée de tous les nutriments nécessaires) à l’aquaculture. La canalisation est reliée à un bassin d’élevage de poissons bio, leurs déjections remplaçant les nutriments de la plante. Le designer ne mise pas sur une application commerciale de son concept, bien que trois fermes containers aient déjà été installées à Zurich, Berlin et Bruxelles. Mais il symbolise parfaitement cette nécessité de produire de l’alimentation selon des critères imposés par la ville, à commencer par la faible emprise au sol. Un container n’occupe pas plus de 15 m², soit à peine plus qu’une place de parking. « Dans la perspective de la fin du pétrole, le container pourrait devenir un objet statique. C’est pourquoi j’ai tenté de penser à d’autres usages, plutôt incongru, de l’objet », explique Damien Chivialle. L’avenir nous dira si ces concepts créatifs recouvraient une dimension prophétique.

    Philippe Chibani-Jacquot
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