• "Petits" candidats et "grands" journalistes

    F.-O.G et les «petits» candidats

    Vendredi 20 Avril 2012 à 12:00 | Lu 8789 fois
    Yves de Tallenay - Tribune (Marianne 2 )

    Si Pascale Clark a déjà eu sa dose de critiques quant à son traitement des «petits» candidats sur France Inter, elle n'est pas la seule à les bousculer plus que les «grands» : cette fois, c'est Franz-Olivier Giesbert qui en prend pour son grade. Il serait l'auteur d'une «faute déontologique [...] commise de manière éhontée sur une chaîne publique», selon Yves de Tallenay, dont nous publions la tribune.

     

    (Franz-Olivier Giesbert - BALTEL/SIPA)
    (Franz-Olivier Giesbert - BALTEL/SIPA)    
    L'histoire du «petit» candidat et du «grand» journaliste...

    Jeudi dernier, s'est produit sur les médias un épisode qui en dit long sur la façon étrange dont certains journalistes font désormais leur métier : avec une hargne débridée, Franz-Olivier Giesbert a littéralement «descendu» les petits candidats à la présidentielle après qu'ils se sont exprimés sur une chaîne publique.

    Or à part quelques protestations dès le lendemain mais à la marge (essentiellement sur Internet), rien n'a vraiment été dit de ce qui aurait dû l'être en de telles circonstances.

    Rappelons les faits : cette émission, « Des paroles et des actes », comme celle de la veille, devait permettre aux «petits candidats» de s'exprimer. En effet, ils avaient été exclus jusqu'alors du débat du premier tour faute d'avoir leurs signatures et donc d'être reconnus comme de «vrais» candidats. De leur côté, les plus «grands candidats» avaient eu la possibilité de s'exprimer largement ces derniers mois dans cette même émission avec cependant un temps de parole beaucoup plus long (2h20 pour chaque émission) et faisant place à un débat contradictoire.
    Début avril, les «petits candidats» à la présidentielle ayant obtenu leurs signatures, ont souhaité eux aussi «avoir» leur émission. Mais ils se sont immédiatement vu opposer un refus catégorique au prétexte que, compte tenu du nombre désormais important de candidats (dix), il était impossible d'envisager une égalité du temps de parole et surtout d'envisager quelque débat contradictoire que ce soit.

    Mais suite aux protestations légitimes de ces «petits candidats» (fermement contrées par un premier refus des deux candidats supposés présents au 2ème tour) et grâce au soutien de rares candidats plus grands ainsi qu’à celui de l'opinion crispée par une telle injustice criante, la chaîne publique finit par proposer une solution. Elle décide d’organiser une formule comparable à celle utilisée par les grands candidats mais en version resserrée avec deux émissions dans lesquelles les dix candidats (petits et grands) disposeront d'un temps de parole de 16 minutes seulement et seront face à trois journalistes. Portion congrue pour les «petits» et un espace de communication de plus pour les grands. Pas de débat contradictoire pour les «petits» mais une cerise sur le gâteau pour tous : comme dans l'émission des plus grands, une critique finale sera faite par deux journalistes «indépendants» à l'issue du passage des dix candidats (c'est-à-dire à la fin de la deuxième émission). Un seul point n'est pas précisé : la cerise sur le gâteau sera moulée dans le fiel du journaliste Franz-Olivier Giesbert !

    Bref pour clore une émission aux exigences si fortes d'égalité de traitement, de sérieux, de temps de paroles très stricts, vertu publique oblige, une fin d'émission unique en son genre est orchestrée : une critique à charge, moqueuse sans retenue, faite de qualificatifs d'un niveau toujours discutable, sans appel quel que soit le «petit candidat» et d'un mépris tel qu'on se disait en l'écoutant : quand on pense à tout le temps qu'il a eu pour préparer une intervention subtile durant l'émission (16 minutes X 10 candidats), ça ne lui a guère profité ! Quant aux «grands candidats», quelques critiques furent dites (il en faut bien) mais combien de vertus stratégiques prometteuses firent son admiration !

    Coup monté ? Franz-Olivier Giesbert en service commandé ? Une chose est sûre : ce soir-là, une faute déontologique a été commise de manière éhontée sur une chaîne publique, c’est-à-dire financée par les impôts de tous les français. Car il était du devoir de cette chaîne publique d'offrir à chacun des candidats un même traitement dans un même souci de neutralité. Or cela n'a pas été fait. Outre le modèle de l'émission a minima qui a été choisi pour ces «petits candidats», offrir ce temps de parole à Franz-Olivier Giesbert pour les dézinguer sans recours, est un acte répréhensible. Imaginez un seul instant, à l'issue du débat du second tour, la même prestation : les partisans autant que les opposants des deux côtés seraient consternés !

    Mais il y a pire : pendant la prestation de Franz-Olivier Giesbert, les journalistes ricanaient et en même temps juraient leurs grands Dieux qu’ils ne cautionnaient pas de tels commentaires. L’un d’eux a même ajouté à propos de cette prestation : ça fait partie du charme de l’émission ! La vérité est que ces journalistes-là ont prêté le flanc à une supercherie qui en dit long sur leur nouvelle façon d’opérer.

    D'abord parce que ces «petits candidats», si petits soient-ils, ont des choses à dire qu'il faut savoir entendre ! Sachons nous souvenir du « petit » candidat René Dumont, il y a presque quarante ans, et dont les thèmes inspirent aujourd’hui tous les candidats ! C'est le devoir du journaliste d'aider à la transmission claire et impartiale de ces réalités, dont le «petit candidat» est le représentant, l'ambassadeur ou le simple écho.

    Ensuite parce qu'il est évident qu'en arriver à un tel excès montre combien le premier devoir de neutralité a été oublié par ces journalistes sans foi ni loi. Il ne leur appartient pas de dire aux citoyens comment il faut voter. Si ces journalistes en sont vraiment arrivés à penser qu'il leur faut penser à la place des citoyens, il faut très vite les remettre dans le pli des devoirs de leur métier.

    Enfin parce qu'il est évident que se livrer à de telles pratiques est l'aveu d'une peur immense : pourquoi en effet déployer tant de hargne si ces candidats sont si «petits» qu’on ne puisse les craindre ? Cette peur n’est-elle pas la conséquence naturelle de ce trou béant qui sépare désormais l'élite dont ces journalistes-là font pleinement partie et les citoyens dont ils sont de plus en plus éloignés ?

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