• Réflexions de C. Roosevelt sur le crise

      Curtis Roosevelt : «l’égalité ce n’est pas que le 4 ou le 14 juillet !»

    Samedi 15 Septembre 2012
     

    Curtis Roosevelt, ex-diplomate retiré dans le sud de la France, est le petit-fils du président des Etats-Unis Franklin D. Roosevelt, initiateur de la politique du New Deal qui fit reculer la Grande Dépression des années 1930. Il publiera en France la traduction de son livre « Too Close to the Sun, Growing Up in the Shadow of my Grandparents Franklin and Eleanor », le 20 septembre. Il réagit à l’annonce de l’intention de Bernard Arnault de demander la nationalité belge (lire le dossier dans Marianne numéro 804, en vente le 15 septembre).   

    (Curtis Roosevelt, le 1er octobre 2005 - ERMINDO ARMINO/AP/SIPA)
    (Curtis Roosevelt, le 1er octobre 2005 - ERMINDO ARMINO/AP/SIPA)    
    Marianne : Avec son impôt à 75% sur les plus riches, François Hollande dit s’inspirer de l’action de Franklin D. Roosevelt, qui avait institué un impôt fortement progressif. Dans les années 30, votre grand-père s’est-il aussi heurté aux protestations des plus riches des Américains ?
     
    Curtis Roosevelt : Au début des années Trente, personne aux Etats-Unis ne payait beaucoup d'impôts. Néanmoins, lorsque Franklin Delano Roosevelt a augmenté considérablement le taux de la tranche la plus élevée du barème de l’impôt sur le revenu, certaines personnes riches et célèbres ont menacé de quitter le pays.

    La même chose s'est produite en Grande-Bretagne 
lors de l'accession au pouvoir du gouvernement travailliste en 1945. Voir
 de tels réactions en France aujourd'hui ne m’étonne donc pas. Je me
demande bien ce que les mêmes personnes diraient si le président François Hollande décidait d’augmenter leurs impôts trois fois de suite (De 25% le taux marginal est porté à 63% dès 1933, puis 79% en 1936 et 91% en 1941, NDLR), comme Franklin Roosevelt l’avait fait !
    Dans son premier mois à la présidence, «FDR» a sauvé les banques d’une panique généralisée des épargnants. Pourtant, un mois plus tard les banquiers s’organisaient déjà contre lui dans le but de mettre en échec ses projets de réformes. Ils l’ont accusé de «traire les riches», avec des augmentations d’impôt sur le revenu et les profits des entreprises. 


    Il s’était vengé en 1936 en déclarant : «Nous savons désormais qu'il est aussi dangereux d'être gouverné par l'argent organisé que par le crime organisé.» Pensez-vous que la taxation des hauts revenus soit encore un problème politique, comme dans les années 30 ?
    Aujourd'hui nous constatons à nouveau une inégalité criante parmi les Américains. Un patron peut gagner plus d'un million de dollars par an et payer moins d'impôts que sa secrétaire. La taxation est devenue un sujet poignant qui oppose «le 1%» les plus riches aux «99%», le reste de la population. Par ailleurs augmenter de manière importante les impôts payés par les très riches fournirait les moyens permettant de mettre en œuvre des mesures pour sortir de la récession actuelle. C’est aussi vrai pour la France.

    Peut-on faire appel au patriotisme en matière de fiscalité ?

    
Pendant la Grande Dépression tout le monde aux Etats Unis avaient une conscience très aiguë de la profondeur de la crise. Dès son entrée à la Maison Blanche Franklin Roosevelt était accueilli par un même cri venant des riches comme des pauvres : «Faites quelque chose». Cette peur diffuse, palpable, omniprésente a inspiré les fameuses paroles de Roosevelt aux Américains lors de son discours inaugural de mars 1933 : «La seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même…»
     
    Aujourd’hui les conséquences sociales de la crise ne sont pas aussi universellement partagées dans nos sociétés que lors de la Grande Dépression. Nous semblons moins concernés par le bien-être de nos concitoyens. Est-ce en raisons de notre niveau de vie, ou de notre addiction aux médias que nous ressentons moins d’empathie pour les autres ? Je ne sais. Mais ce manque de partage questionne les leaders comme Barack Obama ou François Hollande. Réveiller leurs peuples, les amener à mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir pour sortir du marasme est leur premier challenge. C’est le but que nous poursuivons dans le club «Roosevelt 2012» (Fondé par Michel Rocard, Pierre Larrouturou, Edgard Morin et Stéphane Hessel, NDLR).
     
    Il ne s’agit pas de ressusciter les programmes du New Deal passé, mais de créer des programmes pour le 21è siècle tout aussi radicaux que ceux mise en place par Roosevelt en son temps. Le véritable problème est le manque d'égalité – aussi bien aux Etats-Unis qu'en France. «L'égalité» ne devrait pas être un mot réservé juste pour le 4 juillet (fête nationale aux Etats-Unis, NDLR) ou le 14 juillet.

    De nos jours le patriotisme est vu de manières très différentes et certains le considèrent totalement sans intérêt. Peut-être le mot «identité» est plus parlant. Je ressens fortement mon identité américaine – j'étais élevé à une époque où être Américain voulait dire quelque chose, était porteur de valeurs et d'attitudes avec lesquelles je m'identifie encore. Le président Hollande devrait davantage rappeler aux
Français leurs racines et leur identité.

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