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Repenser l'économie,[François Geerolf et Gabriel Zucman (dir.)]
La Découverte, 2012, 198 p., 14 €
La crise financière a profondément remis en cause la science économique : personne ne se satisfait plus désormais de modèles mis en échec et les appels à refonder l'économie se multiplient. Peu de gens, cependant, savent que cette refondation a commencé. Qu'une nouvelle génération d'économistes reconnue internationalement travaille à renouveler les savoirs et les méthodes. Sereinement, mais radicalement.
La revue Regards croisés sur l'économie a demandé à ces jeunes économistes talentueux, couronnés par le prix Le Monde/Cercle des économistes, de partager leurs travaux et d'expliquer au plus grand nombre les implications concrètes qu'ont leurs recherches pour les politiques publiques. Comment faire reculer le chômage ? Faut-il réformer le système monétaire international ? Comment réduire le pouvoir de la finance ? Peut-on faire disparaître la pauvreté ? Loin de tous les stéréotypes, cet ouvrage exceptionnel montre la recherche en train de se faire, avec ses avancées et ses incertitudes, dans un langage accessible à tous.
"La revue Regards croisés sur l'économie se transforme pour l'occasion en un livre qui vise à présenter la façon dont la nouvelle génération des économistes français voit leur discipline. Saluons déjà la belle humilité introductive du livre, plutôt rare dans la profession : "Il est indéniable que la crise a mis au jour des errements. Que certains économistes ont eu tendance à prendre leurs modèles pour la réalité. Que l'idéologie se cache parfois derrière les constructions savantes. Que les outils mis en oeuvre peuvent simplifier à outrance la réalité du monde social."
Circonstances atténuantes
Mais les économistes ont deux circonstances atténuantes, nous disent les auteurs de l'introduction. D'un côté, l'économie est une science jeune, car elle n'a démarré qu'avec Keynes. Quand les mercantilistes argumentaient sur la politique fiscale, la politique industrielle et les modes d'insertion dans la mondialisation ne faisaient-ils pourtant pas déjà de l'économie ? De l'autre, le renouvellement des connaissances économiques a déjà commencé…, mais plus à la frontière de la discipline qu'à son coeur, sont obligés de reconnaître les auteurs.
Pluridirectionnelle
Surtout, si la science économique change, rien ne dit encore vers où elle va. Il suffit pour s'en convaincre de lire les contributions rassemblées dans l'ouvrage. Certains comme Yann Algan, Bruno Amable ou Pierre-Cyril Hautcoeur veulent une interaction avec les autres sciences sociales (psychologie, science politique, sociologie, histoire). D'autres, comme Xavier Gabaix ou Elyes Jouini, sont fascinés par les mathématiques ou la physique. Le premier rêve de beaux modèles et le second voudrait arriver à démontrer que les intervenants sur les marchés financiers sous-estiment les risques extrêmes. On se demande alors s'il ne s'agit pas de vérifier que ce que tout le monde peut observer en réalité depuis 2007 est possible en théorie…
Pour d'autres encore, comme Pierre Cahuc ou Philippe Martin, l'économiste est l'arbitre des politiques publiques ; il dit le vrai à partir de sa science objective. Pour David Thesmar, le salut passe par l'abandon des débats théoriques au profit des recherches empiriques : "il faut faire parler les données". Ce que voudrait faire aussi Thomas Philippon, tout en reconnaissant que les informations pertinentes ne sont pas toujours disponibles.
Tous les auteurs ont joué le jeu de fournir des contributions brèves, directes, franches et très lisibles. Cela donne un livre rythmé et passionnant sur les avenirs possibles d'une profession au coeur de nos débats démocratiques."
Alternatives Economiques
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