Qui dira que l'humanisme est mort, après l'avoir lu, se trompera. Car ce n'est pas parce que le droit fut souvent malmené, les droits de l'homme, vilipendés, par Marx, Péguy, Deleuze et bien d'autres, que la quête d'un droit commun de l'humanité s'est épuisée. Bien au contraire ! La mondialisation du droit, actuellement en cours, place l'humanité entière devant des problèmes et des solutions universels. Or c'est précisément à ces situations que se confronte Mireille Delmas-Marty.
Pédagogie de la complexité
Née à Paris en 1941, elle appartient à la tradition éclairée du protestantisme français. Celle qui fut, à la fin des années 80, présidente de la commission justice pénale et droits de l'homme, et conseilla de nombreuses organisations internationales, plaide aujourd'hui pour une «pédagogie de la complexité» et prétend «lutter contre la démagogie de la simplicité», dans un style toujours limpide. Son livre est le fruit de cette longue expérience. «Elle a le goût des réalités les plus lointaines et les moins explorées, dit d'elle Stefano Manacorda, professeur de droit à Naples. Elle est devenue une des voix les plus écoutées dans l'univers juridique chinois et a forgé des instruments d'avenir comme le procureur européen.» Mireille Delmas-Marty ne se borne pas à poser des diagnostics, elle propose des remèdes susceptibles de conjurer le chaos.
Que ce soit sur les droits sociaux, le droit des étrangers, le droit de l'environnement, la justice pénale, les risques biotechnologiques, la juriste lance des alertes, sans jamais se complaire dans la dénonciation. Dans son livre, les pages qu'elle consacre à la responsabilité sociale des entreprises et de l'Etat ne sont pas lettre morte. Elles indiquent le chemin de ce que pourrait être une responsabilité partagée, et le moyen d'éviter l'instrumentalisation du droit au profit du plus fort, celui des entreprises transnationales, notamment.
«Si Mireille Delmas-Marty était une devise, ce pourrait être : force, humanité, créativité», résume son collègue Laurent Neyret, professeur en droit privé. Il n'a pas tort. Son idée fixe n'est pas de savoir ce qu'est le droit, mais de savoir «ce qu'il peut». Et ce n'est pas pour rien que cette femme férue des tableaux de Van Rogger et de Klee s'efforce de résoudre les ambivalences du droit à tous les niveaux : du simple citoyen aux organisations internationales. Quand les droits de l'homme redeviennent un dogme, elle recompose le tableau de nos espérances. «Je cherche à rendre perceptibles et visibles les données juridiques», nous disait-elle récemment. Deux adjectifs qui s'appliquent à la peinture ! Ce n'est pas un hasard. Mireille Delmas-Marty nous aide à voir le droit tel un paysage en mouvement.