"Muhammad Yunus démontre avec la Grameen Bank que les pauvres sont finançables. Nous, nous pensons qu’ils sont autofinançables", lance avec fierté le fondateur des Bankomunales, le Vénézuélien Salmòn Raydan. Dans ces banques, ni banquier, ni client mais des socios, des associés. Ces derniers, regroupés en communautés, gèrent tous les mécanismes financiers. Ils prêtent l’argent, établissent le taux d’interêt, les échéances de remboursements...
Dans le quartier de Pedregal, à Caracas, Matilde Garcìa, 55 ans, a ainsi réalisé les travaux dont avait besoin sa maison. "Deux cents bolivars (NDLR: environ 36 euros) m’ont été prêtés. Je n’ai pas eu à faire la queue durant des heures à la banque, ni prendre de rendez-vous avec un banquier", raconte cette archiviste. "Le comité de crédit, des membres de la communauté, se réunissent. Ils vérifient si le demandeur du crédit rembourse dans les temps ou non, s’ il a des échéances en cours de paiement. Nous nous connaissons tous. Il est donc plus simple de discuter et parfois d’accepter un remboursement avec retard."
Dans 25% des cas, ces microcrédits sont utilisés pour des urgences médicales, d’autres fois pour aider au lancement d’une petite entreprise ou encore donner un coup de pouce financier pour les nombreux besoins de la vie quotidienne. C'est le cas dans la communauté de Matilde: "Dans notre groupe, la plupart des sommes prêtées sont utilisées pour payer des médicaments, des hospitalisations ou des frais de scolarité."
"Les plus démunis ont besoin de crédit rapidement. Ils ont souvent recours à des prêts dans les milieux informels, auprès de leurs parents, de leurs amis", commente Salmòn. "Il est faux de croire que les pauvres ne peuvent être aidés que par des fonds extérieurs. Ils possèdent les solutions à leurs problèmes." Au Venezuela, comme partout dans le monde, les crédits sont difficilement octroyés aux moins riches.
L’autogestion passe par la formation
La mission majeure de la Fondation de financement rural (Fundefir, Fundaciòn de Financiamiento Rural), qui a développé les Bankomunales, est de former. Durant quatre mois, des promoteurs dispensent des cours aux futurs banquiers. "Chaque semaine, durant 2-3 heures, une personne venait discuter avec nous et nous apprenait le fonctionnement d’une banque", se rapelle Matilde. Lors de cette phase d’apprentissage, les membres de la communauté peuvent à tout moment téléphoner au promoteur pour lui demander des conseils.
Pour le fondateur de la Fundefir, "le but n’est pas d’éduquer mais seulement de donner une méthode. Lors de cette formation, l’argent est désacralisé. Nous démontrons qu’il est seulement un outil que l’on doit apprendre à manier." Salmòn espère même pouvoir supprimer cette dernière étape tutoriale et ainsi parvenir au paroxysme de l’autogestion: que les associés se forment par eux-mêmes via Internet.
Après cette formation, les associés doivent se débrouiller seuls. "Au début, nous appréhendions un peu. Mais finalement ce n’est pas si difficile que ça", sourit Matilde. La fondation surveille chaque groupe qui lui communique l’actualité des fonds prêtés.
Les détracteurs de Muhammad Yunus et du microcrédit évoquent le “microendettement” de ses utlisateurs. Les socios établissent souvent un taux d’intêret à peine supérieur à celui de l’inflation, "symbolique", d'après la quinquagénaire. Pourtant, le Venezuela connait une inflation galopante, près de 31% au mois de juin.
D’après Salmòn Raydan, seuls 0,5% des associés ne peuvent rembourser leur crédit. “Dans le contexte économique de notre pays, cela est normal”, prévient-il. Les Bankomunales est un concept exportable. Des communautés se sont créées en Bolivie, en Espagne, au Portugal ou encore au Sénégal et comptent plus de 13.000 associés. De son côté, Matilde note que sa bankomunale compte aujourd’hui 126 membres au lieu des 14 à l’origine en 2004.