• Vivre en yourte: un choix de liberté (Sylvie BARBE)

    Vivre en yourte: un choix de liberté (Sylvie BARBE)

    2013    304 p.    20 € 

      Il était une fois une femme rêvant de liberté, qui décida de tout quitter pour vivre simplement sous une tente fabriquée de ses mains.
    Pionnière des yourtes, elle s installe dans les années 1990 dans les Cévennes. Défricheuse d'un mode de vie sobre et autonome, elle fait rapidement des émules, mais se heurte à des obstacles : elle dévoile ici ses déboires au camp de yourtes, aux prises avec les spéculateurs, les potentats locaux, le voisinage, l'intolérance, et affirme son bonheur d avoir réussi à incarner son rêve d'intégrité et de cohérence. Elle rend hommage aux humbles en démontrant comment la yourte peut sauver du désespoir et restaurer la dignité.
      Hymne écoféministe à la simplicité volontaire, ce témoignage d une femme rebelle à l ordre dominant défend le droit à l'auto-construction, à l'auto-subsistance, aux énergies autonomes et renouvelables, le respect de la nature, la non-coopération au consumérisme, la non-violence, la poésie, le droit à la colère, le devoir d'alerte... C est ainsi qu un chemin vers l'éveil est tracé.
     
      Première habitante en yourte en France et pionnière fabricante de yourtes artisanales en Patchwork, Sylvie Barbe est rédactrice du blog « Yurtao, la voie de la yourte » depuis 2007, et fondatrice et porte parole de CHEYEN, Coordination des Habitants En Yourte sur Espaces Naturels, association nationale défendant les habitants des yourtes. Fondatrice d'une monnaie locale (le SEL des Cévennes), elle a été candidate écologiste radicale et Objectrice de Croissance à plusieurs élections.

    Extrait

    Île déserte

      Mes bracelets cliquettent aux poignets, ma jupe à fleurs virevolte aux mollets, mes cheveux rouges dansent au bas de mon dos, j'ai vingt ans et je suis belle.
    Des gars aux délicieux airs de révolutionnaires romantiques m'ouvrent la porte, m'entourent. Débraillés, carillonneurs, cheveux longs hirsutes, rangers éculés, jeans rapiécés et chemises lavande de bergers rebelles, ils portent comme moi la dégaine hippie de la joyeuse mouvance post-soixante-huitarde.
    Un qui me fait la cour m'offre des cigarettes, débarrasse un coin de gourbi, tamponne un vieux coussin délabré. Je ne les connais pas encore, je dois rencontrer le chef du projet, mais je sais déjà que je ne retournerai pas en arrière. Ils cuisent un poulet sur le réchaud de la salle de bain, ouvrent une boîte de petits pois extrafins sur le bidet. Un bateau est en construction quelque part au bord de la Seine, c'est pourquoi le jeune chef de tribu est en retard. Moi, je sais naviguer, j'ai même relié deux îles à la nage une fois, je suis championne des eaux. Eux, ils veulent habiter sur une île, un endroit sans règles et sans argent où on recommencera tout de zéro. Une île très loin, que personne ne connaît, sauf lui. Moi, ça fait longtemps que je veux partir, pas rester ici, dans cette société sans âme, désarticulée. Ils vont m'expliquer, me montrer les plans. La porte s'ouvre.
    «Ah ! Le voilà !»

      Maintenant, c'est l'histoire d'une fille brune, très jolie et très fraîche, aux yeux verts quand le soleil les remplit, gris sous la pluie, qui se fait accrocher par un garçon blond d'une beauté à couper le souffle.
      Ils ne font pas réellement attention l'un à l'autre, mais le garçon, tout de suite lancé en harangue, joue magnifiquement son rôle de colporteur d'illusions. Il exhibe à la fille tout son baratin de séducteur, de conquistador du paradis, sa panoplie de contes à dormir debout, brassant de grands gestes inspirés dans son parka vert. La fille ne semble pas vraiment intéressée, elle résiste naturellement, un pli de lèvre légèrement narquois, mais je vois le masque d'ange du garçon et j'ai peur qu'elle ne flanche. Elle le regarde franchement, pas lui, il vogue, il glose, je sens qu'elle cherche son regard, et peut-être même son âme. Je redoute qu'elle se laisse entraîner, qu'elle n'écoute que le dessus. Les autres, bouche bée, écoutent, elle attend.

      Je joue avec ma bague bleue. Je trace des cercles sur le contre-plaqué devant lui. Il ne me regarde pas, tout entier à sa démonstration, son inextinguible moulin à émules. Il habite dans une aile à part du monde. Je remets ma bague, je me trompe de doigt. Il est blond, blond à couper le souffle. Ses cheveux ondulent sur ses épaules et ses yeux d'un bleu de ciel d'été illuminent la pénombre. Il parle, il parle, je le regarde maintenant à la dérobée, ce n'est pas possible tant de lumière d'un coup. Je ne sais pas si je suis en train d'être happée dans le doré du coeur, mais ce que je sais, tout de suite, en le voyant debout si éclaboussé de printemps, joyeux, merveilleux, je sais que je vais partir avec lui. Ce n'est pas une décision. Je ne veux pas redescendre cet escalier noir, par où je suis venue, toute seule, sans rien, c'est tout. Alors je m'abandonne et la voix de la fille demande :
    «C'est lui le prince qui gouverne le bateau ?»
      Il répond en tendant son assiette vide :
        «C'est moi.»

     

     


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