• Voulons-nous vraiment l'égalité ? ( Patrick Savidan )

     

    Voulons-nous vraiment l'égalité ? ( Patrick Savidan )

    2015    350 p.    21€

       Il existe, en France, un immense consensus sur les questions de justice sociale, toutes tendances politiques et toutes situations sociales confondues. Études après études, chercheurs et instituts de sondage le confirment : une écrasante majorité souhaite plus de justice et plus d'égalité.
       Ces mêmes recherches montrent aussi que nous en savons plus qu'auparavant sur l'augmentation et la nature des inégalités, que nous en parlons davantage et que nous nous en inquiétons plus encore. Reste que, pour les réduire, nous n'en faisons manifestement pas assez.
       Faut-il voir dans cette contradiction une forme d'hypocrisie sociale ? Serions-nous passés maîtres dans l'art de ne pas tirer de conséquences de ce que nous savons ? Serions-nous, individuellement et collectivement, victimes d'une irrépressible faiblesse de la volonté ?

      Plutôt que de supprimer le problème à bon compte, il est temps de comprendre cet étrange paradoxe qui consiste aujourd'hui, pour nous, à creuser les inégalités que nous n'avons pourtant de cesse de dénoncer.
      
       Patrick Savidan est professeur de philosophie politique à l'Université de Poitiers et à Sciences-Po Paris, cofondateur et président de l'Observatoire des inégalités et directeur de la revue Raison publique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont:
       -Repenser l'égalité des chances (Grasset, 2010) et
       -Le multiculturalisme (PUF, 2011).

         " Il nous arrive parfois de souhaiter quelque chose, mais de ne rien faire pour y parvenir ou même, pire, d'aller exactement en sens inverse de ce que nous souhaitons. Pour l'auteur, philosophe, mais aussi président de l'Observatoire des inégalités, c'est exactement ce qui se passe à propos des inégalités : la très grande majorité des gens estime qu'elles sont trop fortes et affirme désirer qu'elles se réduisent. Et pourtant, elles ne cessent d'augmenter, tandis que le pouvoir d'un petit nombre - l'oligarchie - tend à s'accentuer. Comment expliquer ce paradoxe dans une société démocratique ?

    Fausses raisons

    Par l'ignorance ? Pas du tout : jamais la connaissance sur les inégalités n'a été aussi forte, notamment d'un point de vue statistique. Et jamais, non plus, la diffusion de ces faits n'a été aussi bien assurée. Par mauvaise foi, en niant le problème ? Mais le désir de réduire les inégalités est patent, l'indignation qu'elles suscitent également. Par faiblesse de la volonté ? Certes, l'intention ne fait pas tout, mais dans bien d'autres domaines, cela ne nous empêche pas de nous mobiliser quand trop, c'est trop. Et l'auteur, tel un coureur de fond qui court longtemps avant d'atteindre son but, multiplie les explications possibles - l'irrationalité des individus, leur immoralité… - et explique pourquoi il ne les retient pas.

    Doutes et insécurité

    La réponse, à ses yeux, tient en deux propositions : les doutes "quant à la capacité collective de la société à changer la donne" et les comportements individuels, qui cherchent, dans une société marquée par "la montée des incertitudes", à sécuriser les "pouvoirs de faire, pour soi et pour ceux qui nous sont chers", un énorme avantage que donne la richesse. D'une certaine manière, nous envions les riches non pour leur mode de vie, mais parce qu'ils sont à l'abri de l'incertitude. Et ce désir, partagé par tous, y compris par les plus pauvres, aboutit à affaiblir les mécanismes collectifs de redistribution. Aussi voit-il une issue dans la protestation, dans la foulée d'un Hirschman mettant en avant l'importance de la prise de parole dans la société démocratique.

    Résumer ainsi un livre aussi dense revient, d'une certaine manière, à le trahir. Mais, justement, c'est cette densité qui fait problème, car le lecteur s'interroge parfois sur le lien entre le sujet du livre et certains développements. Mais ces réserves ne doivent pas nous cacher l'essentiel : c'est un ouvrage important que livre Patrick Savidan, parce qu'il nous fait avancer dans notre réflexion."

       Denis Clerc
    Alternatives Economiques n° 349 - septembre 2015


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