• Psychotropes l'enquête (Guy HUGNET)

    2012   280 p.  18,95 €

       Les Français détiennent le record mondial de leur consommation. Dans certains cas, ces traitements sont utiles et peuvent sauver des vies. Hélas, ces gélules sont prescrites bien souvent en dehors d'une réelle pathologie. Or, ces molécules - comme les drogues - modifient la chimie de nos neurones.
      Guy Hugnet a mené l'enquête et exploré le lien entre ces médicaments et les modifications du comportement (confusion mentale, désinhibition...), altérations du cerveau (troubles de mémoire, lésions...), accidents de toutes sortes (chutes des personnes âgées notamment) jusqu'aux actes de violence (homicides, suicides - y compris sur le lieu du travail-, infanticides...) qui font souvent la Une des médias. Un travail minutieux complété et étayé par des interviews d'avocats, médecins, témoins, familles, procureurs, toxicologues...
      Au terme de deux années d'enquête, il dresse un panorama des dégâts que peuvent causer les médicaments psychotropes consommés par des millions de Français, des plus jeunes jusqu'aux vieillards. Au-delà, l'auteur passe en revue les méthodes qui marchent - scientifiquement validées - pour s'en passer, proposant ainsi une nouvelle écologie du cerveau.
      
       "Tout monde le sait plus ou moins, la France détient le record mondial de consommation de psychotropes et ce, depuis de nombreuses années. Pourtant, comme toute molécule introduite dans le cerveau, les effets de ces "médicaments" sont loin d'être complétements bénins. Prescrits à haute dose par des médecins, qui ont une méconnaissance dangereuse de la biochimie, la pharmacologie et la psycho-pharmacologie, aucune classe de la société n'y échappe: hommes, femmes, enfants et vieillards, pour un oui, pour un non, se voit prescrire antidépresseurs, tranquilisants, somnifères, neuroleptiques, voire même parfois, un cocktail de tout cela aussi explosif que nocif.

      Ce livre est une véritable plongée au coeur d'un monde hallucinant (au propre comme au figuré) et dans dangers auxquels se frottent quotidiennement des millions de français. Formidable vache à lait pour l'industrie pharmaceutique, ces molécules peuvent avoir des effets dévastateurs sur l'organisme : dysfonctionnement sexuel, insomnie, prise de poids, diarrhées, nausées, somnolence, réactions cutanées, nervosité, anorexie, transpiration, démence sénile... la liste est longue et édifiante, largement illustrée d'exemples et de témoignages aussi bien médicaux que juridiques. Spécialistes de l'enfance, de la vieillesse, travailleurs sociaux, chacun apporte sa pierre à un panorama qui, même si en introduction l'auteur sait se montrer objectif: ils ont l'immense mérite de soulager la souffrance et l'angoisse humaine, voire de sauver des vies", n'en demeure pas moins inquiétant.
       Une lecture saine, judicieusement accompagnée de quelques conseils simples et à la portée de tous pour s'en passer."
     
       CREW.KOOS  (commentaire sur Amazon.fr )

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  •   Joulanvi, des joujous faits chez nous

    Joulanvi est implanté en Bretagne, mais c'est dans tout l'Hexagone que sont fabriqués les jouets et les jeux que ce site commercialise. Bourgogne, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon ou Rhône-Alpes, dans toutes les régions des entreprises créent et produisent encore tout ou partie de leurs produits. Sur Joulanvi, seuls ceux qui sont fabriqués ici sont commercialisés. Pas de doutes à avoir, pas davantage de questions à se poser. Aucun risque d'acheter un jouet simplement créé, designé voire emballé en France.
    D'ordinaire, on associe jouets made in France et bois. Et c'est vrai que le choix est important : petites voitures, bateaux, épées et boucliers, toupies, cubes, chalets à construire, bilboquets, quilles et diabolos, etc. Mais on aurait tort de croire la production locale limitée à ce noble matériau. En France, on sait également travailler le papier, le carton, le tissu, le plastique ou les poils pour en faire des jeux et des jouets de qualité. Au total, le site propose des jeux de société, des puzzles, des peluches et des poupées, des jouets à tirer, à faire flotter, d'autres à assembler ou à mordiller, d'autres encore pour apprendre à dessiner, à peindre, etc.
      Finalement, si l'on met de côté les jouets électroniques qui clignotent, qui font wizz, paf, boum ou taratata — systématiquement asiatiques —, il est tout à fait possible de trouver son bonheur parmi la production de la vingtaine d'entreprises présente sur Joulanvi. Et c'est tout à fait réconfortant, à l'heure où Noël se profile.

     Joulanvi, site de vente de jouets fabriqués en France 


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  • Les bois raméaux fragmentés (

    2007    190 p.   30 €

       L'utilisation des Bois Raméaux Fragmentés, communément appelés BRF, représente une véritable alternative pour l'agriculture de demain, en proposant une redécouverte du fonctionnement du sol basé sur le modèle de l'écosystème forestier. Le processus naturel d'aggradation de la forêt, élaboré au cours de milliards d'années d'évolution du vivant, n'est pas intégré par l'humanité qui dégrade son environnement, et en particulier ses sols agricoles, par les actions conjuguées du labour, des engrais et des différents pesticides.

      Les premières expérimentations réalisées avec les BRF sont apparues dans les années 1970 au Québec et leurs applications commencent à se développer en France. Longtemps considérée comme un déchet, la branche d'arbre devient un produit de haute valeur agronomique, écologique et sociale, et ouvre de nouvelles perspectives pour nourrir les sols. La valorisation des Bois Raméaux Fragmentés répond ainsi à plusieurs problèmes dommageables pour l'environnement : diminution de la biodiversité, épuisement des sols, incidences sur la sécheresse et la déforestation, désertification, pollution des nappes et des rivières par les engrais et pesticides...

       Ecrit par deux spécialistes parmi les premiers vulgarisateurs de l'utilisation des BRF en France, De l'arbre au sol, Les Bois Raméaux Fragmentés est un véritable plaidoyer pour le sol. Ce sol, si souvent considéré comme un simple support de cultures, et qui est en réalité un des écosystèmes les plus riches de la surface des continents. Ce livre propose également une réflexion sur la gestion de la ressource en BRF en replaçant l'arbre au centre de la problématique agricole. Inventaire inédit de ce qui a été expérimenté dans le monde depuis les années 1970, cet ouvrage nous concerne tous. Il est pratique, clair et richement documenté. Ses nombreuses illustrations lui donnent une réelle dimension documentaire et pédagogique.

     
       De formation agricole, Éléa Asselineau découvre les BRF en 2005, lors d'un stage en agriculture biologique au Québec. Immédiatement passionnée, elle rencontre de nombreux agriculteurs, ingénieurs agronomes, chercheurs, forestiers, écologues intéressés par le sujet. Elle est la cofondatrice du site internet www.lesjardinsdebrf.com.
        De formation scientifique, Gilles Domenech est pédologue et titulaire d'un DEA d'environnement. II découvre les BRF en 2004 et mène une expérimentation près de Sisteron. Parallèlement à cela, il réalise des études sur les BRF et la biologie du sol, afin de proposer de nouveaux axes de recherches et de mettre en place des dispositifs expérimentaux.  

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    29-10-2012

    Au Swaziland, le marula met de l’huile dans les revenus des femmes

                          
    (Crédit photo : patricia huon)
    Dans ce pays d’Afrique australe, 2 500 villageoises conçoivent des cosmétiques grâce aux fruits de cet arbre indigène. L’entreprise qui les commercialise est encore en fleur mais leur a déjà permis d’atteindre l’autonomie financière.
               
    Article publié dans le

    N° 41 - novembre 2012

    Métro, boulot, allegro

    Une à une, les noix craquent sous les coups de pierre. Chaque jour, assise devant sa maison, Sibongile Ndzinisa passe plusieurs heures à décortiquer les noyaux des fruits de marula qu’elle a récoltés et à en extraire les amandes qu’elle vendra ensuite à l’usine toute proche. Le marula est un arbre indigène d’Afrique australe. Dans les campagnes du Swaziland, les femmes récoltent ses fruits pour la cuisine et pour la production de « moonshine », un alcool artisanal distillé localement. Mais depuis quelques années, elles ont développé un autre débouché pour leur cueillette. Les noix de marula recèlent une huile riche, réputée pour ses propriétés hydratantes et anti-oxydantes. En 2005, grâce à l’aide de la fondation américaine Kellogg, une entreprise s’est développée autour de ce produit : Swazi Secrets. Dans une petite usine au milieu de la campagne, près de Mapka, à 80 km de la capitale Mbabane, est fabriquée une gamme de cosmétiques naturels à base d’huile et de plantes. La société permet aujourd’hui à pas moins de 2 500 récoltantes d’être autonomes financièrement. L’entreprise appartient entièrement à ces villageoises et a reçu la certification « commerce équitable ».

    Huile de massage

    L’activité est la seule source de revenus de Sibongile Ndzinisa, qui gagne environ 60 euros par mois. « Aujourd’hui, je peux acheter à manger et ce dont j’ai besoin pour la maison. Alors cela fait quand même une vraie différence », se félicite-t-elle. Assis à ses côtés, son petit-fils l’imite et tente, lui aussi, d’ouvrir des noix pour en manger le cœur. Jusqu’à récemment, sa grand-mère ne possédait qu’un arbre de marula sur son terrain, alors c’est principalement dans la forêt qu’elle collecte les fruits. Malgré la concurrence. « Lorsque je n’ai pas assez de sacs pour tout ramener, je cache les fruits pour éviter que d’autres ne les prennent. L’an dernier, il n’y avait pas assez de fruits, alors il arrivait qu’il y ait des bagarres entre les cueilleuses ! »

    Dans son jardin, sur les conseils des représentants de Swazi Secrets, elle a aujourd’hui planté dix autres arbres de marula et espère pouvoir ainsi augmenter ses gains. « Au début, il faut beaucoup d’eau pour que les arbres poussent. Or, l’an dernier, il n’a presque pas plu, alors ils sont petits. Mais quand ils donneront des fruits, je n’aurai peut-être plus besoin d’aller en forêt. » Une fois les fruits ramassés, il faut les décortiquer pour en extraire les noix qui seront mises à sécher puis brisées pour ne garder que les amandes. Celles-ci sont alors pressées à froid. « Nous obtenons une huile pure et naturelle. Hydratante, elle peut être utilisée pour les brûlures, mais surtout comme huile de massage », précise Zanele Nsibande, la directrice commerciale de Swazi Secrets, rappelant que l’arbre de marula est connu depuis longtemps pour ses propriétés thérapeutiques.

    Une idée de la reine mère

    Cinq à six tonnes d’huile sont produites chaque année. Celle-ci sera vendue pure ou utilisée pour la fabrication de lotion pour le corps, de savon ou de baume pour les lèvres. 60 % de la production est exportée vers l’étranger. Seul bémol, l’huile ne peut plus afficher de label biologique. En cause, l’utilisation de sprays antimoustiques sur les arbres pour éviter la propagation du paludisme.

    Selon Zanele Nsibande, c’est la reine mère du Swaziland qui aurait eu l’idée de lancer la production, s’inspirant d’un projet similaire au Botswana. Dans la dernière monarchie absolue d’Afrique, où deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’entreprise ne bénéficie d’aucun financement de la famille royale et doit compter sur la fondation Kellogg. « Le projet n’est pas encore rentable mais nous espérons nous passer des subventions », commente la directrice commerciale, qui espère voir la production augmenter, grâce à une demande internationale croissante. Le potentiel est énorme pour le petit royaume : le pays abrite plus de deux millions d’arbres de marula. —

    Impact du projet

    2 500 villageoises récoltent les fruits des arbres de marula

    5 à 6 tonnes d’huile sont produites chaque année

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    Le rédacteur    Patricia Huon
     

    Née en Belgique et diplômée de l’Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine, Patricia Huon a toujours eu la bougeotte et aime découvrir de nouvelles contrées. Depuis fin 2009, elle est installée en Afrique du Sud et parcourt le continent africain pour plusieurs titres de la presse francophone, dont La Libre Belgique, La Tribune de Genève, Marianne, L’Actualité, etc. Ses reportages portent principalement sur des sujets politiques et de société.


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  • L'esclavage moderne (Léon TOLSTOÏ )

    2012    9 €

      Les essais anarchistes de Léon Tolstoï sont aujourd'hui introuvables. L'édition française les a oubliés, se focalisant sur ses romans comme Guerre et Paix, Anna Karénine, Résurrection. Heureusement, quelques "petites" maisons d'édition indépendantes se penchent sur l'oeuvre sociale de l'écrivain ces derniers temps. Le Passager clandestin a réédité Le Royaume des cieux est en vous, et je viens d'acheter L'Esclavage moderne, réédité par un tout nouvel éditeur qui s'appelle Le Pas de côté.
    J'ai trouvé ce livre passionnant, court, percutant. Il m'a fait penser au Discours de la servitude volontaire de La Boétie et au Traité de la désobéissance civile de Thoreau. Ce n'est pas étonnant d'ailleurs, car Tolstoï avait lu ces deux auteurs et s'en est inspiré.

    Je vous laisse lire la quatrième de couv:
    "En dépit de la fascination que les gouvernements exercent sur les peuples, le temps bientôt sera passé, où les sujets avaient pour leurs maîtres une sorte de respect religieux. Le moment est proche, où le monde comprendra enfin que les gouvernements sont des institutions inutiles, funestes et au plus haut point immorales, qu'un homme qui se respecte ne doit pas soutenir et qu'il ne doit pas exploiter à son profit. Et quand ces hommes auront compris cela, ils cesseront de collaborer à l'oeuvre des gouvernements en leur fournissant des soldats et de l'argent. Alors tombera de lui-même le mensonge qui tient les hommes en esclavage. Il n'y a pas d'autres moyens d'affranchir l'humanité."

      Forum anarchiste

    « Pour une petite somme d’argent, qui leur donne à peine les moyens de se nourrir, des hommes, qui se croient des êtres libres, se condamnent à un labeur que le maître le plus cruel, au temps du servage, n’aurait pas imposé à ses esclaves. »
    Ainsi s’exprime Léon Tolstoï dans son pamphlet L’Esclavage moderne. Dans une Russie en plein bouleversement, où les paysans quittent la campagne pour s’entasser en usine, Tolstoï décrit la misère des forçats de l’industrie, accuse la division du travail et l’inégalité criante, tonne contre la puissance d’asservissement de l’argent. Avec toute la vigueur de sa plume acérée, l’anarchiste accuse l’économie politique de justifier cette organisation sociale inhumaine. Il attaque la propriété, défendue par la violence de l’État, mais aussi la surconsommation qui enchaîne les travailleurs à la production d’objets inutiles. Pour Tolstoï, les hommes ne se libéreront qu’en refusant de collaborer au gouvernement et à ses lois iniques. Seule la résistance non-violente peut mettre un terme à l’esclavage moderne.

    « La situation du peuple ne pourra être améliorée, si les ouvriers comme les gens de la classe riche ne comprennent pas enfin que quiconque veut servir les hommes doit sacrifier son égoïsme et que, s’ils veulent réellement porter secours à leurs frères et non pas satisfaire des convoitises personnelles, ils doivent être prêts à bouleverser leur vie, à renoncer à leurs habitudes, à perdre les avantages dont ils jouissent aujourd’hui, à soutenir une lutte acharnée avec les gouvernements, surtout avec eux-mêmes et avec leurs familles, prêts enfin à braver la persécution par le mépris des lois. »

    Ce livre a été publié en 1901 aux éditions de la Revue blanche. Oublié depuis, il est pourtant l’un des essais anarchistes majeurs de l’écrivain russe. Cette œuvre puissante est digne de La Désobéissance civile de Henry David Thoreau ou du Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie.

    Recension dans La Décroissance n°92, septembre 2012. 

    Recension parue dans Christianisme aujourd’hui, septembre 2012. 


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  • Quand louer solidaire rapporte (09/11/12)

     
    Mettre un logement à la location au bénéfice des travailleurs pauvres, tout en étant assuré du paiement des loyers, c'est un bon calcul. Et c'est l'objet des dispositifs de location solidaire, qui cherchent à se développer.

    Louer son bien aux personnes précaires, ça peut être la bonne affaire. Les marchands de sommeil, qui facturent les nuitées dans des taudis au prix des plus beaux palaces, l’ont bien compris. Et en profitent sans vergogne. Mais on peut aussi rentrer dans ses frais en faisant une bonne action, légale qui plus est. Voilà qui pourrait convaincre les propriétaires qui hésitent à signer des baux de crainte que leurs locataires n’honorent leurs quittances. Pour eux, deux dispositifs existent. L’un à Paris depuis juin 2007, l’autre dans six régions de France depuis novembre 2008.

    Dans la capitale, le mécanisme Louez solidaire a été mis en place par la mairie qui le finance. En Ile-de-France, dans le Nord-Pas-de-Calais, les Pays de la Loire, le Languedoc-Roussillon, en Rhône-Alpes et PACA, le dispositif prend le nom de Solibail et est pris en charge par l’Etat.

    Des garanties pour le propriétaire, un toit pour les précaires

    Dans un cas comme dans l’autre, le principe est le même : faciliter l’accès au logement des ménages en difficulté hébergés en hôtels ou en structures sociales, en mobilisant le parc privé. Pour ce faire, une association expérimentée dans l’habitat, conventionnée par la préfecture de région ou la mairie de Paris – ce qui garantit sa solvabilité -, loue au propriétaire privé son logement pour une durée de trois ans renouvelable.

    Les tarifs pratiqués sont légèrement en dessous de ceux du marché, mais le propriétaire est assuré d’être payé chaque début de mois pendant toute la durée du bail du montant du loyer et des charges. De plus, l’association garantit l’entretien et la remise en état du logement si nécessaire, et le propriétaire bénéficie d’une déduction fiscale de 30% à 70% des revenus locatifs. Au final, le bailleur a tout à y gagner. Et, cerise sur le toit, il accomplit ce faisant une action solidaire.

    En effet, les occupants du logement sont des ménages modestes (essentiellement des familles, souvent monoparentales) en emploi ou proches de l’insertion professionnelle, qui étaient jusqu’ici hébergés à l’hôtel ou en centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Ces travailleurs pauvres sous-louent à l’association l’appartement pour une durée de 3 mois à 18 mois maximum, au bout desquels ils sont normalement relogés en HLM. Ils contribuent financièrement au loyer à hauteur de 25% de leurs ressources. Redevance à laquelle s’ajoutent les APL. L’association paie la différence avec le loyer, qui lui est ensuite remboursée par l’Etat (ou la mairie de Paris, selon l’endroit où l’on se trouve). Ce reste à charge financé par les autorités est d’environ 350 euros par mois.

    Deux fois moins cher que l’hébergement en hôtel

    L’ensemble du dispositif coûte à la mairie de Paris comme à l’Etat un peu moins de 10 000 euros par an et par logement. Dans cette somme, sont compris le différentiel entre le loyer et la redevance, la garantie des risques locatifs (impayés, dégradations éventuelles, etc.), la rémunération de l’association qui assure la gestion locative, ainsi que celle des travailleurs sociaux qui accompagnent les occupants pendant qu’ils sont dans le dispositif.

    « C’est moitié moins que le coût de l’hébergement en hôtel, avec l’accompagnement et le confort de vie en plus », explique Nicolas Lourdin, chargé de mission « Louez solidaire » à la ville de Paris. Son service gère, avec les associations partenaires, quelque 740 logements, du studio au T5, dans la capitale. Depuis le lancement de ce mécanisme en 2007, 1 360 foyers en ont bénéficié et 625 ont déjà été relogés de façon définitive dans le parc social. Le dispositif Solibail regroupe, lui, quelque 2 100 propriétaires.

    Des dispositifs victimes de leur succès

    « Ces outils, les seuls à pouvoir proposer immédiatement une alternative à l’hôtel, sont un succès », estime Eric Pliez, le directeur général d’Aurore, l’une des premières associations à y avoir adhéré. Mais, à l’origine conçu pour vider les hôtels, ces systèmes se sont révélés incapables de satisfaire toutes les demandes d’hébergement. « Avec la crise économique, le nombre de personnes hébergées en hôtel s’est stabilisé grâce au dispositif, mais il n’a pas diminué », regrette le cadre de la mairie de Paris qui vise la mobilisation de 1 050 logements, soit 300 de plus qu’aujourd’hui, d’ici juillet 2014.

    Cet objectif est « tout à fait réalisable, estime Marlène Gérard, d’Habitat et développement Ile-de-France, structure chargée de trouver des propriétaires volontaires. Car de nombreux propriétaires parisiens estiment que ce n’est pas le moment de vendre leur bien, ils préfèrent donc mettre leur logement à la location solidaire en bénéficiant de déductions fiscales. »

    Pour achever de convaincre les propriétaires réticents, Nicolas Lourdin dispose d’arguments bien rodés : « Ça peut être une bonne opération économique pour les personnes à hauts revenus, imposées à 45%. Grâce à la défiscalisation, elles peuvent maximiser leurs profits. Pour les autres propriétaires moins fortunés, l’entrée dans le dispositif, même un peu moins rémunératrice que la mise en location normale, est motivée par une démarche altruiste comme par la garantie d’être payé sans interruption pendant toute la durée du bail. C’est une vraie sécurité. » Convaincus ?

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    Le rédacteur :   Alexandra Bogaert

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  • La gratuité, c’est ce qui a le plus d’importance dans nos vies »

    Sophie Verney-Caillat | Journaliste Rue89
     

    Co-auteur d’un essai sur l’expérience de gratuité des transports publics à Aubagne, le philosophe et dramaturge Jean-Louis Sagot-Duvauroux réfléchit au sens de la gratuité comme alternative à une société de plus en plus marchande.


          Une personne déchirant un billet d’un dollar (Images Money/Flickr/CC)

    Jean-Louis Sagot-Duvauroux passe une bonne partie de son temps comme dramaturge au sein d’une compagnie de théâtre malienne, Blonba.

    Il est aussi, en tant que philosophe, le co-auteur de « Voyageurs sans ticket. Liberté Egalité Gratuité. Une expérience sociale à Aubagne » (éd. Au diable Vauvert).

    Depuis la chute du système communiste, cet auteur de nombreux essais (notamment le best-seller « On ne naît pas noir, on le devient », Albin Michel) cherche « les vraies transformations qui ne produisent pas de la tyrannie ».

    Electeur assumé du Front de gauche, il aimerait surtout que la gauche française « se pose un peu plus la question de l’alternative réelle au système capitaliste en place ».


    Jean-Louis Sagot-Duvauroux (Gilles Perrin)

    Rue89 : Pour commencer, une question qui peut ressembler à un sujet de bac philo : quelle est la valeur de la gratuité ?

    Jean-Louis Sagot Duvauroux : La gratuité, c’est ce à quoi on accorde le plus d’importance dans nos vies. Par exemple, si je suis père de famille et enseignant, le fait de s’occuper des enfants des autres aura moins de valeur que de s’occuper du mien.

    Ce qui est sans prix a plus d’importance que ce qui est évaluable financièrement. C’est brouillé par une obnubilation du marché. On a l’impression que ce qui n’est pas payant est sans valeur, mais en fait le sens de notre existence est sans prix.

    Quand les gens se suicident au travail, ce n’est pas parce qu’ils ont des petits salaires, mais parce que leur activité n’a plus de sens. Si on supprime le sens, on supprime la vie. Les aspects essentiels de l’existence (l’amour, la santé, la haine...) ne s’évaluent pas monétairement.

    Pourtant, la gratuité n’est pas dans l’air du temps, écrivez-vous....

    La gratuité nous entoure en permanence : le trottoir, le lampadaire, l’école, les parcs, la PMI... tout cela est gratuit au sens de « chacun selon ses besoins » (et non selon ses moyens). Disons que l’accès à ces biens est sorti du rapport marchand.

    En anglais, on dit « free », libre. Mais en français le mot « gratuit » a un sens étymologique religieux : c’est « Dieu nous a donné la grâce », la vie, sans demander de rétribution.

    La gratuité recule aujourd’hui dans l’école ou la santé …

    Mais la partie inaliénable du temps humain, le temps libre, est plus important que jamais. Des lois (congés payés, 35 heures) ont acté cela, c’est un progrès considérable.

    Le libéralisme dominant défend l’idée que le marché est la meilleure façon possible de gérer des biens. Les ultralibéraux disent même que la police pourrait être un bien marchand, cherchent à mordre sur la part gratuite relativement importante de nos existences.

    Si intérieurement, on sait se servir en permanence de la sphère marchande et non-marchande, les actions de la sphère marchande ont pris une valeur obnubilante.

    A Aubagne, des élus communistes ont décidé de mener une action un peu anti-sarkozyste, en instaurant la gratuité des transports en commun. En pleine époque du « travailler plus pour gagner plus », c’était totalement à contre-courant...

    Les élus ont en effet voulu trancher avec le système, à la différence de la vingtaine d’autres collectivités qui ont instauré cette mesure, et l’avaient fait plutôt pour des raisons techniques.

    On constate que quand on sort du rapport marchand aux transports publics, on lève les freins à la hausse de la fréquentation.

    Partout où les transports sont gratuits, la fréquentation des transports en commun augmente, ça crée de la productivité. Sans compter que l’investissement public a diminué par deux, un déplacement coûtait 4 euros à la collectivité, il en coûte un peu plus de 2 euros maintenant.

    La gratuité, en provoquant la disparition du contrôle, a-t-elle modifié le rapport entre les gens dans l’espace public ?


                       Couverture du livre        (2012    233 p.    14,24€ €)

    Oui et c’est un élément très important. Trop souvent, les politiques abordent les questions de sécurité de façon binaire : il y a des délinquants, il faut des caméras et des policiers. Mais les caméras n’ont jamais fait baisser la délinquance !

    La gratuité des transports en commun a rendu le travail du chauffeur beaucoup moins angoissant : il n’a plus de caisse à garder, il n’a plus qu’à faire l’essentiel, transporter ses concitoyens d’un endroit à un autre, leur rendre service.

    Quand le Syndicat des transports en Ile-de-France (Stif) instaure le dézonage le week-end, cela crée un sentiment de liberté et fait baisser la délinquance.

    Quand les gens sont rendus à eux mêmes, on voit que globalement ils ne sont pas si méchants qu’on veut bien le dire.

    Alors que quand un gamin passe sans payer devant le chauffeur, il y a quelque chose d’humiliant pour le chauffeur, de désagréable pour tout le monde. Si vous supprimez ça, l’espace public devient plus agréable et convivial. Ça ne résoud pas tous les problèmes mais on constate que globalement, les tensions intergénérationnelles à Aubagne ont été supprimées.

    Aujourd’hui, on voit que l’école est de moins en moins gratuite.

    L’école est surtout confrontée au problème de la ségrégation sociale et du coup, l’école publique est gratuite pour les pauvres, elle devient une école sociale, et non plus l’école de tous, où pauvres et riches ont le même avantage. Quand l’école devient une école de seconde catégorie, ceux qui ont de l’argent vont dans dans une école non gratuite.

    La gauche critique parfois l’expérience d’Aubagne en disant qu’il n’y a pas de raison d’avantager les riches. Moi je réponds : il faut des endroits dans la société où il n’y a plus de différence entre riches et pauvres. La gratuité, c’est de donner aux gens un droit. Ensuite libre à eux de l’exercer selon leur bon vouloir. On pourrait imaginer un droit au téléphone, par exemple.

    Va-t-on vers une extension des zones de gratuité d’après vous ?

    Le mouvement global va contre la gratuité, et pourtant, la gratuité est rentrée dans le champ social et politique. On voit le succès d’audience de Paul Ariès, et de certaines de ses propositions comme la gratuité de l’eau vitale.

    Je trouve intéressante l’idée d’une sécurité sociale du logement qui permettrait, en cas de perte d’emploi ou de dépression, de ne pas être chassé de son logement.

    Certaines villes proposent la gratuité des obsèques, et je trouve qu’éviter aux gens de négocier la qualité du cercueil quand ils viennent de perdre un proche, c’est très humain et civilisant.

    Comment à travers la gratuité favoriser des comportements plus écologiques (en rendant payants les mésusages, comme le suggère Paul Ariès) ?

    L’idée qu’on a le droit de vivre dans une planète qui ne se flingue pas (et que peut-être il faut préférer mettre de l’argent dans les transports en commun) se met dans les têtes peu à peu. Cela a surgi à la conscience les vingt dernières années, et rejoint d’autres milieux sociaux.

    Aubagne est une expérience très localisée mais qui donne à penser au niveau beaucoup plus large. « Think globally, act locally », disent les altermondialistes.

    Si beaucoup d’actions se font comme ça, droite et gauche devront en tenir compte.

    MERCI RIVERAINS !Pierrestrato

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  • Néolibéralisme (Serge AUDIER)

    2012    636 p.   27 €

      Pour beaucoup, le néo-libéralisme constitue le phénomème majeur de notre temps. C'est lui qui donnerait la clé de la crise économique et financière, des nouvelles formes de management, ou encore de la "privatisation du monde". Il est pourtant difficile d'y voir clair à travers cette notion. Le néo-libéralisme, est-ce le "laisser-faire" ou bien l'avènement d'un Etat fort au service de la concurrence ? S'agit-il d'un modèle hyper-individualiste et libertaire, ou bien d'un nouveau conservatisme normalisateur ?

    Pour s'y retrouver, ce livre propose une généalogie internationale des idées néo-libérales depuis les années 1930, à travers ces moments que furent le Colloque Walter Lippmann (1938) et la société du Mont Pèlerin (1947). Il montre comment la crise du libéralisme, après le Krach de Wall Street, a entraîné des révisions et des réaffirmations doctrinales visant à sauver les idées libérales. Mais, loin de toute vision complotiste et linéaire, il soutient aussi que la redéfinition du libéralisme a fait l'objet de conflits féroces entre ceux que l'on appellera les "néo-libéraux".

    Sur cette base sont établies des distinctions historiques et conceptuelles entre des mouvements que l'on confond trop souvent : le conservatisme, le néo-conservatisme, le libertarisme et le néo-libéralisme. Revenant sur le travail des think tanks et des principaux théoriciens de ces mouvances, le livre montre aussi la présence de traditions nationales hétérogènes. Alors que la "droitisation" de l'Europe semble aujourd'hui en marche, une telle mise en perspective permet de mieux déchiffrer la crise de légitimité du capitalisme et les réponses politiques qui lui sont données.


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  • Le colloque Lippman (Serge AUDIER)

    2012   496 p.  12 € (Poche)

      La crise économique et financière que nous traversons a remis au coeur des interrogations la question du néo-libéralisme. Pour beaucoup, seul ce concept peut rendre compte des mutations que nous vivons depuis la grande vague libérale et individualiste portée par les gouvernements Thatcher et Reagan. Si nous disposons aujourd'hui de nombreuses reconstructions de la crise financière, beaucoup plus rares sont les généalogies intellectuelles du néo-libéralisme. Sait-on même d'où vient ce concept, et s'il a toujours signifié la même chose ?

      C'est en 1938, à Paris, lors du lieux Colloque Walter Lippmann, que le mot commence à pénétrer dans le débat public : pour répondre à la crise du libéralisme consécutive au krach de Wall Street, de nombreux économistes de premier plan - Hayek, Mises, Röpke, etc. - posent les bases d'un renouvellement du libéralisme. En rééditant les actes de ce Colloque, ce livre apporte ainsi un des documents les plus exceptionnels de l'histoire de la contre-offensive libérale mondiale. Mais il montre aussi à quel point la nébuleuse dite néo-libérale fut divisée entre plusieurs tendances, liées notamment à des particularités nationales - Autrichiens, Allemands, Américains, Français, etc. - qui perdureront dans la fameuse Société du Mont Pèlerin fondée en 1947. La présentation et la postface de Serge Audier, qui revient sur le contexte et la postérité du Colloque Lippmann, feront mesurer cette complexité en traçant une interprétation nouvelle qui examine l'apport et les limites des grands analystes du néo-libéralisme, de Michel Foucault à Pierre Bourdieu.

     
    Serge Audier, maître de conférences à l'Université Paris-IV Sorbonne est l'auteur de nombreux ouvrages, notamment:
      -Tocqueville retrouvé (Vrin/EHESS),
      -Les Théories de la République (La Découverte, 2002),
      - Machiavel, conflit et liberté (Vrin/EHESS, 2005), et
      -Henry Michel : l'individu et l'Etat (Corpus, n°48, 2005),
      -Le Socialisme libéral (La Découverte, 2006),
      -Célestin Bouglé, Les Idées égalitaires (Le Bord de L'eau, 2007).

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  • Peintures végétales avec les enfants (

    2012    160 p.  19,95 €

      Sept ateliers ludiques, dédiés aux enfants : l'atelier fabrication des couleurs : le rose avec les géraniums, le bleu avec le chou, le vert avec les orties, le brun avec le thé...

       L'atelier des techniques : fabrication de pinceaux, découpage, sels, bicarbonate, estampe, pochoir...

      L'atelier sable et l'atelier terre : gravures dans le sable, sable teint, pierres peintes...

       L'atelier maquillage : idéal avec ces peintures non-toxiques ! L'atelier secret des plantes magiques : encre invisible...

      Chaque atelier est clairement détaillé et s'accompagne d'illustrations stimulantes.

     
      Professeur d'art puis artiste indépendante, Helena Arendt vit et travaille en Suisse. Son œuvre tourne toujours autour de la nature, qui est sa principale source d'inspiration. Elle organise des conférences et des expositions pour illustrer l'immense potentiel des peintures naturelles.  

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  • 2012     304 p.     19 € 

     Préfaces de Jean-Marc de Boni et Claude Alphandéry
    Postface de Bernard Ginisty

    La Nef est une coopérative de finances solidaires largement atypique dans le paysage bancaire français, en raison de son exigence de transparence et de la finalité sociale, culturelle et écologique de son projet. Elle est devenue, au fil du temps, l'un des principaux acteurs de l'économie solidaire.

    Nathalie Calmé ne raconte pas seulement l'histoire de la Nef, mais trace aussi ses perspectives d'avenir, notamment la création d'une banque éthique européenne. Grâce aux nombreux entretiens réalisés, elle met l'accent sur les alternatives concrètes que la Nef soutient par le biais de l'épargne citoyenne qu'elle recueille. Ces alternatives se développent dans les domaines de la finance éthique, de l'agriculture biologique et biodynamique, des énergies renouvelables, de la vie culturelle et éducative, de la solidarité internationale, etc...

    Nathalie Calmé est écrivaine et journaliste. Elle a ainsi publié

       -Le souffle d'une vie. Entretiens avec Guy Aurenche. Préface de Stéphane Hessel (2011, Albin Michel),
     codirigé (avec Philippe Desbrosses)
      -Guérir la Terre (2010, Albin Michel), et dirigé
      -Gandhi aujourd'hui (2007, Jouvence).
       Elle préside ADIVASI (Association pour la DIVersité Active et la Solidarité Internationale)

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  • Le paradis à (re)conquérir (H. D. THOREAU)

    78 p.  3 €

     "Avec quelle rudesse et quelle brutalité traitons-nous la nature! Ne pourrions-nous pas la travailler avec moins de négligence? Après tout, n'est-ce pas ce que suggèrent toutes ces belles inventions-le magnétisme, le daguerréotype ou l'électricité? Ne pouvons-nous faire plus que couper et tailler la forêt, ne pouvons-nous contribuer à son économie intérieure, aider la circulation de la sève? Mais nous travaillons aujourd'hui de façon superficielle et violente. Nous n'imaginons pas tout ce qui pourrait être fait pour améliorer notre relation à la nature animée, ni tous les bienfaits que nous poumons en tirer. " Henry David Thoreau est considéré comme l'un des pères de l'écologie. En 1842, dans un article intitulé " le paradis à (re)conquérir", le jeune penseur critique les logiques industrielles qui se mettent en place à l'époque, et anticipe par là-même les travers de notre civilisation destructrice et matérialiste.


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    • Des millions d'arbres pour le Tamil Nadu

      Par Cyril Drouhet Mis à jour le 19/10/2012 | publié le 18/10/2012 (Le Figaro) 
      Lancé par Sadghuru, un maitre spirituel indien, le projet Green Hands vise la plantation de 114 millions d'arbres d'ici à fin 2015, Jacques rocher ( à droite) soutient ce programme avec la fondation Yves Rocher. Des milliers de bénévoles y participent.
      Lancé par Sadghuru, un maitre spirituel indien, le projet Green Hands vise la plantation de 114 millions d'arbres d'ici à fin 2015, Jacques rocher ( à droite) soutient ce programme avec la fondation Yves Rocher. Des milliers de bénévoles y participent. Crédits photo : Patrick Wallet

      REPORTAGE - Dans une région aride de l'Inde, Sadghuru, un maître spirituel, est en voie de réaliser un pari fou d'ici à 2015, grâce à des milliers de bénévoles et l'appui de la Fondation Yves Rocher : planter 114 millions d'arbres.

      Celui qui plante un arbre plante un espoir. Pour vérifier l'adage, ils sont des centaines ce matin-là à s'être rassemblés sur ce morceau de plateau désertique, à une trentaine de kilomètres de Coimbatore, au coeur du Tamil Nadu, Etat rural du sud-est de l'Inde. Des femmes drapées dans leur sari creusent un sol sablonneux appauvri par la sévérité d'une sécheresse endémique. Des enfants, accourus des écoles de la région, tiennent fièrement entre leurs mains un plant de santal rouge, de manguier ou de jaquier. Des hommes, ravinés par l'épreuve du soleil, portent des seaux d'eau, liquide précieux dont il ne faut pas perdre une goutte.

      Une armée de bénévoles forte de 300.000 planteurs


      Tous sont des volontaires de Green Hands, une ONG locale au service du reboisement qui, en quelques années, a formé une armée de bénévoles forte de 300.000 planteurs. Barbe grisonnante et fournie, le visage éclairé de ceux dont la bienveillance inspire la confiance, il se tient au milieu de ces paysans et leur prodigue quelques conseils avant de donner le signal.

       

      Des milliers de particuliers, mais aussi plus de 600 écoles de la région, créent des pépinières abritant parfois des milleirs de plants. plus d'une trentaine d'espèces sont élevées: des arbres fruitiers, mais aussi du bois de construction ou de chauffage.
      Des milliers de particuliers, mais aussi plus de 600 écoles de la région, créent des pépinières abritant parfois des milleirs de plants. plus d'une trentaine d'espèces sont élevées: des arbres fruitiers, mais aussi du bois de construction ou de chauffage. Crédits photo : Patrick Wallet

      Lui se nomme Sadghuru. Pour les Indiens, il est un maître spirituel, un sage, un être charismatique qui les inspire et leur ouvre la voie d'une nouvelle économie verte. Pour nous Occidentaux, il passerait volontiers pour un fou. Imaginez seulement un homme qui prend le pari de replanter 114 millions d'arbres d'ici à 2015, pour que le Tamil Nadu retrouve une couverture boisée de 33% de sa superficie. Imaginez encore qu'avec sa seule force de conviction, il puisse lever en masse les populations. Imaginez enfin que ce rêve impossible sera bientôt une réalité. Cette aventure, Jacques Rocher, président d'honneur de la Fondation Yves-Rocher, a voulu la partager. Conquis par l'ambition de Sadghuru de vouloir reverdir les déserts, cet entrepreneur, leader français de la cosmétique, s'est engagé à soutenir Green Hands à hauteur de 15 millions d'arbres. Ce jour-là, il peut observer avec satisfaction le résultat de son partenariat: en quelques minutes, près de 2 000 jeunes pousses viennent d'être offertes à la terre. Un bosquet, certes, mais l'effet multiplicateur de ces initiatives a déjà produit en quelques années des massifs forestiers entiers.
      Difficile aujourd'hui, quand on traverse ces paysages arides et décharnés, d'imaginer que le Tamil Nadu fut autrefois une terre vivante et verte. On dit même que les Tamils anciens vouaient une véritable vénération aux arbres qu'ils considéraient comme la demeure des esprits: le moindre abattage pouvait alors provoquer la colère d'une divinité et engendrer maladies, disettes ou mauvaises récoltes. Reste qu'à l'épreuve du temps, de la modernité et des récents caprices climatiques, les plaines, autrefois fertiles, se sont lentement appauvries jusqu'à mourir d'épuisement. Les forêts ont été coupées au hasard pour le bois de chauffage ou de construction, l'agriculture s'est nourrie d'engrais chimiques pour supporter artificiellement un sol sans vie, et la terre s'est alors couchée, nue, non protégée. Le soleil acide a fini de l'achever, l'a cuite, l'a laissée stérile.

       

      Dans le Tamil Nadu, la déforestation massive a conduit à l'épuisement des sols, appauvrissant la communauté rurale.
      Dans le Tamil Nadu, la déforestation massive a conduit à l'épuisement des sols, appauvrissant la communauté rurale. Crédits photo : Patrick Wallet


      En 2004, quand le tsunami s'est abattu sur les côtes du Tamil Nadu comme pour parachever la malédiction, Sadghuru a compris l'urgence de la situation: «Si l'on continuait dans cette voie, il y aurait un peu moins de Tamil Nadu, un peu moins d'Inde, un peu moins de Terre. Il fallait réconcilier l'Homme avec la nature, lui qui avait divorcé de son propre sol.» Et de citer joyeusement le poète américain Robert Frost pour marquer sa prise de conscience: «Il y avait deux chemins devant moi, j'ai pris celui qui était le moins emprunté, et là, ma vie a commencé.»

      Des arbres pour le bien-être de tous


      Débute alors un vaste mouvement de sensibilisation avec des mots qui font mouche, dans un pays qui doit faire face aux enjeux conjoints d'une démographie galopante, du développement et de l'urbanisation. Le Tamil Nadu compte 64 millions d'habitants, vivant majoritairement dans les campagnes, pour une superficie d'à peine un quart celle de la France. Sadghuru prêche la bonne parole et parvient à capter l'écoute en démontrant que planter des arbres ne se résume pas à un seul acte angélique, mais contribuera d'abord au bien-être de tous. Les enfants? Ils deviennent ses premiers ambassadeurs grâce aux pépinières que certaines écoles acceptent de développer. Garçons et filles s'affirment dès lors comme les protecteurs des plants qu'ils font germer, qu'ils arrosent avec soin, qu'ils veillent, qu'ils voient pousser et s'élancer. Quant au monde paysan? Il pensait qu'avec l'adoption de la monoculture, l'arbre se muait en son pire ennemi, en plongeant ses racines dans les champs, en réduisant les surfaces agricoles, en étouffant les semences. Il deviendra son meilleur atout. Car l'arbre permet d'éviter l'érosion des sols, il restaure la qualité de la terre, et l'ombre qu'il projette permet d'abriter de nouvelles cultures, du soja, des poivriers, des légumineux donnant jusqu'à quatre récoltes par an.
      Sadghuru prend le contre-pied d'une monoculture intensive qui a appauvri les fermiers, et prône la polyculture, où l'arbre est roi, et les sources de revenus considérablement accrues. Le tout, en parfaite autosuffisance sans recourir aux pesticides. Une initiative que ne renierait sans doute pas Pierre Rabhi, penseur de la biodiversité et farouche défenseur de l'agro-écologie, quand il affirme que notre planète vit une période de transition «entre un ordre qui meurt et un avenir à inventer». Selon lui, notre lien à la terre est si intime, si vital qu'en matière d'agronomie, il faut en finir avec le règne destructeur du tout technique et de la productivité, et éviter ainsi le pillage du vivant par la surexploitation humaine.

      850.000 arbres plantés en une journée

       

        Sadghuru et jacques Rocher devant un arbre vénérable. Deux hommes unis pour réussir un pari fou. Chaque année, disparait en forêt la surface du Portugal.
      Sadghuru et jacques Rocher devant un arbre vénérable. Deux hommes unis pour réussir un pari fou. Chaque année, disparait en forêt la surface du Portugal. Crédits photo : Patrick Wallet


      Les premières fermes modèles commencent à fleurir, le bouche-à-oreille se propage, l'enthousiasme gagne les coeurs, un élan inéluctable se dessine. C'est le moment que choisit Sadghuru pour frapper un grand coup. «La faiblesse de nos moyens est compensée par le nombre de nos bras», se plaît-il à préciser. En octobre 2006, il parvient à mobiliser des milliers de volontaires. En une seule journée, 850.000 arbres sont plantés aux quatre coins du Tamil Nadu: il entre dans le Guinness des records. En France, Jacques Rocher a eu vent de ce «miracle» indien. Il revient tout juste du Kenya où il a rencontré Wangari Maathai, prix Nobel de la paix aujourd'hui disparue. Cette protectrice de l'environnement s'érige en marraine de la reforestation sous l'égide de l'ONU. Par l'entremise de sa Fondation, Jacques Rocher promet de se battre à ses côtés et s'associe tout naturellement aux desseins du maître spirituel indien. «La démarche de Green Hands s'inscrit dans une démarche globale en associant les populations locales, les paysans et les écoles.


      Planter des arbres exige de s'inscrire dans le temps. Ici, les objectifs sont pharaoniques, mais réalistes. C'est pourquoi, nous accompagnons ces hommes et ces femmes dans leur action visionnaire.»Et c'est vrai que la planète vit aujourd'hui une situation de destruction massive de son milieu naturel. Chaque année, nous perdons 7,3 millions d'hectares boisés, la superficie du Portugal. Le phénomène a de quoi alarmer quand on sait que les forêts tropicales recouvrent 7 % de la superficie terrestre, et relâchent dans l'atmosphère 40% de l'oxygène que nous respirons. «Notre combat de replanter 50 millions d'arbres d'ici à fin 2015 peut sembler dérisoire aux yeux de certains, renchérit Jacques Rocher. Mais nous avons tous une responsabilité commune: soit on agit, soit on ne fait rien. Mon rôle consiste à transmettre une écologie positive de plaisir en touchant le coeur des gens: car l'arbre est symbole de pérennité et de transmission.»
      À l'école de Bungalowpudur, ces enfants, assis par terre, côte à côte, en sont la preuve: ils remplissent des petits sachets de terre enrichie pour y planter une graine. Ce sont eux qui vont montrer le chemin aux générations futures. Plus de 600 établissements scolaires ont intégré ce projet de replantation dans leurs programmes. Chacun produit plus de 2 000 plants par année, pour une trentaine d'espèces qui seront diffusées dans tout le Tamil Nadu. Un effet multiplicateur qui permettra bientôt d'atteindre l'objectif promis.

       

      Ces enfants de l'école de Bungalowpudur font partie des élève suivants un projet de replantation dans leurs programme.
      Ces enfants de l'école de Bungalowpudur font partie des élève suivants un projet de replantation dans leurs programme. Crédits photo : Patrick Wallet

      Thengaraju fait partie des 24.000 paysans qui ont suivi les indications de Sadghuru. Les 7 000 bananiers, manguiers ou cocotiers plantés il y a trois ans commencent à donner leurs fruits. Ses revenus annuels ont quadruplé pour atteindre désormais près de 600.000 roupies (environ 8 500 euros), un joli pactole quand on sait que les salaires dépassent ici rarement les 1 000 euros par habitant et par an. Notre homme veut désormais transmettre le message aux autres fermiers: «Qu'ils aient conscience du résultat obtenu pour à leur tour prendre le le relais.»
      Au nord du Tamil Nadu, à la frontière avec le Kerala, la réserve naturelle de Mandumalai abrite l'une des dernières forêts primaires de la région. Un espace réduit peuplé d'éléphants sauvages, de tigres et d'arbres millénaires. Un sanctuaire de la biodiversité, le vestige d'un monde ancien. Il était une fois un sage indien et un industriel français qui décidèrent d'unir leurs efforts pour reverdir la planète. Au nom de l'humanité et d'une certaine générosité. Contre le fatalisme et le catastrophisme. Ni l'un ni l'autre ne démentiraient les propos de Martin Luther King quand il déclara: «Si l'on m'apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier.» Pour un ultime espoir... -


      Plantons pour la planète

      C'est en 2007 que la Fondation Yves-Rocher - Institut de France lance sa grande opération de reboisement à travers le monde, avec l'engagement aujourd'hui de planter 50 millions d'arbres d'ici à la fin de 2015. Elle compte désormais 24 spots dans 21 pays (Ethiopie, Chine, Sénégal, France, Thaïlande...) et plus de 21 millions d'arbres ont déjà été plantés. Pour tout renseignement:

      www.fondation-yves-rocher.org


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  • Le cohabitat (Matthieu LIETAERT )

    2012   160 p.   17 €

       Les combinaisons entre aspects sociaux et pratiques, et entre vie privée et vie de quartier est à la base du succès du cohabitat de type danois dans les sociétés occidentales. Il apparaît de plus en plus évident que les communautés de type quasi pré-industriel ont plus que jamais un rôle à jouer dans un contexte urbain post-industriel, caractérisé par une flexibilité accrue du marché du travail, une séparation des lieux de travail et de résidence, et dès lors par une forte réduction du réseau social. Fondamentalement, le cohabitat aide non seulement à recréer des liens sociaux entre voisins, mais également à soulager du fardeau des tâches ménagères dans la vie quotidienne.
        Le livre comporte quatre paries et il reprend des écrits aussi bien d'experts internationaux que de militants qui vivent dans des cohabitats.
       La première partie pose la question du 'pourquoi' et introduit au concept du cohabitat comme il s'est développé depuis 40 ans.
      La seconde partie pose la question du 'comment' et donne des outils à quiconque voudrait commencer à réfléchir à son propre projet.
      La troisième partie présente une vue panoramique du mouvement des cohabitants dans différents pays européens et en Amérique du Nord.
       Enfin, la quatrième partie est un reportage audio-visuel (DVD), lauréat à l'Ekotopfilm festival, sur les pionniers du cohabitat au Danemark, en Suède et aux Pays-Bas.
     
      Matthieu Lietaert est docteur en Sciences Politiques et il est consultant auprès de groupes de cohahitat en Belgique, France et Italie. Il vient de terminer le film "The Brussels Business" sur le lobbying pour la RTBF et ARTE.  

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  •   Pinocchio : décernez votre prix !

    Peuples Solidaires participe à l’élection des "Prix Pinocchio 2012" organisée par les Amis de la Terre. Décernés aux multinationales qui ont le plus trompé le public en 2012, ces prix sont l’occasion de montrer le fossé entre les discours "développement durable" de certaines entreprises et la réalité de leurs actes.

    Neuf entreprises françaises sont nominées dans trois catégories :

    • Plus vert que vert : pour la campagne de communication la plus trompeuse au regard des activités réelles

    • Mains sales, poches pleines : pour la politique la plus aboutie en terme d’opacité et de lobbying

    • Une pour tous, tout pour moi : pour la politique la plus agressive en termes d’appropriation et de surexploitation des ressources naturelles.

    Imae Prix pinocchio

    Découvrez la liste des nominés et votez jusqu'au 12 novembre sur :

    http://www.prix-pinocchio.org/


     Vous pourrez en même temps apprendre comment se comportent ces compagnies, comportement qui ne fait pas les gros titres des grands médias populaires. Vous saurez ainsi sur quoi sont basés notre économie et les "bas " prix qui nous plaisent tant.

     

    Solidairement,

    Toute l'équipe de Peuples Solidaires.


    www.peuples-solidaires.org

    Contact : 10 quai de Richemont - 35000 Rennes (02 99 30 60 53)

     


    Souveraineté alimentaire, dignité au travail, droits des femmes : la fédération Peuples Solidaires soutient les femmes et les hommes qui, partout dans le monde, luttent pour leurs droits économiques, sociaux et culturels. Peuples Solidaires rassemble 70 groupes locaux, 11 000 membres individuels et est associée au réseau international ActionAid (www.actionaid.org).


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  • Semer pour résister (Josie JEFFREY)

    2012   128 p.  18 €

      

      Qu'est-ce qu'une bombe à graines ? D'abord, ce n'est pas un explosif, ni un produit comestible ! Une bombe à graines est une petite boule composée d'un mélange de terreau, d'argile et de graines. Le lancer de bombes à graines, ou Seedbombs, fait partie du mouvement de guérilla jardinière né dans les années 90 chez les Anglo-saxons. Cet acte militant nous incite à mieux connaître les plantes et à semer des graines de façon ludique et engagée. Si le lancer de graines permet d'embellir certains endroits désolés, il permet aussi de se réapproprier l'espace public et de l'investir de façon positive.
      Ce livre propose un petit historique du mouvement de lancer de graines, mais également les portraits de 41 plantes communes à semer. Et après la théorie, la pratique ! Dix recettes de bombes à graines sont détaillées ; certaines pour attirer les papillons, pour nourrir les oiseaux, d'autres pour avoir des fleurs colorées ou encore des plantes à parfum. De quoi devenir un adepte du lancer de bombes à graines !
     
      Josie Jeffery a grandi dans un bus avec toute sa famille. Durant leurs voyages, elle a appris à récolter des graines, à les semer et à s'occuper de jeunes plants d'arbres. Sa voie était toute tracée. Josie a étudié l'horticulture et est designer paysagiste. Depuis la fin des années 2000, les bombes à graines sont sa passion. Elle anime avec succès des ateliers de jardinage en Angleterre et a développé sa propre entreprise : SeedFreedom.  

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  • Révolution au potager (Guylaine GOULFIER)

    2012     191 p .   22,50 €

      Pour quelles raisons éviter de travailler le sol, de le mettre sens dessus dessous ? Quels sont réellement les bienfaits du compost ? A quoi peut bien servir le BRF (bois raméal fragmenté) au potager ? Y a-t-il vraiment de bonnes et de mauvaises associations de plantes ? Comment agissent les purins d'ortie et autres extraits de plantes ?

        Ce livre décrypte toutes les nouvelles pratiques du jardinage d'aujourd'hui et certainement de demain (mise en place de biomax, utilisation de JCAA ou thé de compost...). Ce faisant, il nous invite à partager une nouvelle façon de voir le sol, les plantes, le potager. Reposant sur des études scientifiques récentes, il offre une vision un rien révolutionnaire de ce monde passionnant encore à découvrir : si les plantes enrichissaient le sol et l'ameublissaient, si elles communiquaient entre elles et avec leur environnement, si elles savaient se défendre toutes seules contre les agressions...

      Il nous amène à reconsidérer le rôle du jardinier qui ne saurait tout contrôler mais devrait se contenter d'offrir aux plantes des conditions de culture qui leur permettent de déployer leurs multiples qualités et de croître harmonieusement.  

       


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  •  « OGM : l'agence européenne aux doubles casquettes

    lundi, 22 octobre 2012  (Nouvel OBS )

    Les deux avis délivrés mardi par le Haut conseil des biotechnologies (HCB) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), commis par le gouvernement pour tirer les conclusions de l’étude Séralini, constatent tous deux la quasi-inexistence des tests "vie entière" sur les animaux. Et que le travail du Professeur de Biologie moléculaire de Caen est par voie de conséquence une première.

    Une étude quasi sans précédent qui en appelle d'autres

    Imparfaite ou insuffisante, sans doute, contestable sur les interprétations des tumeurs décrites, la comparaison avec les groupes tests qui serait non significative et la "puissance statistique" insuffisante, c’est entendu. Mais une première. Et soit dit en passant une première nettement plus complète que beaucoup des études produites par les industriels et qui ne sont, elles, jamais publiées. Et jamais soumises, elles, aux questions de la communauté des chercheurs. 

    Si le HCB étrille des "conclusions spéculatives", notamment sur les interprétations apportées sur les tumeurs, l’Anses qui a des réserves analogues sur ce point, salue une étude "ambitieuse" et "originale" conduite "en mobilisant de larges moyens".

    Et si l’un et l’autre des organismes conclut, mais en des termes très différents, que le travail du Pr Séralini ne permet pas de "remettre en cause les précédentes évaluations du NK603", ils appellent cependant à l’unisson à des "études long-terme" "indépendantes" et même "contradictoires" sous les auspices de la "recherche publique". Que ne l’a-t-on fait plus tôt et spontanément ? Quelques oreilles doivent siffler ce soir à l’Inra ou au CNRS….

    Pour se convaincre du désert de ce chantier public, en France et ailleurs, sur des plantes pourtant associées à des produits phytopharmaceutiques, les deux organismes s’appuient sur une étude très instructive. Celle de José Domingo, publiée dans la revue "Environnemental International". Ce chercheur catalan du Laboratoire de toxicologie et de santé environnementale a réalisé deux fois de suite, en 2006 et en 2010, le tour complet des études de toxicité disponibles.

    Des études sur OGM et santé humaine "étonnament limitées"

    Lisez bien : "Environ 15 ans se sont écoulés depuis l'introduction des plantes génétiquement modifiées dans la nourriture, et des nouveaux produits OGM sont actuellement ajoutés à la liste existante. Toutefois, il ya 10 ans, nous avons déjà remarqué qu'il n'y avait pas suffisamment d'informations publiées concernant la sécurité des aliments génétiquement modifiés en général, et les plantes génétiquement modifiées, en particulier."

    "Plus précisément, le manque d'études toxicologiques publiées sur les effets indésirables sur la santé était évident (Domingo, 2000 ; Domingo-Roig et Gómez-Arnáiz, 2000). En 2006, 6 ans après que notre examen initial ait été publié, nous avons procédé à un nouvel examen de la littérature scientifique. Le nombre de références trouvées dans les bases de données était encore étonnamment limitées."

    "La plupart des études, poursuit-il, qui concluent que les aliments OGM ont une valeur nutritionnelle et une sûreté identique à celles obtenues par sélection classique, ont été effectuées par les entreprises de biotechnologie ou leurs associés, qui sont également responsables de la commercialisation de ces plantes".

    On est donc très loin des premières salves de critiques lancées contre Gilles-Eric Séralini qui soutenaient que les études académiques long terme étaient légions et démontraient l'innocuité des OGM comme deux et deux font quatre. Et que comme le titrait le Figaro : "Les animaux nourris aux OGM se portent bien". Après la reprise d'une d’une méta analyse française des recherches en cours qui, curieusement, ne citait pas l’étude de Domingo. Et qui, curieusement encore, ne provoquait pas de levée de boucliers après sa parution sans discussion contradictoire.

    Une carence pourtant à ce point béante que tant le HCB que l’Anses en appellent aujourd'hui l’un et l’autre à ces "études de long terme" manifestement introuvables sauf deux aboutissant à des conclusions contraires et qui souffrent l'une et l'autre d'insuffisances.

    Des études longue durée sur tous les OGM

    Mieux, l’Anses, qui s'est dotée d'un comité de déontologie et de pare-feux contre les conflits d'intérêt, élargit le champ à tous les OGM : "L’Agence recommande d’engager des recherches visant à décrire les effets potentiels sur la santé associées à la consommation sur le long terme d’OGM ou à l’exposition aux formulations psycho pharmaceutiques associées".

    A commencer par le Round'up. Des études qui viseraient non seulement les "substances actives" mais aussi les "coformulants", c’est à dire les adjuvants employés par les industriels pour mieux faire pénétrer l’herbicide dans les plantes. (1) Très exactement la revendication de Gilles-Eric Seralini depuis une bonne dizaine d’années et des chercheurs qui s’interrogent sur une éventuelle toxicité .

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    Le Foll pour une remise à plat de l'évaluation

    Oui, l’abcès est bel et bien crevé. Lorsque le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll déclare que "le gouvernement veut une remise à plat du dispositif européen d’évaluation, d’autorisation et de contrôle", il met la pression sur les autorités bruxelloises et l’Efsa (Agence de sécurité alimentaire européenne) qui n’a toujours pas rendu son avis définitif.

    Certes, Séralini n’a pas gagné sa guerre. Mais il a remporté une sacré première bataille soutenue par plus de 100 chercheurs dans le monde (voir texte en français). Une bataille qui permettra peut-être d’y voir plus clair sur la toxicité ou non des OGM résistants aux herbicides. D’ici… trois ans, le temps de les mener à bien et si le gouvernement satisfait les demandes du HCB et de l’Anses.

    Voilà en tout cas qui va permettre à Gilles-Eric Séralini de regarder ses nombreux détracteurs dans le blanc des yeux. Eux qui l’accusaient d’avoir choisi des rats qui attrapent le cancer comme la grippe et d'utliser des doses faussée. Un réquistoire repris encore vendredi dernier par six académiciens qui, sous le couvert de l’anonymat, excommuniaient courageusement le chercheur normand. Ils allaient même jusqu’à suggérer l'instauration d'un cabinet noir pour filtrer l’information scientifique !

    Les principaux griefs balayés

    Reprenons en effet les principaux griefs et écoutons la réponse de l’Anses. Les fameux rats ? "Il apparaît, note l’Anses, pertinent de choisir les Sprague Dawley qui sont les plus fréquemment utilisés dans le cadre de ce protocole". Leur nombre insuffisant ? "Un choix couramment utilisé dans le cadre des études de toxicité subchronique". Les doses de maïs OGM ? "Le protocole expérimental adopté est complet et standard". Le scandaleux financement par la grande distibution ? Même pas évoqué. Les "micotoxines" responables des tumeurs ? Oubliées. Il n'y en avait pas....

    Le "secret industriel" en passe d'être levé

    Mieux, Gilles-Eric Séralini aurait obtenu de l’Anses de pouvoir consulter les études des semenciers protégées jusque-là par le "secret industriel". Et il est alors probable qu’il rendra public de son côté les données brutes de sa propre étude comme il s’y était engagé initialement.

    L’étude de Séralini était donc bien l’événement que le "Nouvel Obs" a parfaitement eu raison de répercuter dans ses colonnes. Une première qui révèle la vacuité des tests menés jusque-là. Une étude toxicologique fort inquiétante qui doit maintenant, comme toutes les autres, être discutée puis évidemment, reproduite. Et surtout complétée par une étude de cancérogénèse que n’avait pas entrepris Séralini parce qu’il ne s’attendait pas à une telle explosion de tumeurs.

    La science et le dogme de "[l']équivalence en substance"

    Plutôt une excellente nouvelle ? Non. Pas pour l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) qui déclare ce soir qu’elle craint que "la proposition du HCB et de l’Anases de réaliser une nouvelle étude à long terme sur ce maïs NK 603 ne vienne décrédibiliser leurs propres conclusions rassurantes pour le consommateur".

    Mais en quoi les avis de l’Anses et du HCB sont-ils une demi-seconde "rassurants" ? Ils expliquent que les conclusions angoissantes de Séralini ne peuvent en l’état être retenues, mais qu'il n'en existe aucune autre pour démontrer le contraire. Et qu’il faut donc mettre en oeuvre d’autres travaux pour en avoir le cœur net. Qu’y a-t-il donc de si rassurant pour le consommateur ? Et pourquoi cette opposition systématique, opiniâtre et si constante aux tests de longue durée ? Qu’est-ce qu’un scientifique peut craindre de l’expérimentation avec tous les rats nécessaires et tous les moyens que n'avait pas Séralini ? Parce que la recherche publique lui avait refusé. Voir sur ce sujet les explications très franches de Gérard Pascal.

    A moins que l’ASBV ne considère que les plantes OGM conçues pour absorber des herbicides sans en être affecter et les plantes conventionnelles soint "équivalentes en substance". Qu’une fois pour toutes, il n’y a pas lieu de s’interroger ainsi que c’est l’usage aux Etats-Unis et au Canada en vertu du seul fait que les valeurs nutritives sont identiques.

    Question : ce dogme par ailleurs très contesté (voir l'article de Erik Millstone, Eric Brunner and Sue Mayer dans la revue "Nature") peut-il se hisser sans vérification au rang de vérité intangible ? Un principe commercial, fut-il adoubé par l'OCDE, autorise-t-il à s’affranchir de toute vérification en… longue et due forme ?

    Voir à ce sujet l'avis très argumenté du groupe des experts (GECU) commis par l'Anses, qui rappelle qu'un OGM n'est pas seulement une construction génétique résistant aux herbicides ou en secrétant. Et que l'action à long terme de ces herbicides est encore étudiée de manière très incomplète. C'est le coeur de l'énigme.

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    Guillaume Malaurie


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  • Manger local (Lionel ASTRUC )

    2011    176 p.    19,30 €

       Il y a au moins trois bonnes raisons de manger local.
      -D'abord, parce que notre approvisionnement dépend pour une trop large part d'importations en provenance de pays parfois lointains, ce qui le rend fragile.
      -Ensuite, parce que ces importations sont coûteuses en pétrole, et en pollutions qui viennent accroître le réchauffement climatique.
      -Enfin, parce que privilégier les "circuits courts" permet de renouer un lien avec les producteurs locaux et de savoir comment est produit ce que l'on mange.
      Comment faire pour manger local ? Retrouver la maîtrise de son alimentation oblige à réapprendre des gestes souvent oubliés (jardiner, préparer des conserves...) et à redécouvrir la coopération et l'entraide qui conditionnent la plupart du temps la réussite.
       Pour aider à cette grande "requalification", les auteurs de Manger local proposent vingt-six initiatives qui reposent sur des expériences réussies et facilement reproductibles, des plus simples à mettre en oeuvre (constituer un réseau de paniers, approvisionner une cantine en produits bio et locaux ou démarrer son potager) aux plus "engagées" (se réunir autour d'un jardin partagé, créer un éco-hameau, mettre les initiatives locales en réseau...). Chaque initiative est accompagnée de conseils pratiques pour l'adapter à son propre territoire, et d'adresses utiles pour se mettre en relation avec d'autres projets et passer à l'action.
       Après des études de sciences politiques, Lionel Astruc est devenu journaliste spécialisé dans l’environnement. Ses enquêtes le conduisent à visiter des projets écologiques pionniers. Ses reportages paraissent dans la presse et ont fait l’objet de nombreux livres, parmi lesquels:
      - Voyage en Terre durable (Glénat),
      - Echappées vertes (Terre Vivante),
      - Aux sources de l’alimentation durable (Glénat)…
      Cécile Cros, titulaire d’un master en gestion de l’environnement de l’université de Plymouth, en Grande-Bretagne, est chargée des relations extérieures et rédactrice à la Fondation Goodplanet.  

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  • ( R)évolutions... (Lionel ASTRUC)

    2012     290 p.    20,30 € 

       L’objectif, éminemment politique, de cet ouvrage est de proposer pour 2012 une alternative aux programmes court-termistes et consensuels qui pourraient être développés par les candidats lors de la campagne officielle pour les élections présidentielles. Il vise à offrir une perspective de long terme de ce à quoi la société pourrait ressembler d’ici trente à cinquante ans si nous prenons un véritable virage écologique et humain et si nous opérons un changement concret de paradigme.
       Si, ces dernières années, un grand nombre d’ouvrages et de films ont dénoncé les pires crises que traverse l’humanité, si d’autres se sont évertués à mettre en lumière des alternatives, force est de constater que très peu se sont attelés à la tâche d’offrir une vision articulée, écologique et positive de l’avenir.
        Loin des “yaka-fokon” et des déclarations d’intention pleines de bonne volonté, cet ouvrage met en lumière des solutions qui ont fait leur preuve, à petite comme à grande échelle, dans la plupart des domaines de la société. Pour chaque thématique, une personnalité “experte”, ayant développé une vision du sujet - voire souvent conduit ou observé une expérimentation -, propose en quelques pages des voies de transition concrètes, ainsi que les moyens à disposition de tous, qu’ils soient citoyens, élus ou entrepreneurs, pour les mettre en action. Chacune de ces propositions s’appuie sur un “cas pratique” : un exemple concluant mené à l’échelle d’un territoire européen (canton, département, région…). Au-delà d’une simple compilation, ces propositions sont mises en relation comme un véritable projet de société.
        Journaliste et auteur, Lionel Astruc se consacre aux thèmes de l’écologie et de l’économie solidaire. Il a écrit une dizaine d’ouvrages dont la plupart sont des enquêtes de terrain sur les filières de produits “durables” (alimentation, mode, tourisme…), en France et dans le monde. Il est également l’auteur de la biographie d’une icône mondiale de l’altermondialisme, l’indienne
        - Vandana Shiva (Terre Vivante, septembre 2011), et de
        - Manger local (Actes Sud, octobre 2011).  

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  • Manger tous et bien (Bruno PARMENTIER)

    2011     336 p.    21,30 €

        "Avant", les rapports à la nourriture étaient angoissants, mais simples : on voulait être sûr de manger demain et on espérait ne pas mourir après souper. Aujourd'hui, en France, on n'a plus faim, mais on n'a jamais autant parlé de nourriture ni d'agriculture. On réclame à la fois du simple, sophistiqué et pratique, traçable et biologique, équitable et local, rapide et diététique, équilibré et varié, traditionnel et moderne, issu du terroir et exotique...

       Mais surtout, on veut maigrir ! Sans oublier qu'ayant voulu gagner du temps, on a confié à d'autres une bonne partie de la préparation de notre nourriture, ce qui nous angoisse, car "on ne sait plus ce qu'on mange". On ne trouvera ici ni recette de cuisine, ni réquisitoire contre les responsables supposés de la "malbouffe", ni programme pour une vie meilleure. On y puisera en revanche quantité de réponses à des questions que chacun peut se poser :

       -qu'est-ce que manger, au fond, et surtout qu'est-ce que bien manger, à la fois seul le soir après une journée de travail et quand on reçoit des amis ?

      - Pourquoi, alors que l'espérance de vie augmente régulièrement, les maladies liées à la nourriture - obésité, allergies, intolérances, boulimie, anorexie - ne cessent-elles de proliférer ?

      - Pourquoi mange-t-on sans sourciller des OGM aux Etats-Unis alors qu'on s'y refuse en France ? Quelle est la réalité, et l'avenir, du bio et des circuits court ?  

      -Mais aussi, quels sont les problèmes que nous rencontrons avec les céréales, les fruits et légumes, la viande, le lait ?

       -Comment s'organiser pour manger à la fois mieux, tous et durablement ?

      - Le manger "bien" des uns est-il incompatible avec le manger "tous", à bientôt neuf milliards d'individus sur Terre ?

      -Quelles nouvelles relations inventer entre les agriculteurs et les consommateurs ?

       Un livre accessible à tous, consommateur de base tout comme spécialiste ou "décideur", pour aider chacun à élargir sa vision et se faire sa propre opinion.

     
       Bruno Parmentier, ingénieur des Mines et économiste, a dirigé dix ans le Groupe ESA (Ecole supérieure d'agriculture d'Angers). Il est l'auteur de Nourrir l'humanité, les grands problèmes de l'agriculture mondiale au XXIe siècle (La Découverte, 2007) et donne de nombreuses conférences.

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  • 2009      172 p.     35,50 € 

    Noix, coquelicot, sureau, blé, pomme, chardon, lierre... Autrefois, au fil des balades de «l'école buissonnière», plus de 150 plantes, arbres, légumes et fruits étaient utilisés pour fabriquer des jouets au naturel. En quelques minutes, avec ce que leur offrait la nature, petits et grands se confectionnaient un sifflet, un petit bateau, une fronde, une poupée ou une couronne de fleurs.

    Au fil des décennies, tous ces jouets simples et gratuits sont tombés dans l'oubli. Pourtant, intemporels, ils n'appartiennent pas au passé : la nature continue toujours de nous offrir généreusement sa matière première pour les recréer éternellement.

    C'est ce que nous raconte Christine Armengaud au fil des pages de ce beau livre de mémoire : à travers son travail d'ethnologue depuis plus de 30 ans d'abord, qui lui a permis de recueillir témoignages et pratiques (elle sait les fabriquer !) ; à partir aussi de sa fabuleuse collection de jouets non manufacturés et de livres anciens illustrés pour enfants, rares témoignages visuels de cette richesse... Une richesse à redécouvrir, et à faire découvrir à nos enfants.

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  •  11 Octobre 2012     Par Laurence Dequay  (Marianne)

    Embourbé dans le chômage de masse, notre service public de l'emploi ne parvient pas à remplir ses missions. Entre problèmes structurels lourds et anomalies bureaucratiques, il y aurait pourtant beaucoup à faire pour tenter de conjurer au mieux la conjoncture... Enquête sur une administration défaillante.


    (Lionel Cironneau/AP/SIPA)
    (Lionel Cironneau/AP/SIPA)
    Cela fait trois ans que Maurice* K. est inscrit à Pôle emploi. Trois ans que ce cadre commercial de 55 ans regarde avec angoisse les chiffres du chômage grimper, et le marché du travail se tendre. Trois ans, enfin, qu'il estime avoir été insuffisamment pris en charge par un service public défaillant. Alors, appuyé par la CGT Précaires, notre homme a porté plainte, le 10 septembre dernier, accusant son conseiller de Pôle emploi de ne l'avoir reçu que quatre fois depuis 2009, et de ne lui avoir jamais transmis les offres de travail existantes correspondant à son profil, l'obligeant ainsi en fin de droits à survivre d'un job à temps partiel de porteur de journaux. En référé, la justice administrative a, en première instance, tranché en sa faveur. Citant, même, dans ses ordonnances, le préambule de la Constitution de 1946 (« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi »), et la Déclaration des droits de l'homme. Mais, en appel, les magistrats ont annulé le référé, arguant que la condition d'urgence n'était pas remplie...

    Et pourtant. Au moment même où des milliers de Maurice K. reprochent au service public de les négliger, ce dernier renonce officiellement, faute de budget et faute de troupes, à convoquer mensuellement ses 4,73 millions d'inscrits. C'était pourtant, en 2008 encore, la grande ambition du nouveau service de l'emploi (né de la fusion entre l'ANPE et les Assedic) : offrir, comme en Angleterre ou en Allemagne, un soutien suivi et individualisé à chaque inactif. Mais, quatre ans plus tard, on est encore très loin des performances de nos voisins aux derniers pointages, Pôle emploi disposait d'un ratio de 71 agents à temps plein pour 10 000 chômeurs, contre 113 en Grande-Bretagne et 110 outre-Rhin.

    Renoncements contraints
      
    Tellement loin, donc, que le nouveau directeur de l'administration, l'inspecteur des finances Jean Bassères, a décidé de battre en retraite : désormais, les 45 400 conseillers de Pôle emploi ne seront plus tenus d'organiser que quatre rendez-vous au cours des neuf premiers mois d'inactivité. Et seuls les 300 000 inscrits les plus éloignés de l'emploi se verront proposer un suivi plus assidu, avec des agents n'ayant pas plus de 70 chômeurs dans leur portefeuille. Sans doute faut-il reconnaître à la démarche un certain pragmatisme, comme l'ont fait le gouvernement et la CFDT. Reste qu'en période d'explosion du chômage ces renoncements contraints par l'absence de moyens paraissent insupportables aux inscrits.

    Et les choses ne sont hélas pas près de s'arranger. D'abord parce que le sous-emploi de masse est en train d'enrayer totalement ce service public, dont les bénéficiaires comprennent de moins en moins le fonctionnement. Ces derniers temps, en effet, Pôle emploi a dû faire face à une explosion du nombre de ses inscrits (+ 7 % au premier semestre 2012), tandis que le nombre d'offres de recrutement, lui, chutait.

    Ajoutez à cela que la qualité des jobs proposés, elle, s'est drastiquement dégradée en 2011, 11 millions de contrats portaient sur une durée inférieure à une semaine et vous comprendrez pourquoi, désormais, 62 % des dossiers traités par Pôle emploi concernent les cas complexes de chômeurs enkystés comme Maurice K. dans un dispositif dit d'« activité réduite », cumulant, au mois le mois, des petits jobs éphémères aux salaires ultrachiches, avec un peu d'allocation de retour à l'emploi (ARE), une pincée de revenu de solidarité active (RSA) ou encore un bout d'allocation spécifique de solidarité (ASS). Un dispositif si alambiqué que, selon la dernière enquête de l'Unedic, 92,4 % des bénéficiaires en ignorent les règles précises d'indemnisation ! Et, côté administration, c'est une galère sans nom.

    « Cette énorme surcharge de travail embourbe Pôle emploi », s'alarme ainsi Jean-Louis Walter, médiateur de ce service public, et ancien secrétaire général de la CFE-CGC. De sorte qu'en cette rentrée les 32 000 conseillers en charge de l'accueil des chômeurs ne consacrent que deux ou trois demi-journées par semaine à cette activité.
     
    Propositions de postes rares
      
    Autre aberration qui vient plomber l'agenda des conseillers : en plus d'une bureaucratie de plus en plus chronophage, il leur faut aussi dénicher les offres d'emploi auprès des entreprises. Car, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, la grande majorité des propositions de postes échappent à Pôle emploi (50 % du marché ouvert !). Et, crise oblige, celles qui finissent par passer par les listes du service public se raréfient ( 16,8 % sur un an). « En 2013, on ne va quand même pas les inventer, les jobs ! » s'inquiète Stéphanie Drouin, conseillère dans la banlieue de Toulouse, où Sanofi lance de sévères restructurations. Pour elle, comme pour beaucoup de ses collègues, ce n'est hélas pas la création de 2 000 postes d'agents de Pôle emploi annoncée en juin par Michel Sapin qui viendra à bout du problème.

    « La nouvelle majorité a beau avoir fait de la lutte contre le chômage une priorité nationale, c'est le serpent qui se mord la queue, critique Emmanuel M'Hedhdi, du SNU Pôle emploi FSU. Comment allons-nous convaincre en 2013 des patrons d'embaucher des jeunes en contrat d'avenir ou de génération si nous ne connaissons pas précisément leurs besoins ? » Même constat du côté du médiateur, Jean-Louis Walter, qui regrette que la collecte des postes disponibles « soit devenue la variable d'ajustement de l'activité de Pôle emploi ». « Quand un conseiller n'a pas d'offre à transmettre à un chômeur, tous les discours qu'il lui tient sur la nécessité de se former tombent un peu à l'eau », ajoute cet Alsacien de 60 ans à la bouille ronde.
     
     

    Formations opportunistes

    La formation, c'est justement le nerf de la guerre contre le chômage. C'est dans la formation, en effet, que réside le succès des services de placement scandinaves, et les insuffisances de notre système à cet égard constituent un véritable scandale. Sans cet instrument (dont le financement et le fonctionnement dépendent en grande partie des régions), Pôle emploi a vite fait de se transformer en agence d'intérim au rabais. « Le service public n'a pas vocation à appeler des chômeurs à 22 heures pour leur proposer un boulot de nuit qu'un employeur a posté à 20 heures, comme je l'ai déjà vu ! tonne Gaby Bonnand, ancien président de l'Unedic, et auteur d'un livre sur Pôle emploi (1). Nous devons à tout prix sortir de ce court-termisme. » Un défi qui suppose une meilleure adéquation entre les formations financées par les régions et les besoins des salariés fragilisés.

    Car, on peut le regretter, Pôle emploi propose surtout des formations opportunistes, sur les métiers dits en tension BTP, commerce, aide à domicile, ou des préparations opérationnelles sur des embauches ciblées. Par ailleurs, tout le dispositif de formation des chômeurs est pénalisé par le naufrage de l'Afpa, une association à but non lucratif qui dispense de l'apprentissage aux métiers manuels, avec laquelle Pôle emploi collabore fructueusement depuis des décennies.

    Chômage de masse qui enraye la machine, manque de temps et d'agents pour s'occuper des demandeurs d'emploi et pour dénicher des offres, dégradation du dispositif de formation... A ces problèmes structurels lourds s'ajoutent des aberrations administratives qui pourrissent la vie des chômeurs. A ce titre, l'exemple des « contrôles suspensifs » est édifiant : les malchanceux tirés au sort par Pôle emploi (pour vérifier la régularité de leur situation) sont privés d'indemnités pendant la durée des contrôles. « Les chômeurs ont beau être patients dans leur très grande majorité, c'est le genre d'épreuve qui fait monter la tension au guichet ! » se désole Suzanne, conseillère dans le sud de la France, où les arrêts pour maladie de ses collègues repartent à la hausse...
     

    Fragilité financière

    Dans cette veine kafkaïenne, on peut également signaler l'absurdité des radiations rétroactives : souvent, les ordinateurs biffent les demandeurs d'emploi de leurs listings sans attendre que le chômeur reçoive un courrier motivant sa désinscription, comme le voudrait la loi (2). Un dysfonctionnement qui plonge certains dans une grande fragilité financière certains chômeurs apprenant dix ou vingt jours plus tard que leurs subsides ont été coupés. « Cette pratique nous expose à de nouvelles poursuites judiciaires », prévient Jean-Louis Walter. Mais l'Unedic, par pingrerie, préfère attendre la sanction du Conseil d'Etat pour l'interdire. Bravo, les partenaires sociaux !

    Pour ces petits scandales du quotidien comme pour les problèmes structurels, syndicats et patronats ont du pain sur la planche. Et les discussions qui s'ouvrent ces jours-ci sur la sécurisation de l'emploi seront décisives. « Si on ne nous donne pas plus de moyens, nous allons droit dans le mur », martéle le secrétaire général de l'Unsa Pôle emploi, Dominique Nugues. Rêveur, il se souvient que, pendant la présidentielle, le député PS Alain Vidalies, alors pressenti pour la Rue de Grenelle, n'excluait pas d'aller plus loin que les 10 % des cotisations reversées aujourd'hui par l'Unedic à Pôle emploi, afin de passer le périlleux cap de 2013. Une audace bienvenue qui permettrait peut-être à Maurice K. et à des milliers d'autres de retrouver un travail...

    * Le prénom a été modifié.

    (1) Pôle emploi : de quoi j'me mêle, de Gaby Bonnand, éditions de l'Atelier.

    (2) Les chômeurs en difficulté peuvent s'adresser au site recours-radiation.fr
     
    Quand on y met les moyens, ça fonctionne !

    Jamais Anita, ancienne femme au foyer, ou François, ex-ouvrier agricole, ne se seraient imaginés chevauchant d'énormes compacteurs pour construire une ligne de TGV. Pourtant, dès 2013, ces deux anciens chômeurs, et quelque 900 autres, participeront à la construction de 302 km de voie entre Tours et Bordeaux. La preuve que, lorsque Pôle emploi travaille en bonne intelligence avec les employeurs (ici : Cosea, le consortium d'entreprises chargé de livrer ce tronçon) et avec la région (dans ce cas : Poitou-Charentes, qui a largement financé les formations), la France peut recruter 1 800 personnes dans le BTP en un temps record. Fût-ce pour des missions de deux à trois ans ! « Dès 2011, sur les 3 000 demandeurs d'emploi que nous avions sollicités, plus de 2 000 se sont présentés, raconte avec bonheur Dominique Morin, directeur de Pôle emploi Poitou-Charentes. Mille six cents ont été retenus après une première réunion, et 900 sont ensuite entrés en stage. » Pour les encadrer, Pôle emploi a installé neuf de ses conseillers chevronnés dans les bureaux de Cosea à Poitiers et sur l'ensemble du tracé. Ne manquent plus à l'appel, sur cet énorme chantier, que quelques centaines de coffreurs dotés d'un bon tour de main. A bon entendeur...
     

     Article paru dans le n°807 de Marianne daté du 6 octobre 2012.


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  • 2008     205 p.    21,90 €

          Les bons jardiniers savent que le sol est tout sauf une substance inerte. Un sol en pleine santé fourmille de vie - pas seulement de vers et d'insectes, mais d'une quantité stupéfiante de bactéries, de champignons et d'autres micro-organismes. Lorsque nous utilisons des engrais chimiques, nous portons atteinte à la vie microbienne qui normalement suffit à satisfaire les besoins des plantes. Dans le même temps, nous nous rendons de plus en plus dépendants de tout un arsenal de substances artificielles, dont beaucoup sont toxiques pour les humains comme pour les autres formes de vie.

        Mais il existe une alternative : jardiner d'une façon qui renforce, au lieu de le détruire, le sol et son réseau alimentaire, ce réseau fragile et complexe d'organismes vivants dont les interactions créent un environnement favorable aux plantes. Dans cet ouvrage clair qui évite le jargon et les termes trop techniques, vous ferez mieux connaissance avec les différents organismes qui composent le réseau alimentaire du sol. Vous apprendrez ensuite comment l'entretenir et le régénérer afin d'optimiser la qualité de ce sol grâce à l'emploi de compost, de jus de compost et de paillis, et quelles solutions favoriser en fonction de la composition de votre jardin (pelouse, potager, arbres et arbustes, vivaces et annuelles...). Bref, si vous voulez faire pousser des plantes vigoureuses et en bonne santé tout en cultivant votre jardin sans recourir aux produits chimiques, ce livre est fait pour vous.
       Jeff Lowenfels est un journaliste spécialisé dans la nature. Il rédige depuis plus de vingt ans une colonne hebdomadaire dans l'Anchorage Daily News et anime toutes les semaines une émission de radio.
      Wayne Lewis est jardinier. Il a depuis vingt ans travaillé avec Jeff Lowenfels sur de multiples projets, parmi lesquels le programme " Un rang pour ceux qui ont faim " (Plant a Row for the Hungry), qui encourage les jardiniers à céder une partie de leurs récoltes à des organisations caritatives.  

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  •   Le "jugaad", secret de la réussite de l'Inde

    | 15/08/2012
     

    Rencontre avec Navi Radjou autour du concept indien de "jugaad" ou innovation frugale, dans un contexte de raréfaction des ressources. Doit-on alors s'inspirer de l'Inde?

    Le "jugaad" devrait être le mot d’ordre de 2012. Et pour une fois, ce modèle ne vient pas de l’Occident. Pour le trouver, il faut aller en Inde. En hindi, le "jugaad" définit une espèce d’improvisation ingénieuse, une sorte de système D face à l’adversité.

    Ce concept séduit au point que deux nouveaux livres sur le sujet sont sortis quasiment en même temps aux Etats-Unis: Reverse Innovation de Vijay Govindarajan et Chris Trimble, et Jugaad Innovation de Navi Radjou, Jaideep Prabhu et Simone Ahuja.

    Youphil.com: Qu’est-ce que l’innovation "jugaad"?

    Navi Radjou: Nous sommes partis d’un constat, l’innovation occidentale n’apporte pas les résultats espérés. Booz & Company a montré que les 1000 entreprises qui dépensent le plus en recherche et développement (R&D) y ont consacré 500 milliards de dollars en 2010 (soit près de 387 milliards d'euros), un chiffre faramineux. Et pourtant, les rendements ont été très limités. Pour comprendre, nous avons regardé les modèles alternatifs, comme l’Inde et les autres BRICS qui ont un taux de croissance de 6 à 10%.

    Quel est donc le secret de l’Inde? Pas de formule magique, mais plutôt une mentalité particulière: le "jugaad". Les Indiens ont appris à développer des solutions frugales et économes - car faibles en coûts et en ressources naturelles - qui sont par-dessus tout flexibles. L’enjeu principal est cette capacité à changer de modèle économique et à s’adapter à chaque changement. Le "jugaad", c’est donc la capacité d’improviser une solution efficace face à un problème, dans un contexte où les ressources sont limitées et les contraintes nombreuses. Ce qui est le cas en Inde.

    Youphil.com: Un exemple de "jugaad"?

    N.R.: L’Inde est la capitale du diabète, qui est devenu une véritable épidémie. Un diabétologue qui travaille dans le sud de l’Inde, le docteur Mohan, est parti du constat que les gens ne se soignaient pas. Il s’est demandé pourquoi c’était toujours aux patients d’aller voir les docteurs. Au lieu d’adopter la manière classique d’approcher cette question, il a retourné le problème.

    C’est comme ça qu’il a décidé d’amener le docteur au malade en créant un service mobile de télémédecine qui permet de faire des diagnostics par satellite. Il a aussi formé un réseau de personnes pour faire le suivi. Or, c’est un service utile, flexible mais aussi économe car il réutilise un système satellitaire déjà existant, mis à disposition gratuitement par le gouvernement. Plus de 50.000 personnes ont été diagnostiquées grâce à ce modèle.

    Youphil.com: A quoi sert l’innovation "jugaad" en Inde?

    N.R.: Le "jugaad" comble un vide institutionnel. Compte tenu des déficiences du pays au niveau de ses infrastructures, c’est une forme de palliatif mis en place par des innovateurs sociaux. Ce phénomène s’explique par le fait que les Indiens n’ont pas envie d’attendre que les choses changent. Ils préfèrent retrousser leurs manches. Or, l’Inde est un pays très diversifié qui est en mutation constante. Les problèmes sociaux aussi sont une cible mouvante et c’est un vrai enjeu. Tout est en flux et c’est pour ça que le "jugaad" prospère.

    Youphil.com: Qu’est-ce qui a permis le développement du "jugaad" en Inde?

    N.R.: L’Inde est le cas-type car elle réunit les quatre facteurs propices au "jugaad". D’abord, la rareté et ce, dans tous les domaines: ressources, infrastructures, services, etc. Ensuite, la liberté: c’est une démocratie avec une société civile forte qui permet une innovation qui part de la base.

    Puis, la diversité. Les conditions géographiques et culturelles diffèrent tellement de région en région que des solutions à l’emporte-pièce ne suffisent pas. Les produits et les services doivent être adaptés aux besoins spécifiques des gens. Or, cela force à être flexible. Une entreprise comme SELCO a su s’adapter aux différents besoins des villageois indiens en leur fournissant un accès à de l’énergie solaire personnalisé, en fonction des besoins de chacun. Aujourd'hui, 200.000 familles vivant dans des villages reclus de l’Inde y ont accès.

    Enfin, dernier élément, l’interconnectivité. L’infrastructure mobile permet aux entreprises de faire de grands bonds en avant. En Inde, 600 millions de personnes n’ont pas de comptes bancaires, mais 800 millions ont des téléphones portables. On peut utiliser cette connectivité pour développer l’accès aux banques ou encore, comme le fait Nokia en Inde, pour fournir aux agriculteurs un service d’information, sur les conditions météorologiques ou sur les prix du marché, dans leur langue locale, en temps réel par SMS (au cout de 1,25 dollar par mois). L’interconnectivité est centrale car elle permet de pallier la rareté.

    Youphil.com: Qui sont les entrepreneurs "jugaad"?

    N.R.: Avant tout, ce sont des entrepreneurs sociaux, qui sont les pionniers en la matière. Puis il y a les grandes entreprises. Par exemple, à la suite d’un conflit politique, Tata a mis seulement quatre jours pour trouver un site de remplacement au Gujarat pour l’usine qui devait fabriquer la Tata Nano dans le Bengale-Occidental. Ils ont même construit cette nouvelle usine plus rapidement que la première. Personne n’aurait cru cela possible en si peu de temps. Ils ont montré qu’ils étaient capable d’improviser, et vite. Enfin, il y a les multinationales occidentales dont GE, Nokia, Pepsico ou Renault Nissan, qui passent beaucoup de temps en Inde pour s’imprégner de l’esprit "jugaad".

    Youphil.com: Vous parlez dans votre livre* du rôle que les générations Y et Z en Occident jouent pour retrouver une forme d’innovation "jugaad". Est-ce le cas aussi en Inde?

    N.R.: Le "jugaad" existait dans les pays développés, mais il a disparu. Aux Etats-Unis et en Europe, les enfants du millénaire sont ceux qui permettront d’y revenir. Pour l’instant, en Inde, le "jugaad" transcende les générations et surtout les classes socio-économiques. Les innovateurs "jugaad" sont d’ailleurs bien souvent peu scolarisés. Mais dans le futur, les générations Y seront aussi à la source des innovations en Inde. La moitié de la population indienne a moins de 25 ans, et ces jeunes comprennent mieux que quiconque un des aspects fondamentaux du "jugaad": l’interconnectivité. Peut-être parlerons-nous prochainement d’un "jugaad" 2.0, qui reposera principalement sur les technologies de pointe.

    Youphil.com: Vous dites que le "jugaad" doit être adopté par l’Occident. Quels sont les défauts de l’innovation occidentale?

    N.R.: Il y a en plusieurs. Elle est trop coûteuse et peu flexible avec des processus de développement des produits et des services qui sont rigides. Elle est aussi élitiste car elle est perçue comme une fonction pratiquée par les "chosen few" (les heureux élus) au sein d’une même entreprise. Or, les médias sociaux nous montrent bien que tout le monde peut être un innovateur. Le "jugaad" est par définition du "bottom-up". Il part de la base. Répondre aux problèmes de manière moins centralisée permet plus de résilience et d’adaptation. Mais cela va poser problème aux dirigeants! Ils vont devoir apprendre à lâcher prise.

    Youphil.com: Votre livre* se base surtout sur des cas d’entrepreneurs sociaux qui cherchent à pallier un problème social. Et pourtant, on y retrouve souvent l’idée de "faire mieux, plus vite et moins cher". Finalement, le "jugaad" s’adapte à tout?

    N.R.: "Faire mieux, plus vite et moins cher" est une méthode, une approche. Les entrepreneurs sociaux ont été obligés d’adopter cette méthode pour faire face à des problèmes qui étaient tellement complexes et qui renfermaient tellement de contraintes qu’ils devaient pouvoir s’adapter. Or, nous estimons que le monde occidental va être confronté à des contraintes de plus en plus similaires à l’Inde: le profil des consommateurs va devenir assez semblable à celui des Indiens, les ressources naturelles seront rares et la compétition sera grandissante.

    Aux Etats-Unis, 60% de la population a un accès limité ou inexistant aux banques. Wal-Mart, qui est un supermarché, a développé des centres financiers. On a donc affaire au même type de consommateur et à une compétitivité croissante. Dans ce cas, celle-ci vient des Etats-Unis mais d’un autre secteur que le secteur bancaire. L’innovation "jugaad" sera alors nécessaire.

    Youphil.com: Le "jugaad" peut-il vraiment être la solution aux problèmes sociaux de l’Inde à grande échelle?

    N.R.: Ce qu’il faut comprendre c’est que l’Inde a 1,2 milliard d’habitants. Il n’y a donc pas un problème indien, mais 1,2 milliard de problèmes indiens. Le "jugaad" peut résoudre les problèmes, mais il faut abandonner notre vision européenne. Se contenter de changer d’échelle ne suffit pas. Il faut aussi adapter son champ d’action qui doit être personnalisé. Finalement, l’enjeu n’est pas seulement "scale" (le changement d’échelle) mais aussi "scope" (la personnalisation du champ d’action). L’innovation centralisée ne fonctionnera pas. Il faut une innovation polycentrique, différenciée avec une redéfinition de l’échelle.

    Youphil.com: Ce fractionnement des solutions est-il soutenable?

    N.R.: Selon la Banque mondiale, si l’Inde était capable de partager les pratiques qui fonctionnent, son PIB pourrait encore augmenter de 2 à 3%. Ce système différencié ne fonctionnera que s’il y a interconnectivité. Et c’est là que le gouvernement rentre en jeu. Sam Pitroda, président du National innovation council, est en train de bâtir un réseau informatique qui va permettre de disséminer les bonnes pratiques en ce qui concerne par exemple la gestion de l’eau ou la santé dans tout le pays. C’est un projet crucial. Le gouvernement fédéral peut donc aider au niveau de l’infrastructure. Et dans un pays de la taille de l’Inde, les gouvernements régionaux peuvent s’occuper du changement d’échelle.

    Quant au reste, un partenariat entre les grandes entreprises et les entrepreneurs sociaux est inévitable. Ces derniers sont les premiers acteurs du "jugaad": ils innovent depuis la base et savent offrir des services personnalisés qui arrivent en complément des produits existants. Le partenariat est la seule manière d’exposer les entreprises. La coexistence de ces deux acteurs sera un grand enjeu en Inde.

     * "Quand l'Inde s'éveille, la France est endormie" de François GAUTIER

    > Cet article a d'abord été publié dans la lettre professionnelle "Tendances de l'innovation sociétale".

    Crédit: Le Xav'./Flickr 


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  • Quand l'Inde s'éveille  (François GAUTIER)

    2012      155 p.    15,90 €

     Ecrivain et journaliste français, François Gautier fut le correspondant en Inde et en Asie du Sud du Figaro, durant huit ans. Auteur de Un autre regard sur l'Inde, La Caravane intérieure et Les Français en Inde, François Gautier est aujourd'hui le rédacteur en chef de la Nouvelle Revue de l'Inde.

      Nul besoin d’être prophète aujourd’hui pour se rendre compte que l’Inde est la prochaine grande puissance en Asie. Il se pourrait même que ce pays démocratique, libéral et pro-occidental
    devance la Chine. D’ailleurs, les Américains sont en train de miser politiquement sur le sous-continent indien, d’une immense importance géostratégique. Pourtant, nous, Français, nous trouvons une fois de plus à la traîne, complètement obnubilés par la Chine. Peut-être faudrait-il donc examiner quelles oeillères laissent la France endormie tandis que l’Inde s’éveille, les dix clichés qui perdurent et nous empêchent de poser un regard économique et même politique sur la prochaine grande puissance mondiale.


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  •  Stop aux agrocarburants, maintenant !


                     Chers ami(e)s de la forêt tropicale,

    L'Union européenne (UE) est en train de redéfinir sa politique sur les « biocarburants ». La loi européenne oblige à l'incorporation de ces agrocarburants par millions de tonnes dans l’essence et le gazole de nos automobiles. La Commission européenne est en train de présenter des propositions qui doivent être adoptées par le Conseil des ministres et le Parlement européen.

    A ce jour, il est devenu clair pour tous les participants que les agrocarburants sont nocifs et leur encouragement démentiel. L'énergie produite à partir de denrées alimentaires comestibles exacerbe la faim dans le monde. L'expansion des plantations sur d'immenses territoires se fait au prix des forêts tropicales et de la biodiversité. D'énormes quantités de CO2 sont rejetées dans l'atmosphère et participe au réchauffement climatique mondial.

    Mais les lobbies industriels font pression auprès des institutions européennes pour qu'elles ne changent pas leur politique de soutien aux agrocarburants. Car l'incorporation obligatoire, les avantages fiscaux et autres subventions représentent un marché de plusieurs milliards d'euros.

    Nous réclamons la fin de la folie des agrocarburants ! Signez notre pétition adressée à l'Union européenne :

    PÉTITION

    En vous remerciant pour votre participation,

    Sylvain Harmat       Sauvons la forêt
    info@sauvonslaforet.org
    www.sauvonslaforet.org


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  • OGM : mettre fin à 15 ans de "débat stérile"

    Créé le 10-10-2012
     

    "Il faut sortir du mythe de l'expertise indépendante pour instituer l'expertise contradictoire", explique Gilles-Eric Séralini.

    Gilles-Eric Séralini. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

    Gilles-Eric Séralini. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

    Le professeur Gilles-Eric Séralini, auteur d'une étude tendant à démontrer la toxicité d'un maïs OGM, a appelé mardi 9 octobre les députés à instituer les conditions d'une "expertise contradictoire" pour mettre fin à quinze ans de "débat stérile" sur les organismes génétiquement modifiés.

    "Il faut sortir du mythe de l'expertise indépendante pour instituer l'expertise contradictoire", a-t-il lors d'une audition devant les commissions du développement durable et des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

    Le député UMP Bernard Accoyer, qui avait mis en cause dans la journée une audition "précipitée", a de nouveau contesté avec virulence l'étude du biologiste, notamment sur sa médiatisation ou son financement.

    Nous ne parviendrons pas à apaiser le débat sans mettre sur la table l'ensemble des analyses de sang qui ont permis l'autorisation de ces produits, sinon nous sommes au Moyen âge de la connaissance scientifique", a répondu le Pr Seralini, appelant les députés à demander la levée du "secret illégal" sur les données ayant permis les autorisations d'OGM.

    De plus, "il faut instituer l'expertise contradictoire", "avec chacun démasqué", a-t-il ajouté, pointant les "intérêts industriels importants à réduire l'ampleur et la longueur des tests".

    "Les tests réglementaires doivent être publics, indépendants des compagnies et soumis à l'expertise contradictoire pour que nous puissions enfin sortir des débats stériles", qui durent "maintenant depuis 15 ans", a-t-il ajouté.

    Bernard Accoyer, dans un courrier à la présidente de la commission des Affaires sociales, avait jugé "surprenant" que cette audition "intervienne avant même que les parlementaires puissent disposer des conclusions sur la validité scientifique de l'étude en cause de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) et du HCB (Haut conseil des biotechnologies)".

    Le député PS du Gers, Philippe Martin, a toutefois remercié les commissions concernées, estimant que "cette réunion est moins précipitée que les commentaires des détracteurs" du Pr Séralini.


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  •   130 ONG exigent la transparence et réclament la suspension provisoire des autorisations du Maïs NK603 et du Roundup
    ...'Tous Cobayes': retrouvez ce nouveau film de J Paul Jaud près de chez vous !

        Santé publique:

    Suite à la publication de l’étude toxicologique à long terme par l’équipe du professeur Gilles-Eric Séralini , 130 organisations de la société civile (dont le WWF, Greenpeace, Générations Futures, le Réseau Environnement Santé, ATTAC, CAP21, le collectif Roosevelt 2012, la Confédération Paysanne,…) signent un appel commun. Cet appel a été remis ce jour aux autorités publiques compétentes (Premier ministre, Ministres de la recherche, de la santé, de l'agriculture et de l'environnement...), afin de prendre les mesures de précaution nécessaires dans l’intérêt général.

    OGM - Santé publique : Appel des organisations de la société civile
    « La publication de l’étude toxicologique à long terme par l’équipe du professeur Gilles-Eric Séralini1 conclut à la toxicité d’un maïs OGM tolérant au Roundup (NK603) et du Roundup lui-même, l'herbicide le plus utilisé au monde. Face à la gravité des conséquences sanitaires possibles, les organisations signataires s’inquiètent, et ce d’autant plus qu’elles constatent que les principales critiques de cette étude proviennent des membres des comités d’évaluation à l’origine de l’autorisation dudit maïs. Elles demandent donc la suspension provisoire des autorisations du maïs NK603 et du Roundup.
    De plus, elles demandent la transparence sur les études d’évaluations des risques sur la santé et l’environnement ayant conduit à l’autorisation (culture ou importation) dans l’Union européenne des OGM et des pesticides. Elles exigent la communication des données brutes de ces études sur un site public en ligne et sous une forme exploitable statistiquement, pour permettre à l’ensemble de la société civile de réaliser ou commanditer toute contre-expertise. Cette exigence de transparence concerne en priorité les données brutes des études ayant conduit à l’autorisation :
    - du maïs OGM NK603, autorisé à l’importation et à la consommation en Europe, objet de l’étude citée ;
    - des différentes formulations commerciales des Roundup autorisées en Europe, dont l’une fait l’objet de l’étude citée ;
    - de deux maïs OGM Bt : le Bt 176, le premier à avoir été autorisé à la culture en France, et le maïs MON810, seul maïs OGM autorisé actuellement à la culture en Europe ;
    - des sojas OGM tolérant le Roundup : le GTS 40-3-2, le plus ancien autorisé, et le soja qui entre actuellement le plus dans l’alimentation animale et humaine. »
    voir la liste des assocs signataires sur notre blog:

      http://generations-futures.blogspot.fr/2012/10/ogm-sante-publique-130-ong-exigent-la.html

    - Les associations (uniquement) désirant soutenir cet appel peuvent le faire par email à l'adresse : ogmsante@gmail.com

    - les particuliers peuvent aussi soutenir cet appel en cliquant "j'aime" depuis la page Facebook de l'appel à :
    http://www.facebook.com/OgmSantePubliqueTransparence


    Une pétition ouverte à tous sera très bientôt lancée pour que le plus grand nombre rejoigne cette initiative.


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