"Taxe Robin des Bois", "Taxe Tobin"… Beaucoup d’appellations pour une mesure fiscale attendue depuis longtemps: la taxe sur les transactions financières, défendue notamment au Sommet de la Terre de Rio en juin 2012 par François Hollande.
Votée par l’ancienne majorité, elle a été renforcée depuis le 1er août par le gouvernement actuel. De quoi s’agit-il exactement?
> Un prélèvement sur les transactions financières
En mars dernier, cette taxe avait été adoptée par l’ancienne majorité, à un taux de 0,1%. Fin juillet, le Sénat a voté le doublement de son taux, passant ainsi à 0,2%.
Cette mesure consistera à appliquer une taxe sur les achats d’actions de 109 sociétés, pesant plus de 1 milliard d'euros en bourse.
La taxe sur les transactions financières devrait rapporter 360 à 400 millions d'euros dès cette année, selon le rapporteur du Sénat, et 1,6 milliard en année pleine.
> Une idée vieille de 40 ans!
James Tobin, prix Nobel d’économie, formule pour la première fois l’idée d’une telle taxe en 1972. Son objectif? Freiner la spéculation et stabiliser les marchés internationaux en appliquant un faible prélèvement sur les transactions à court-terme. L’idée est de mettre un place un taux très faible, en visant ceux qui multiplient les opérations financières.
Dans les années 1990, les mouvements altermondialistes reprennent à leur compte cette idée, tout en souhaitant que cette taxe finance l’aide au développement.
Si sa mise en place a fait l'objet de multiples atermoiements, c’est parce qu’elle doit être appliquée à l’ensemble des pays pour être pertinente… Et les réticences sont nombreuses, notamment du côté du Royaume-Uni.
> Une idée qui doit être étendue au niveau européen
En mai 2012, l’Union européenne a adopté une résolution favorable à une telle taxe, au taux de 0,1% pour les actions et les obligations et de 0,01% pour les autres produits financiers. Elle pourrait rapporter plus de 50 milliards d’euros par an.
Une partie de cette somme serait redistribuée à chaque Etat, qui pourrait en disposer librement.
> Objectif: renflouer la dette publique et financer la solidarité
Prochaine étape, complexe également, en France comme en Europe: déterminer ce que financera cette taxe. Pour les associations et acteurs de l'aide au développement, ses recettes doivent alimenter l’aide au développement, la lutte contre le VIH/sida et la pauvreté, etc.
Lors de notre rencontre en février dernier, François Hollande nous l'avait assuré: “le produit de cette taxe doit aller au développement. Elle n’est pas faite pour combler le déficit.”
Dans un premier temps, elle devrait surtout servir à renflouer les caisses de l’Etat. Aucune répartition claire n’a été décidée pour l’instant.
> Insuffisante pour les associations, inacceptable pour les traders
Ce manque de clarté attise le scepticisme des associations, qui jugent le montant de la taxe trop faible, et l’affectation de ses dépenses encore floue.
"Truffée d’exemptions", elle ne rapportera "qu’un milliard et demi d’euros par an", regrette Alexandre Naulot, chargé de plaidoyer à l'ONG Oxfam.
Dans un autre registre, la taxe mise en place par le gouvernement est critiquée par ceux qui craignent son effet dissuasif et une fuite des capitaux vers d’autres marchés.
Aux Etats-Unis, une fédération de plusieurs centaines de courtiers, banques et gestionnaires d’actifs a dénoncé un privilège extraterritorial sans équivalent. Pour eux, la France taxera ainsi des transactions financières à l'étranger. Du jamais vu.