Je crois que ce que je vais dire ne va pas plaire à tout le monde, mais tant pis : l’image d’Epinal de l’agriculteur, brave homme de la terre qui connaît ses vaches, ses veaux, ses cochons, type bourru au grand cœur qui porte un béret au Pays basque, une vareuse dans les Landes, un pull marin en Bretagne…
Du bla-bla.
L’image d’Epinal de l’agriculteur que les médias « officiels » vont rencontrer chaque année au Salon de l’agriculture, chez qui le président de la République vient boire son canon, chez qui l’on rigole bien, chez qui on parle « vrai » :
Du marketing.
La vérité aujourd’hui est que l’agriculture, comme l’alimentation, est majoritairement un big business aux mains de multinationales.
La preuve ?
En France, entre 1970 et 2010, le nombre d’exploitations agricoles est passé de 1,2 million à 490 000.
40 000 exploitations ont encore disparu entre 2010 et 2013.
Les exploitations disparaissent, oui, mais les terres… restent agricoles.
Une étude de septembre 2015 montre que dans 9 cas sur 10, les terres sont transmises dans le cadre d’un… agrandissement [1].
Un exemple récent a fait l’objet de quelques discrètes coupures de presse.
La société chinoise “Hongyang International Investment Company”, basée à Hong Kong, a racheté six exploitations dans le Berry (Centre) pour un total de 1750 hectares de terres céréalières. Des céréales destinées au marché chinois [2].
Mais on apprend aujourd’hui que cette société n’était qu’un paravent pour cacher la véritable identité de l’acheteur : en réalité la “Reward International Trade Company”, basée à Pékin, est spécialisée dans l’immobilier de tourisme, l’industrie laitière et… les détergents ménagers.
Pas franchement le genre petit paysan qui se soucie de bien produire…
Aujourd’hui, pour le dire crûment, à part une poignée de braves qui pensent différemment, dans le bio, dans l’agriculture responsable, dans la redécouverte de savoirs et de techniques anciens, dans l’amélioration de la productivité respectueuse de la terre, le reste est surtout une histoire d’argent.
De taille, de volume, de bilans comptables, d’exportation, de chiffres et encore de chiffres.
Xavier Beulin, ancien président du principal syndicat agricole, la FNSEA, et ex-président de la Société agro-industrielle de patrimoine oléagineux (2,2 milliards de chiffre d’affaires !) résumait le tableau général d’une phrase lapidaire :
« Celui qui a deux hectares, trois chèvres et deux moutons n’est PAS agriculteur. »
Peut-être…
Qu’est devenu l’agriculteur ?
Mais alors qu’est devenu l’agriculteur ? Comment voit-il son rôle ?
Comme dans tous les métiers, il y a les investissements, les risques, le profit, etc.
Mais n’y a-t-il pas quelque chose d’autre quand on nourrit ses frères humains ? Un peu comme lorsqu’on les soigne ? Lorsqu’on est, comme l’écrit le Pr Henri Joyeux, « le premier acteur de la santé ».
En toute franchise, je suis bien incapable de répondre.
Ce serait plutôt aux intéressés de le faire et de nous faire partager leur vision de leur métier, leurs certitudes, leurs doutes, la façon dont ils envisagent l’avenir, les solutions et la part que nous, consommateurs, sommes appelés à prendre.
Car cela aussi est très clair : nous ne devons plus ignorer la provenance ni la qualité de ce qui arrive dans notre assiette.